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Opinions

Comment transformer l’éco-anxiété en action ?

Culture
14 janvier 2020

Crédit visuel: Andrey Gosse

Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe du pupitre Arts et culture 

 

En ce début d’année, les pronostics sur l’avenir de la planète semblent être de plus en plus pessimistes. La terre pourrait gagner 2,4 degrés en 2020 si rien de plus n’est fait. Une telle augmentation bouleversera la production alimentaire, notamment celle du blé. Il y a rapidement de quoi s’inquiéter. Comment passer outre cette inquiétude ? 

23h30 : l’écran de mon cellulaire s’allume et me rappelle gentiment que c’est l’heure de dormir. Je me couche, ferme les yeux. Ma journée défile dans ma tête : flammes, koalas morts, kangourous fuyant le désastre. Emportée par la tragédie, l’apocalypse semble à deux pas de moi.

No one is too small to make a difference, no one is too small to make a difference. Je me martelle des paroles de Greta comme la prière d’un messie. J’aimerais y croire mais le désir de faire une différence côtoie, pour ma part, trop souvent le sentiment d’impuissance. Et si nous étions vraiment trop petit.e.s pour faire une différence ? 

Google prise un

Malgré mon désir sincère de dormir, celui de trouver la solution miracle l’emporte. L’incertitude face à l’avenir m’éprend. J’ouvre à nouveau mon cellulaire, prie pour que Siri ou Google entendent mes prières en me donnant un peu d’espoir. 

Radio-Canada : un reportage peint la détresse de communautés autochtones de Yellowknife suite à la fin prématurée du Snowking Winter Festival dû à la fonte des glaces. Facebook : une amie appelle à des dons d’urgence pour l’Australie, une autre, à signer une pétition pour protéger les hérissons.

Je ferme mon cellulaire et me réjouis d’avoir des ami.e.s préoccupé.e.s par la cause. Leur travail semble être de me rappeler quotidiennement le triste sort de la planète. Je ne trouverai clairement pas de quoi me réjouir ici. 

« Toi, t’es clairement une éco-anxieuse » ; je repense à ce que mon amie m’a dit la semaine passée. Moi, éco-anxieuse ? Préoccupée, oui.  Inquiète, oui. Mais tout le monde l’est, non ? 

Qu’est-ce que l’éco-anxiété ? 

Je décide d’éclaircir le sujet. J’apprends que le terme éco-anxiété a été inventé dans les années 2000 par le philosophe australien Glenn Albrecht et qu’il est aujourd’hui pratique courante. Touchant surtout les jeunes, ce phénomène se dévoile par un mal-être profond, « une détresse existentielle causée par les changements environnementaux ». Angoisse, sentiment d’impuissance marqué, colère envers l’inaction des autres, en sont quelques symptômes.

Ces émotions poussent à des comportements divers, allant de la rumination sur les réseaux sociaux au refus d’avoir des enfants. Plusieurs femmes et couples abandonnent en effet l’idée d’en avoir, au nom de la cause. Appelées les « Ginks », ces personnes tentent de lutter contre la surpopulation présente et le réchauffement climatique en refusant de mettre au monde un enfant qui aura, par nature, un important impact environnemental. 

Refuser de procréer pour la cause ? N’est-ce pas un peu drastique ? Jusqu’où devrons-nous aller individuellement ? Et surtout, les actions individuelles mènent-elles réellement à des changements significatifs ? Mes épiceries en vrac, mon refus du plastique et mes innombrables voyages en autobus me semblent alors futiles face aux statistiques catastrophiques. 

Ne laissons pas la bête nous figer

Je me rappelle mes angoisses passées: ma peur de voyager solo, écrire ma propre pièce, être engagée à La Rotonde. Autant de futilités qui paraissaient auparavant si grosses dans ma tête. Elles n’ont été résolues qu’en les affrontant, en sortant de l’évitement, et en acceptant l’incertitude.

L’anxiété, bien que désagréable, est aussi un élan de vie. Le stress nous permet depuis toujours de nous protéger. Lorsque bien géré, il nous permet d’accomplir de grandes choses parce qu’il nous motive à agir. La colère aussi peut appeler à l’action. 

J’ouvre mon cellulaire à nouveau ; Facebook, UOttawa, UOttawa Développement Durable, Matinées caféinées, La Gratuiterie. Autant de pages me redonnent, petit à petit, un espoir authentique ; à l’opposé du climato-sceptisme. 

L’éco-anxiété augmentera probablement avec le temps. Malgré toute la douleur qui l’accompagne elle peut devenir un puissant vecteur d’action et de changement. Greta Thunberg, elle-même profondément éco-anxieuse, en est la preuve vivante. Quand tout nous donne à croire qu’il n’y a pas d’issue, choisissons de faire front commun et d’y croire en collectivité.

 

À titre d’information : La Rotonde publiera ce semestre un article par semaine sur l’environnement. Ces articles chercheront à stimuler l’engagement envers la cause en proposant des pistes de solution et en partageant des portraits d’étudiant.e.s engagé.e.s. Si vous avez des suggestions d’articles ou que vous souhaitez vous impliquer de quelques façons que ce soit, n’hésitez pas à nous écrire.

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