Yasmine Mehdi

Tu étudies en vue de ton prochain examen de mathématiques, ou plutôt tu devrais le faire. En attendant, tu consultes ton fil Facebook. Et puis soudainement, une vidéo attire ton attention.

Dans cette vidéo promotionnelle de l’Université d’Ottawa, deux personnages, Gris et Grenat font la promotion des échanges étudiants. Ils visitent Hong Kong, le Maroc, l’Islande, l’Espagne, l’Australie puis la France.

Sauf que voilà, même toi, étudiante ordinaire, remarque que quelque chose ne va pas. On représente Hong Kong par ses gratte-ciels, le Maroc par le désert, l’Islande par le froid, l’Espagne par la sieste, l’Australie par les coraux et la France par la tour Eiffel.

Tu fais partie de ces gens venus d’ailleurs, ces gens au passeport bleu, mais qui seront toujours un peu moins Canadiens. Tu repenses au nombre de fois où tu t’es sentie obligée de faire une blague sur le terrorisme, histoire de plaire à la mère souverainiste de ton copain, histoire de ne pas avoir l’air de « chercher une raison d’être offensée ».

Tu te mets à rédiger un commentaire sur cette vidéo, publiée par une institution censée représenter la connaissance, mais qui brille par son ignorance. Tu parles des iles peuplées de pêcheurs de Hong Kong, du site archéologique de Volubilis au Maroc, de l’Islande et de son taux d’homicide le plus bas de l’OCDE. Tu parles de Picasso, de Miro, de Voltaire et de Simone de Beauvoir, mais aussi des dizaines de langues aborigènes d’Australie.

Avec un pincement au cœur, tu te ravises et effaces ton commentaire. Tu sais depuis longtemps qu’on se fout que des cultures riches et complexes soient simplifiées à des stéréotypes ignorants au nom de l’humour.

Tu ne vaux pas mieux que cette vidéo. Comme tout le monde, tu t’es déjà moquée des Canadiens, de leurs chemises carreautées, des beignes du Tim Hortons et du culte du hockey. Sauf qu’en attendant de devenir une citoyenne exemplaire, tu t’attends à ce que l’établissement auprès duquel tu t’es endettée pour acquérir le savoir donne un meilleur exemple. Un exemple de l’ailleurs dans sa complexité, et non dans ses clichés.