Éditorial
Par Frédérique Mazerolle, rédactrice en chef
En lisant des éditoriaux de journaux nord-américains, plus particulièrement quand ceux-ci parlent des problèmes qui sont liés à la jeunesse estudiantine, on comprend assez rapidement que l’étudiant.e lambda peut être accusé.e de mille et un crimes par la société. Des crimes à la con, à vrai dire.
Accusations sans fondements?
On accuse les jeunes d’être trop impliqué.e.s dans les causes de justice sociale et de se dissocier de la réalité qu’ils condamnent d’austère. Ah oui, quelle bande d’anarchistes, ces jeunes. On les traite de lâches et d’avares quand un.e d’entre eux ou elles ose se lamenter quant à la hausse des frais de scolarité, parce que, bien évidemment, ils reçoivent tout, tout cuit dans le bec, ces jeunes. On vous dira que « dans le temps », on travaillait pour avoir quelque chose avec laquelle se nourrir, se loger et poursuivre des études postsecondaires.
Cette lâcheté serait également liée au manque de participation des étudiant.e.s, qui, selon certain.e.s, ne feraient que garder la tête dans leurs bouquins, se divertissant une fois de temps en temps avec des filtres de photos trouvés sur Snapchat, en attendant tranquillement le bout de papier qui leur confirmera leur statut de « jeune professionnel.le à la recherche d’emploi ». Ah ces jeunes, ce sont des bon.ne.s à rien, sur lesquel.le.s on peut marcher sans qu’ils et elles ne s’en rendent compte. Ce n’est pas pour rien que les frais de scolarité continuent de montrer, les étudiant.e.s s’en foutent.
Peu importe vos valeurs personnelles, vous pouvez penser ce que vous voulez de la jeunesse d’aujourd’hui. Celle-ci est bien trop vaste et diversifiée pour qu’un verdict juste et équitable soit porté. Par contre, il existe un adjectif qui pourrait bien résoudre l’équation. Les étudiant.e.s, en grande majorité, sont naïfs et naïves. Eh oui, c’est dit.
Entre ignorance et insouciance
Il ne faut pas penser qu’ils font tout simplement preuve de naïveté. Oh non, le problème est bien plus grave. L’étudiant.e emblématique, malgré le fait que celui-ci ou celle-ci se dise au-delà de l’influence des médias, de la politique et des dernières tendances qui changent chaque semaine, à savoir chaque jour, reste tout de même un gobeur de publicité qui ne réfléchit guère avant de signer un contrat.
Vous direz que le temps se fait court et qu’on ne vit qu’une fois, alors vous n’avez pas le temps de lire les petits caractères, là en bas de la feuille. C’est justement ce qu’a fait Ariel dans La Petite Sirène, lorsqu’on lui a offert d’avoir des jambes.
Mais justement, c’est bien ça le problème. Les gens s’embarquent dans cette aventure folle et pittoresque que sont les études postsecondaires en n’ayant presque aucune habilité de gérance financière. Marge de crédit? Crédit d’impôt? Frais de crédit? Tout ça, c’est du charabia aux oreilles tout nouvellement majeures. Et pourtant, dès la rentrée, on vous balancera un t-shirt gratuit*, suivi de termes financiers que qui non surement pas été appris au secondaire.
*Rien dans cette vie, et c’est certainement le cas à l’Université d’Ottawa, n’est gratuit. Cette personne qui vous donne ce t-shirt n’est nul.le autre qu’un.e représentant.e de vente de carte de crédit. Il vous dira que c’est cool d’en avoir une, comme ça vous pouvez acheter des trucs avec de l’argent que vous n’avez pas pour impressionner des gens que vous n’aimez pas. Mais ça, il ne vous le dira pas. Il vous vantera plutôt tous les avantages d’avoir ce morceau de plastique attaché à votre nom, comme un mot de bienvenue dans le monde des grands.
Comme des vaches à lait
Alors que des centaines, sinon des milliers d’étudiant.e.s chaque année se font escroquer par ces bandits du crédit, où est donc l’administration de l’Université? Elle n’est pas loin, au pavillon Tabaret, en train de tranquillement recevoir sa part des profits. Vous continuez votre train-train quotidien, en accumulant une dette étudiante relativement élevée, comme la majorité des vos camarades de classe. L’Université quant à elle, à même le jour de votre départ, vous signera des lettres revendiquant les mérites de la carte de crédit qui pourraient possiblement vous ruiner si vous ne savez pas comment l’utiliser sobrement. Le malheur de l’un semble faire le bonheur de l’autre, dans ce cas-ci.
Il va donc sans dire que l’étudiant.e. par excellence est naïf et naïve.
Naïf et naïve de penser que l’administration de son établissement d’apprentissage n’essaye pas d’exhorter de quelconque façon des fonds supplémentaires, comme de pauvres vaches à lait dont on essaye d’extraire les dernières gouttes, ou plutôt les derniers dollars.
Naïf et naïve de penser que l’administration de son institution postsecondaire a à coeur la stabilité financière de ses étudiant.e.s, alors qu’elle continue d’augmenter les frais de scolarité tout en développant de couteux partenariats avec des entreprises hyper lucratives.
Naïf et naïve de penser que ce qui deviendra son alma mater ne viendra pas quêter à ses ancien.ne.s, parce que l’U d’O fait toujours face à des coupes monstrueuses au nom d’un « déficit structurel » qui n’existe vraisemblablement même pas.
Parce qu’en fin de compte, l’université c’est comme un centre d’achat. Et vous, chers et chères étudiant.e.s, n’êtes que ses fervent.e.s client.e.s.