Par Slim Essid – chef du pupitre Sports 

Durant les premières semaines, nous avons parlé des effets physiologiques et psychologiques, mais comme chaque activité humaine, le sport soulève aussi une réflexion sociologique, voire philosophique. En effet, de la Grèce Antique jusqu’à aujourd’hui, cette pratique fascine toujours les esprits…

Cette année, le Qatar a décidé de diviser son budget pour la Coupe du monde 2022 de soccer en deux. Ce ne sont plus 26.6 milliards d’euros qui seront dépensés mais bien 13.3 milliards. Ces chiffres impressionnants ne sont qu’un exemple parmi tant d’autres. Dans un monde dominé par le capitalisme, le sport n’est pas une exception et est bel et bien une industrie cherchant à maximiser ses profits. On trouve d’une part le sport-spectacle comme divertissement servi à la population, d’une autre part l’industrie du conditionnement physique (Fitness) tournant autour des multiples suppléments alimentaires promettant quelques fois des résultats miracles. Le rapport fournisseurs/consommateurs créé par l’industrialisation, et régi par la logique de la création du besoin, donne l’illusion que l’activité physique appartient à ces entreprises. En effet, au milieu de tout ce vacarme commercial, le piège est de penser que l’on a besoin d’elles pour devenir actif et atteindre nos objectifs. Or, ce n’est pas le cas, votre corps n’appartient qu’à vous et vous seul.e.s avez la capacité de le modeler à votre guise. Pour cette simple et unique raison, il est bon de rappeler que l’activité physique a toujours appartenu aux individus.

Le sport comme espace de rassemblement 

Tout au long de notre vie, nous sommes exposés à différentes facettes du sport. À part ce que l’on voit sur nos écrans de télévision, l’activité physique vaut bien plus que le simple concept de compétition. Son potentiel d’unir et de faire oublier les différences en fait une activité sociale non négligeable. L’équipe nationale de France de soccer en est un parfait exemple. De nombreux joueurs provenant d’origines et ethnies diverses portent le même maillot et reflètent à merveille le multiculturalisme français, quelques fois mis en doute dans le pays. Il y a d’autres exemples, comme l’équipe de Football Américain du lycée TC Williams qui bousculait toutes barrières raciales en 1971. La saison fut tellement marquante qu’elle fut l’objet d’un film, Remember the Titans, sorti en 2000.

Le sport comme pratique spirituelle

Au-delà du secteur compétitif, le sport peut donc être un moyen de se joindre à l’autre, se motiver mutuellement, s’encourager. Comme l’a dit professeur Fortier, spécialiste en psychologie de l’activité physique à l’Université d’Ottawa, « bouger ensemble aide à se motiver ». Toujours selon le même professeur, le problème principal du sport compétitif est la place donnée à l’égo. Vouloir être meilleur que les autres amène souvent à une certaine pression, qui n’est pas idéale pour quelqu’un cherchant à atteindre le bien-être et la paix d’esprit. Ce type de pensée s’inscrit dans la lignée des grands penseurs philosophiques qui voyaient le sport comme un moyen de connexion avec le corps, de déstresser, d’explorer ses faiblesses et de s’améliorer.

Le philosophe français Gilles Deleuze y voyait une occasion pour découvrir la réalité plurielle de l’homme, de ne pas chercher la supériorité sur un adversaire, mais bien de révéler sa nature collectiviste. On voit bien ici une conception spirituelle, où l’homme travaille sur son égo pour le dépasser et se fondre dans la masse. L’activité physique devient alors un symbole de solidarité, de développement personnel, de transcendance physique. D’ailleurs, Platon, l’un des penseurs les plus influents de la Grèce Antique, résume à merveille cette idée. Selon lui, le sport doit avoir un rôle éducatif chargé d’améliorer notre esprit, ce qui à son tour nous rend des citoyens de valeur. L’équilibre collectif passe par un équilibre individuel qui ne peut être envisagé que par un effort sur soi.