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Apprendre les pratiques juridiques autochtones

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17 septembre 2018

Par Nonibeau Gagnon-Thibeault 

Les étudiant.e.s de première année en droit civil à l’Université d’Ottawa (U d’O) suivront un cours obligatoire sur le droit autochtone lors de la prochaine session d’hiver. Présenté pour le première fois lors de la session d’hiver 2018, le cours a été créé suite à une recommandation de la Commission de vérité et réconciliation afin que les étudiant.e.s connaissent le droit autochtone et qu’ils et elles soient sensibilisés aux problématiques actuelles.

Nommé Initiation au droit autochtone, le cours intensif obligatoire pour les étudiant.e.s en droit civil vise à faire connaître l’existence de systèmes juridiques propres aux communautés autochtones au Canada et exposer le rôle essentiel que le droit occidental a joué dans le colonialisme en repoussant et marginalisant ces pratiques.

Le professeur titulaire de la Faculté de droit de l’U d’O, Ghislain Otis, explique que les autochtones ont un système social propre à eux qui régule les transgressions des normes. Il explique que les normes autochtones émergent généralement par consensus et incluent une prise en charge par la communauté. « L’individu n’est pas considéré comme criminel, mais comme quelqu’un qui a violé une règle, qui doit reconnaître ses torts et, avec sa famille, doit aller vers une solution et une réparation », explique Otis.

Si plusieurs ignorent ceci, c’est à cause du système colonial canadien, estime le professeur. « Il est important que les futurs juristes soient conscients que le système juridique dans lequel ils sont formés à l’Université est un système essentiellement occidental étatique et que ce système est né dans un contexte colonialiste et qu’il a repoussé et occulté les systèmes autochtones existants », estime-t-il.

Pour le professeur en droit civil à l’U d’O, Thomas Burelli, cet enseignement doit se faire, sans quoi l’ignorance entourant le droit autochtone perpétuera les problématiques actuelles. « Cette ignorance-là peut conduire à de mauvaises décisions, notamment en matière de politiques publiques », explique Burelli. « On forme de futurs avocats, de futurs acteurs dans notre société et ils vont être amenés à travailler sur ces problèmes. Si l’ignorance continue, on va reproduire les mêmes stéréotypes, les mêmes erreurs », continue-t-il.

Sensibiliser et informer

Le cours a notamment une activité de groupe qui reproduit de façon simplifiée l’impact majeur que le colonialisme a eu sur les communautés autochtones. Animée par le groupe KAIROS, pour la justice environnementale et les droits humains, l’activité se déroule sur des couvertures éparpillées uniformément sur le plancher du gymnase Montpetit. Les personnes sur chaque couverture représentent une communauté autochtone.

Un narrateur explique l’histoire autochtone du début de la période coloniale. Avec l’avènement des frontières américaines et canadiennes sur le territoire, des communautés sont séparées. Puis, des participant.e.s sont graduellement éliminé.e.s, notamment à cause des épidémies qui se répandent chez les Premières Nations. Tout au long de la narration, le nombre de personnes et de couvertures diminue avec l’expansion et l’avancement du colonialisme. Les liens entre les communautés restantes sont minimes, les laissant isolées et vulnérables.

« À la fin, on a constaté que la population fut décimée. Les gens étaient émus, c’est comme si on vivait ce qui s’était produit », raconte Vicky Richard, une étudiante en droit civil à l’U d’O qui a participé à la première édition du cours. Elle considère que le cours « nous a ouvert les yeux sur leur réalité qui est complètement différente. C’est presque comme un pays du tiers monde. Certains n’ont pas d’eau courante ».

Vicky souhaite travailler dans le domaine du droit de la famille et elle espère pouvoir utiliser ses connaissances pour aider les familles autochtones à employer leur propre système juridique. Elle pense notamment au Code civil du Québec qui a inclu l’adoption coutumière autochtone, mais qui est trop contraignante selon elle. En travaillant dans un cabinet d’avocats l’été dernier, elle a pu observer le cas d’une famille autochtone qui désirait adopter un enfant dont elle s’occupait de facto, mais qui en était empêchée. La raison? Le Code civil exige un certain lien de famille entre la famille adoptive et l’enfant.

Vers une réconciliation

Le cours a été mis en place par la Faculté de droit de l’U d’O, suivant la recommandation 28 de la Commission de vérité et réconciliation qui demande notamment « aux écoles de droit du Canada d’exiger que tous leurs étudiants suivent un cours sur les peuples autochtones et le droit, y compris en ce qui a trait à l’histoire et aux séquelles des pensionnats ».

Ce sont des professeurs du comité Vérité et réconciliation de la Faculté de droit qui ont amené l’idée de ce cours intensif pour faire un pas vers la réconciliation dans le domaine du droit. « La décolonisation passe par la reconnaissance de leurs systèmes juridiques propres. C’est un besoin social et politique. […] La société majoritaire n’a pas appris à respecter les visions autochtones », souligne Otis.

Bien que le cours puisse être chargé d’émotions lorsqu’il est question de la longue histoire de colonisation qu’ont subi les communautés autochtones, « l’idée n’est pas de culpabiliser les étudiant.e.s non-autochtones, loin de là », insiste Burelli. C’est plutôt une façon de s’informer sur l’histoire, les pratiques et les enjeux autochtones afin de travailler vers une réconciliation, selon lui. « Si on ne se connaît pas, si on ne sait pas d’où on vient, il est difficile de se concilier », estime le professeur.

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