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L’Université d’Ottawa, les seuls à blâmer?

Rédaction
24 juin 2019

Par Alex Benimana

Mercredi 12 juin, Jamal Boyce, un étudiant de l’Université d’Ottawa, a été arrêté et menotté pendant deux heures par le Service de la protection suite à un contrôle d’identité, alors qu’il faisait du skateboard sur University Private. Sous doute de la crédibilité de cet arrêt, l’étudiant en question s’est révolté sur les médias sociaux en parlant de profilage racial suite à la publication d’une vidéo des évènements prise par lui-même. Plusieurs dénonciations sur le Service de protection et remises en question s’en sont suivi.

Quels sont les droits?

Les arrestations sans mandat par quiconque sont encadrées par le Code criminel canadien, plus précisément, l’article 494 du chapitre C-46. Pour arrêter quelqu’un, les gardes doivent constater un acte criminel, soit, avoir des motifs raisonnables de penser qu’il a commis un crime et tente de s’échapper.

L’article 8 du règlement 33 de l’Université d’Ottawa de ce règlement stipule que les membres du Service de la protection sont autorisés à demander une preuve d’identification aux personnes sur le campus. Il n’y a cependant rien d’indiqué sur les procédures à suivre en cas de refus d’obtempérer de la part des individus contrôlés.  

 Le campus est toutefois une propriété privée. Ce qui, selon le site du Gouvernement de l’Ontario, permet d’obliger preuve d’identité.

Dans le vidéo de Jamal, les raisons de son arrestation sont clairement évoquées par un agent : le refus de donner sa carte d’identification et le refus de quitter le campus en vertu de la loi sur l’entrée sans autorisation, L.R.O. chapitre T21.

Pour Boyce, le motif de l’arrestation est clair : il a été victime de profilage racial, et les agents de sécurité ont abusé de leur autorité pour le harceler et l’humilier. Sa version des faits est corroborée par les témoins présents, qui n’ont pas tardé à s’attrouper autour de l’incident. Christopher Kelly-Brisson, étudiant au doctorat à l’Université, a posté le jour même sur Twitter à propos de l’incident : « […] Un homme blanc sur un skate vient de passer sans attirer un seul regard des agents de sécurité. »

Le service de sécurité était donc dans le droit d’exiger une preuve d’identité, mais la question se pose sur la direction d’arrestation envers Jamal en particulier.

Pas un incident isolé

Cela a mis en évidence une série d’éléments troublants dans le règlement et les mesures pour assurer l’équité à l’Université d’Ottawa. Amir Attaran, professeur de droit, a par la suite partagé une vidéo datée de septembre 2017 montrant un conflit subi avec le Service de la protection.

Un membre du Service, qui aurait reçu un appel du 911 avant, est filmé en train d’exiger une carte d’identification au professeur dans son propre bureau, ainsi qu’à son étudiante, tous deux issus d’une minorité visible. Sans infraction constatée et suite à leur refus, l’agent exige alors au professeur Attaran d’évacuer les lieux, invoquant le règlement 33 de l’Université d’Ottawa.

Sur le cas de l’Université d’Ottawa suite au vidéo de Jamal, Attaran publie depuis presque à tous les jours sur Twitter des publications adressées à la dénoncer sous le hashtag #racist. Celui-ci mène la situation vers des discriminations qui vont même jusqu’aux lacunes quant à l’emploi de minorités visibles. Celui-ci publiait entre autres le 20 juin passé le diagramme d’une étude comparant la diversité des dirigeants d’Universités canadiennes récemment publiées par Dr. Malinda S. Smith, enseignante en science politique à l’Université d’Alberta. En voici les résultats :

https://uofaawa.wordpress.com/2019/06/20/u15-leadership-remains-largely-white-and-male-despite-33-years-of-equity-initiatives/

« Celles-ci sont constituées différemment selon les institutions, mais incluent généralement tous les vice-présidents, directeurs principaux, conseillers juridiques, etc. Les résultats montrent que des progrès ont été réalisés en matière d’équité entre les sexes, mais moins en ce qui concerne les minorités visibles, en particulier les femmes et les femmes et hommes autochtones » stipule S. Smith dans son étude.

Depuis l’incident, plusieurs étudiants ont aussi partagé des expériences similaires. Ce règlement 33 n’a pas manqué de faire réagir :  depuis l’incident, plusieurs condamnations et appels à son abrogation ont été lancés, le décrivant comme vague et pouvant mener à des dérives discriminatoires. Parmi ces appels, celui du premier conseiller municipal noir de la ville d’Ottawa, Rawlson King, ainsi que de l’Association des professeurs de l’Université d’Ottawa, par une lettre ouverte.

La réaction de l’Université d’Ottawa

« Le racisme n’a pas sa place sur campus ». Ces mots ont été prononcés par le recteur de l’université, Jacques Frémont, deux jours après l’incident.

« J’ai demandé à monsieur Noël Badiou, directeur du Bureau des droits de la personne de l’Université d’Ottawa, de se pencher sur la situation et de me recommander des actions à prendre dès maintenant et à plus long terme pour améliorer les règlements et les procédures de l’Université. » Plus tard au cours de son élocution, à la question de savoir si les gardes étaient dans leur droit, il a préconisé de laisser l’enquête suivre son cours d’abord, admettant que « l’avocat en lui était très intéressé par la réponse » et qu’ « Il y a bien une réglementation sur campus autorisant les gardes à demander une carte d’identité, datant de 1992 ».

En parallèle, l’établissement a annoncé avoir engagé l’enquêtrice indépendante Esi Codjoe, du cabinet de Toronto Turnpenney Milne s.r.l., avec pour instruction de « réaliser l’examen le plus rigoureux et complet possible dans les meilleurs délais ».

Au-delà de l’accident du 12 juin, Mme Codjoe a pour mandat d’examiner si le règlement 33, les politiques de l’Université ainsi que la loi sur l’entrée sans autorisation avaient « des effets négatifs précis et/ou systémiques sur les membres de notre communauté issus de groupes traditionnellement défavorisés, en particulier les membres des groupes racisés sur le campus. »

 

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