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La stigmatisation verbale des maladies mentales 

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6 novembre 2019

Crédit visuel; Andrey Gosse – directeur artistique 

Par Camille Cottais – Contributrice

Si les maladies mentales restent tabou dans notre société, notre vocabulaire véhicule une représentation stigmatisée de ces maladies. Comment mettre fin à ce stigma blessant et trompeur ? La Rotonde vous propose de commencer par le lexique.

Cette stigmatisation s’exprime au quotidien par une mauvaise utilisation des termes dans notre langage.

Qui n’a jamais entendu :  « il est vraiment bipolaire ce gars » pour qualifier une personne qui change rapidement d’humeur ou « elle est trop anorexique » pour désigner une personne à la morphologie mince ?

Ces phrases, parmi tant d’autres, sont capacitistes, c’est à dire, qu’elles participent à la mauvaise représentation des individus atteint.e.s de maladie.s mentale.s dans notre société en perpétuant des stéréotypes sur leur maladie, souvent bien plus complexe que l’idée que s’en fait l’opinion commune.

Les mots « malade mental.e » en lui même est symbolique de cette stigmatisation linguistique de par sa dimension péjorative et son utilisation synonyme du mot « fou » ou  « dangereux ».

Lunatique ne veut pas dire bipolarité

La bipolarité est un trouble de l’humeur et du comportement caractérisée par l’alternance de phases dépressives et maniaques. Les phases dépressives sont caractérisés par des sentiments d’anxiété et de faible estime de soi.

Une phase dépressive peut initier  des troubles du sommeil et de l’appétit, un ralentissement psychique et moteur ainsi que des pensées suicidaires.

La phase maniaque, quant à elle, se démarque par des sentiments d’euphorie, des insomnies, des troubles de la concentration et des comportements hyperactifs entrecoupés de périodes plus stables.

Contrairement aux idées reçues, ces épisodes peuvent durer des semaines voire des mois. Comme bon nombre des maladies mentales, on ne peut pas guérir la bipolarité mais on peut amoindrir ses symptômes avec des régulateurs d’humeur ou des neuroleptiques pour aider la personne à vivre la maladie.

Quant à l’adjectif lunatique, il désigne une personne changeant rapidement d’humeur, un comportement certes embêtant mais loin d’égaler la gravité des souffrances, des difficultés et des discriminations rencontrées par les personnes bipolaires.

La bipolarité complexifie en effet de beaucoup la vie personnelle, professionnelle, relationnelle et l’équilibre psychologique de ceux et celles qui en sont atteint.e.s. Le taux de mortalité chez les personnes en souffrant est 2 à 3 fois supérieur à celui de la population générale.

Déprimé.e ou dépressif/dépressive ?

La dépression est une maladie mentale qui implique des pensées négatives voire suicidaires. Une perte du désir et une diminution de la joie de vivre en sont les principaux symptômes, ajoutées à des troubles du sommeil et/ou de l’appétit, un isolement et un ralentissement des capacités intellectuelles.

Le dépressif ou la dépressive n’aime plus rien faire et ne trouve plus de motivation. Sa maladie entraîne beaucoup de souffrances et a de fortes répercussions sur ses relations sociales et son travail. Elle est traditionnellement traitée par des antidépresseurs et/ou une thérapie.

Le fait d’être déprimé désigne une phase de tristesse temporaire, tandis que si cette humeur persiste longtemps, de façon intense et sans forcément de raison apparente dans le cas d’une réelle dépression. Cet état passager, que chacun d’entre nous expérimente de temps à autres, n’approche en rien de la place sous-estimée de la dépression dans la vie d’un individu.

Minceur n’implique pas anorexie

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire. C’est la maladie mentale ayant le taux de mortalité le plus élevé, avec environ 10% des cas. Les personnes atteintes ne sont pas toujours en sous poids, tout comme les personnes considérées comme petites morphologiquement n’ont pas toujours des troubles alimentaires.

Pourtant, la petite morphologie est un symptôme de l’anorexie mentale parmi d’autres. L’hypotension, la diminution du rythme cardiaque et de la température corporelle, la fatigue physique et intellectuelle, l’absence de règles et la perte importante de cheveux sont d’autres symptômes de la maladie mentale.

De nombreux adolescent.e.s anorexiques ont un poids normal, c’est à dire un IMC compris entre 18,5 et 23, et souffrent des mêmes symptômes que les anorexiques de poids inférieur. Au contraire, de nombreuses personnes ont une morphologie naturellement mince et désirent même prendre du poids.

Petite morphologie et anorexie ne sont donc pas des synonymes et à confondre. Ces deux termes sont discriminatoires, de même que minimiser la gravité et la complexité de cette pathologie.

Contradictoire ou schizophrénique ?

La schizophrénie est l’une des maladies mentales les plus méconnues et stigmatisées. Loin de correspondre au cliché véhiculé par la culture populaire du schizophrène ayant plusieurs personnalités, une personne atteinte de cette psychose peut souffrir de difficultés sociales, d’hallucinations visuelles et auditives, de troubles de la concentration, d’idées délirantes et de paranoïa, entre autres.

Les schizophrènes ne sont pas violent.e.s et dangereux pour la société. Si on entend souvent quelqu’un exprimant croire être schizophrène sur le ton de l’humour, il faut savoir que les personnes schizophrènes n’ont pas plusieurs « personnalités » dans leur tête.

De la même façon, se parler à soi même est une attitude normale ne relevant pas de la santé mentale et n’ayant aucun rapport quelconque avec la schizophrénie.

Mettre fin au tabou

Utiliser les bons termes est les représentations justes est primordial afin d’éviter la marginalisation des personnes atteintes de maladies mentales ou de handicaps. Cela évite en effet de leur faire une « mauvaise publicité », c’est à dire de propager des stéréotypes infondés à leur égard. 

Les maladies mentales ne sont pas des blagues mais une véritable souffrance et il est aujourd’hui nécessaire que le tabou cesse pour permettre une meilleure prise en charge des personnes en souffrant.

Ceci n’est qu’un mince aperçu de la complexité et de la diversité de ces maladies. De plus, n’étant pas nécessairement qualifiée pour aborder chacune d’entre elle avec justesse, je vous invite, si le sujet vous intéresse à vous renseigner directement, de préférence auprès des concerné.e.s qui sont les bien plus légitimes à parler de leur expérience personnelle.

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