Comment organiser des Jeux Olympiques ? : les coulisses d’un spectacle mondial
Crédit visuel : Agence France-Presse
Article rédigé par Ismail Bekkali – Journaliste
La 33e édition des Jeux olympiques (JO) s’achève tandis que la 34e est déjà en préparation à l’autre bout du monde. Pour le pays hôte, recevoir un tel événement sportif est un défi logistique, que Paris s’est promis de relever, tout en capitalisant sur cette occasion pour briller sur la scène internationale. Mais derrière ce spectacle se cachent des enjeux complexes, entre problèmes d’organisation, budgets non respectés et enjeux de société.
Se préparer aux Jeux olympiques : les défis à surmonter
Cette préparation fastidieuse des JO débute dès l’annonce du pays qui en sera l’hôte. Le choix de Paris s’est avéré être lui aussi un processus complexe et controversé, explique Christine Dallaire, professeure à l’École des sciences de l’activité physique de l’Université d’Ottawa (U d’O). Cette dernière développe ses propos en expliquant que le Comité International Olympique vise à promouvoir le rayonnement international des Jeux en sélectionnant des villes capables de refléter une diversité géographique et culturelle. Toutefois, la professeure dénote que ce processus a déjà été critiqué par le passé pour son manque de transparence et a même été accusé de corruption. D’après elle, Paris, comme toutes les villes hôtes qui l’ont précédé, a été choisie sur la base d’un set de critères pouvant être tout aussi légitimes qu’arbitraires.
Une fois la ville sélectionnée, Christine Dallaire indique que l’étape suivante est la planification détaillée de l’événement. Lavagnon Ika, professeur à l’école de gestion Telfer à l’U d’O, précise que cette planification, qui doit permettre l’accueil d’une dizaine de milliers d’athlètes et de millions de touristes, implique des montants « faramineux ». Ainsi, il ajoute qu’une des priorités du pays hôte est d’éviter au plus possible les dépassements de coûts.
Pour cette 33e édition des JO, Paris se démarque notamment par son utilisation à « 95% d’infrastructures déjà existantes », ce qui contraste fortement avec beaucoup d’éditions précédentes, ajoute Lavagnon Ika. À titre de comparaison, ce dernier mentionne que le budget de Paris a été estimé à 13 milliards de dollars canadiens, tandis que celui de Pékin en 2022 était de 44 milliards.
Outre cet aspect financier, le professeur aborde également un enjeu sécuritaire, puisque « depuis le 11 septembre 2001, on sait que le contexte fait en sorte qu’il y a une préoccupation plus importante en matière de sécurité qu’auparavant ». Avec 4,5 milliards de dollars canadiens investis seulement dans la sécurité, Paris a montré selon lui sa détermination à assurer le bon déroulement des Jeux.
Exploiter les Jeux olympiques : les opportunités politiques dont il faut profiter
Les raisons poussant le pays hôte de ces jeux à investir autant ne sont nullement économiques, affirme Christine Dallaire : « Il n’y a aucune façon de faire du profit avec les Jeux olympiques […] mais ça ne veut pas dire qu’on n’en retire pas des bénéfices ». Selon elle, les Jeux olympiques représentent une occasion unique pour un pays de renforcer son image à l’échelle mondiale : « Il y a toujours des enjeux de relations diplomatiques internationales, de se mettre sur la scène, mais aussi des enjeux internes au pays ».
Sur ce point, la France ne serait pas une exception. La professeure explique en effet que l’événement de cet été a été une vitrine pour promouvoir sa culture, son patrimoine et son attractivité touristique. Selon elle, en accueillant les JO, Paris espérait non seulement rassembler les Français.e.s autour d’une même identité, mais aussi attirer les visiteur.se.s en consolidant sa position comme ville phare du sport et de la culture.
Les ambitions politiques diffèrent cependant d’un pays à l’autre. Christine Dallaire rappelle par exemple que « lors des Olympiques de Séoul (1988), le but était de démontrer que la Corée était maintenant un pays qui ne faisait plus partie des pays en voie de développement, mais des pays développés ». En comparaison, l’experte explique que la Chine avait pour ambition, lors des JO d’hiver à Pékin (2022), d’afficher au monde son modèle politique comme une réussite, en concurrence directe avec le modèle étasunien.
Christine Dallaire poursuit en mentionnant l’exemple des JO de Vancouver de 2010. Pour elle, « la course du flambeau » à travers toutes les provinces du Canada était une parfaite illustration de cette ambition démesurée de promouvoir l’identité nationale du pays hôte. « On est un grand pays. Ça n’a pas de sens de courir d’un bout à l’autre du pays avec le flambeau olympique. Et pourtant, on l’a fait parce qu’on avait une intention d’unifier le pays derrière les Jeux de Vancouver », commente la professeure.
Apprendre des Jeux olympiques : les erreurs à ne pas recommencer
L’organisation d’un événement d’une telle envergure n’est pas sans conséquences, surtout pour les populations locales de la ville recevant les Jeux. Au-delà des critères de faisabilité, la bonne volonté des citoyen.enne.s du pays concerné est un critère décisif d’après Christine Dallaire. « C’est ce qui fait qu’il y a des villes qui ne soumettent pas leurs candidatures finalement. Toronto voulait avoir les Jeux de 2024, mais il y a eu un grand mouvement où les Canadien.enne.s ont dit “on ne veut pas les Jeux d’été” », développe-t-elle.
En effet, la professeure rappelle que, par le passé, l’ampleur de l’événement a pu mener les autorités organisatrices à prendre des décisions radicales, affectant grandement la population locale. Elle mentionne par exemple des déplacements de populations précaires, des « nettoyages de quartiers », pour permettre la construction d’infrastructures des JO.
Lavagnon Ika expose d’autres chamboulements de l’économie locale. Selon lui, l’afflux de touristes bénéficie certainement aux services d’hôtellerie et de restauration parisiens. Cependant, cet afflux peut également mettre à rude épreuve les infrastructures d’accueil de la ville. À long terme, l’impact reste selon lui incertain, l’organisation des Jeux pouvant représenter une dette financière substantielle pour la ville, avec son dépassement budgétaire de 3 milliards de dollars canadiens sur les 10 milliards prévus initialement. Au-delà des performances spectaculaires auxquelles nous avons pu assister au cours de ces Jeux, l’image à long terme qu’on en retiendra est donc loin d’être figée.