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Sports et bien-être

Comprendre le lien entre racisme et santé mentale

Dawson Couture
5 mars 2021

Crédit visuel : Monnica Williams – Contribution

Entrevue réalisée par Thelma Grundisch – Cheffe du pupitre Sports & bien-être 

Professeure de psychologie à l’Université d’Ottawa (U d’O), Monnica Williams s’est beaucoup intéressée à la thérapie transculturelle. En tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les disparités en matière de santé mentale, elle décrit ses recherches dans le domaine, et propose des mesures pour aider les communautés minoritaires sur le campus. 

La Rotonde (LR) : Comment en êtes-vous venue à travailler dans le domaine de la santé mentale ?

Monnica Williams (MW) : J’ai toujours trouvé la santé mentale fascinante. Certain.e.s de mes proches souffrent de maladies mentales et j’ai voulu apprendre à les aider. En tant qu’Afro-Américaine, j’ai vu de mes propres yeux les difficultés que pose l’appartenance à un groupe racialisé. Ces groupes sont, non seulement plus à risque d’être atteints de maladies mentales, mais ont également moins accès aux soins […]. Ma recherche a pour but de trouver des façons d’éliminer ces barrières.

LR : Comment le racisme affecte-t-il la santé mentale ?

MW : C’est comme une « mort à petit feu » ; les microagressions sont des échanges brefs et quotidiens, sous forme de commentaires en apparence anodins et de gestes subtils qui envoient des messages dénigrants aux personnes de couleur. Une accumulation de ces microagressions et de discrimination au fil du temps peut blesser et décourager celles et ceux qui en sont la cible. Vivre dans la crainte constante d’être rabaissé.e par les autres peut devenir traumatisant et provoquer une forme de stress post-traumatique (SPT), parfois appelé traumatisme racial.

Les actes manifestes et cachés de racisme sont douloureux et ont été liés à des symptômes de dépression, d’inquiétude, d’anxiété, de stress, de toxicomanie, d’agoraphobie, de paranoïa et même de psychose. Le racisme systémique limite les possibilités des personnes racialisées, ce qui ne fait que perpétuer le cycle du racisme […].

LR : Est-ce qu’une connaissance du passé et de l’histoire colonialiste peut être quelque chose de traumatisant ?

MW : La connaissance du passé est importante, car elle nous aide à tirer des leçons des erreurs commises et à exposer la réalité des luttes que celles et ceux qui nous ont précédé.e.s ont connu. Oui, étudier le passé peut être traumatisant, mais mettre en lumière des personnes qui ont milité contre le racisme envers les personnes autochtones, noir.e.s et de couleur est une façon d’insuffler un aspect positif à notre histoire.

Lorsqu’une personne a subi un traumatisme et le surmonte, elle ne peut que devenir plus forte. Si l’on enseigne à cette personne dès son plus jeune âge que le racisme existe, mais qu’il ne la définit pas, celle-ci sera mieux préparée à faire face au racisme.

LR : Qu’est-ce que la thérapie culturellement sensible que vous pratiquez ?

MW : Je m’efforce de comprendre les questions culturelles, sociales et spirituelles qui façonnent une personne dans son ensemble. J’utilise ces connaissances pour fournir des services à des client.e.s de diverses cultures, qui leur donnent le sentiment d’être compris.e.s et validé.e.s. Les éléments clés sont l’éducation sur le racisme, la validation, le soutien et l’autonomisation.

Regarder la vie d’un point de vue interculturel signifie apprécier la diversité des différents groupes de personnes [avec] leurs valeurs et leur histoire qui sont propres à chaque culture. Du point de vue de la santé mentale, cela signifie que nous voulons étudier et comprendre les différentes cultures et utiliser ces connaissances pour communiquer efficacement avec les autres et les traiter avec respect. 

Il existe par exemple la psychologie noire qui est la reconnaissance et l’intégration des expériences et des valeurs culturelles des personnes noires dans la thérapie. Lorsqu’il s’agit de soins de santé mentale, il est important de comprendre le contexte culturel du patient, car non seulement la présentation des symptômes peut varier, mais l’expérience vécue par les Noir.e.s est très différente partout dans le monde.

LR : Quelles sont vos observations de l’U d’O et de ses actions pour aider les communautés minoritaires ?

MW : Je pense que la plupart des gens à l’U d’O veulent bien faire, mais comme dans d’autres universités, il y a encore de nombreux domaines dans lesquels il faut progresser et s’améliorer. Demandez à n’importe quel.le étudiant.e racisé.e sur le campus : il.elle aura fort probablement vécu du racisme, que ce soit de la part de camarades, du personnel ou du corps enseignant, et voudra partager son expérience avec vous. Nous avons besoin d’une meilleure éducation pour tou.te.s sur ce qui constitue le racisme, des sanctions claires pour les actes racistes, et également plus de professeur.e.s racisé.e.s afin créer un meilleur environnement pour tou.te.s les étudiant.e.s.

Dans le futur […], j’espère voir des groupes de personnes qui étaient auparavant réduites au silence faire entendre leur voix. Il s’agirait par exemple d’inclure les personnes de couleur dans des études universitaires, d’embaucher plus de personnes de couleur au sein des professionnel.le.s de la santé mentale, et de former les communautés à la lutte contre le racisme.

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