Yasmine Mehdi
Il a commencé la semaine à Paris, a fait un saut à Doha, et a finalement passé son dimanche soir à Ottawa, devant l’auditorium bondé de l’Adult High School. Le professeur, philosophe, chercheur et auteur reconnu pour semer la controverse a attiré 800 Ottaviens, qui se sont déplacés pour entendre son analyse des enjeux du Moyen-Orient.
Une conférence couronnée de succès
« Ce qui est important pour moi n’est pas nécessairement de parler de chaque enjeu de manière exhaustive, mais de montrer les liens entre chaque problématique. » Cette phrase a donné le ton pour le reste de la conférence, durant laquelle Ramadan a critiqué, à maintes reprises, la politique des puissances occidentales au Moyen-Orient, tout en explicitant la nécessité d’une analyse économique et géopolitique de la région.
Ferry de Kerchkhove, professeur à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales et ancien diplomate de carrière, s’est dit du même avis : « On oublie très souvent la dimension purement économique. Or, si vous voulez comprendre l’ingérence au Moyen-Orient, les questions économiques sont fondamentales. »
Si un sujet a particulièrement enflammé Ramadan ce soir-là, c’est celui du conflit israélo-palestinien. En effet, le conférencier a déclaré : « Si on se soucie de la dignité humaine, comment faire confiance à Netanyahu? […] Nous ne devons pas être sélectifs et avoir ce double standard quand il en vient aux droits de la personne en Palestine. »
Il va sans dire, la conférence a fait fureur. Dès la fin de son allocution, des douzaines de personnes ont demandé à Ramadan de signer des autographes et de prendre des selfies.
Pour l’organisme derrière l’événement, Canadiens for Justice and Peace in The Middle East, qui a dépensé entre 10 000 $ et 15 000 $ pour la série de conférences, l’évènement a été un succès : « Nous n’avons reçu que des réponses positives de la part des personnes présentes à la conférence », s’est félicité le président, Thomas Woodley.
Politiques migratoires et réfugiés : un éternel casse-tête
Tariq Ramadan n’a pas eu le temps de parler de la question des réfugiés lors de la conférence. Dans une courte entrevue avec La Rotonde, il a salué la politique d’immigration du gouvernement Trudeau, en ajoutant toutefois : « 25 000, ce n’est rien du tout à l’échelle du Canada, surtout quand des pays comme la Turquie en reçoivent 1 million, 2 millions, voire 6 millions. »
Pour de Kerchkhove, la politique canadienne accomplit parfaitement son devoir d’accueil, surtout quand on la compare aux 10 000 promis par le gouvernement américain. L’ancien diplomate a ajouté que « la qualité d’accueil du Canada est généralement meilleure que celle de la plupart des pays que je connais ».
Sur ce point, Ramadan était d’accord avec de Kerchkhove, en saluant « l’effet Trudeau », qui a selon lui rassuré la population. Le professeur suisse a dit s’inquiéter davantage des partis d’extrême droite européens, en déclarant : « C’est triste de voir un Occident qui a peur de recevoir des gens qu’il faut sauver uniquement par craintes électoralistes et populistes. »