
Trudeau tire sa révérence : quel avenir pour la communauté étudiante ?
Crédit visuel : Sophie Désy — Photographe
Article rédigé par Tom Chazelle Schulze — Journaliste
Le début de cette année a été marqué par un tournant majeur en politique canadienne. L’annonce survenue le 6 janvier dernier, annonçant la démission de Justin Trudeau en tant que premier ministre du Canada, amorce une phase de transition politique. Quels impacts possibles aura sa démission, notamment pour les jeunes et les étudiant.e.s ?
Les réformes éducatives sous Trudeau : un héritage contrasté
Charles-Étienne Beaudry, professeur en études politiques à l’Université d’Ottawa et expert en politique canadienne, ainsi que Michel Wernick, ancien greffier du Conseil privé, estiment que le mandat de Trudeau a notamment été marqué par des choix progressistes, tels que la légalisation du cannabis en 2018 ou encore la politique ouverte aux étudiant.e.s internationaux.les.
De fait, sous le gouvernement de Trudeau, le Canada a connu de nombreuses réformes qui ont redéfini le soutien aux étudiant.e.s postsecondaires, notamment avec une augmentation des bourses d’études canadiennes de 40 %. Le gouvernement Trudeau s’est également démarqué par l’instauration de la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiant.e.s (PCUE) durant la COVID-19. Cette initiative, évaluée à un coût de 5,9 milliards de dollars en 2020-2021 d’après les calculs du Bureau du Directeur parlementaire du budget, était destinée à alléger la pression financière sur les étudiant.e.s durant la pandémie.
De plus, d’après Statistique Canada, la politique en faveur de l’immigration a apporté un fort afflux d’étudiant.e.s internationaux.ales, passant de 142 200 en 2009-2010 à 388 800 inscrit.e.s en 2019-2020.
Ces politiques ont cependant aussi alimenté des divisions dans l’opinion publique, affirment Beaudry et Wernick. Cette ouverture a mis en lumière nombre de failles structurelles, illustrant les lacunes de ces réformes, qui se heurtent à des contraintes. Le marché du logement, n’a pas pu suivre la croissance rapide de la population. Une étude de la Banque Nationale estime qu’afin de « […] répondre à la demande actuelle et réduire l’inflation des coûts de logement, le Canada devrait doubler sa capacité de construction à environ 700 000 mises en chantier par an », ce que l’étude considère comme un « objectif inatteignable », créant ainsi des difficultés pour de nombreux.ses jeunes, qu’il.elle.s soient locaux.ales ou étranger.e.s.
Par conséquent, pour Beaudry, « bien que les politiques de Trudeau aient eu des impacts positifs, elles ont aussi exacerbé certaines inégalités, notamment en matière de logement et de coût de la vie ».
Les étudiant.e.s face à l’incertitude politique et économique
Cet héritage laisse les étudiant.e.s craintif.ve.s face à des coupes potentielles dans les programmes de soutien sous un éventuel gouvernement plus conservateur, renforçant encore davantage l’incertitude quant à leur avenir, affirme Beaudry.
Il explique que le prochain gouvernement devra relever le défi d’équilibres, d’aspirations politiques et de réalités économiques pour répondre aux attentes d’une jeunesse canadienne en quête de stabilité et d’opportunités.
Wernick met cette jeunesse en garde contre l’incertitude politique, surtout en ce qui concerne les opportunités d’emploi dans le secteur public, qui est souvent la première victime de coupes budgétaires.
Un départ marquant un tournant politique
La décision de Trudeau, anticipée par certain.e.s, notamment après la dissolution de l’accord entre le Parti libéral du Canada (PLC) et le Nouveau Parti démocratique (NPD), vient avec un mécontentement populaire et des critiques envers la gouvernance. Le taux d’approbation de Trudeau a d’ailleurs diminué à 22 %, d’après une recherche publiée fin décembre par Angus Reid, un organisme de recherche canadien indépendant. D’après les deux experts, la démission, venant après des rumeurs de désaccord internes et des pressions extérieures, ouvre la voie à une année de transition politique incertaine.
Beaudry explique que Trudeau a prorogé le parlement jusqu’au 24 mars, ce qui marque le délai pour les candidat.e.s à la chefferie du PLC. Arrivé à cette date, le parlement reprendra ses fonctions avec un.e nouveau.elle chef.fe du PLC, qui assumera le rôle de premier.e ministre du pays. D’après Beaudry, le Bloc Québécois et le NPD ont affirmé qu’ils allaient faire tomber le gouvernement dès son retour.
Wernick insiste ainsi sur le rôle crucial de la fonction publique pour maintenir la continuité, même en période de transition politique. Il explique que, contrairement au modèle américain, la fonction publique reste « neutre et stable » au Canada, assurant la mise en œuvre des politiques et la gestion des services publics, de façon indépendante aux changements au gouvernement.
Pour l’ancien greffier au Conseil privé, qui anticipe une période de compressions budgétaires à venir, la transition actuelle s’inscrit dans un cycle politique naturel, peu importe le ou la prochain.e chef.fe de gouvernement.