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Éditorial

Le vie d’un.e Sugar Baby n’est pas si rose que ça

Web-Rotonde
27 février 2017

Éditorial

Par Frédérique Mazerolle — rédactrice en chef
 
L’argent, ça ne pousse pas dans les arbres. C’est certainement un constat qui est ressenti au sein de la population étudiante de l’Université d’Ottawa, voire même dans les universités d’ici et d’ailleurs en Amérique du Nord. À chaque année, les étudiant.e.s doivent payer des sommes faramineuses majoritairement liées à leurs frais de scolarité, à l’achat de leurs manuels scolaires, à leurs frais de loyers, à l’épicerie et plus encore.

L’argent peut bien ne pas pousser dans les arbres, mais elle ne pousse certainement pas dans le portefeuille de l’étudiant.e lambda.

Pour certain.e.s, il est donc nécessaire d’avoir un ou deux emplois à temps partiel, en plus d’une charge de cours à temps plein. Les aspirant.e.s médecins, avocat.e.s et ingénieur.e.s, dont les aspirations dépassent le capital, se voient donc poussé.e.s à mettre en second plan leur rêve académique, devenant baristas au café du coin ou serveurs et serveuses dans un restaurant branché, où l’on vous demande probablement de porter vos vêtements les plus révélateurs si vous appartenez à la gent féminine… mais ce problème est pour un autre jour et un autre éditorial.

Revenons à la relation des étudiant.e.s avec l’argent. Sans vraiment s’en apercevoir, on tombe tranquillement dans un cercle vicieux, où l’argent venant de ses emplois sert à subventionner le strict minimum de la vie estudiantine, mais le peu de temps qui reste pour étudier se reflète finalement sur les résultats scolaires.  On pense pouvoir contrer le système, mais on voit rapidement les bourses d’admission tomber comme des mouches. Ah, s’il existait donc une méthode plus facile de passer à travers ces temps si austères. Soupir.

« On peut vous aider », entendez-vous, comme un murmure parmi tant d’autres. Cette voix qui vous appelle, c’est celle du site web Seeking Arrangements, l’un des plus grands sites de rencontre entre Sugar Daddies et Sugar Babies. Comme une fée marraine qui aide sa Cendrillon, Seeking Arrangements vous promet d’effacer toutes vos dettes et de vous faire vivre mille-et-une merveilles, à condition de passer un peu de temps avec un homme mûr et fortuné.

Par contre, il faut souligner que la réalité des gens qui fréquent la plateforme Seeking Arrangements est bien moins glamour que celle que l’on voit dans les scènes du film américain Pretty Woman.

Amour et stabilité financière : une transaction à la fois

On pourrait passer des heures à discuter des raisons qui poussent certain.e.s étudiant.e.s à consulter, voire à fréquenter des Sugar Daddies. Certain.e.s le font par pur besoin, voyant leurs dettes s’empiler comme une lourde bordée de neige, alors que d’autres le font pour « prendre les choses en main », comme l’a expliqué le fondateur de la plateforme, Brandon Wade. Le changement de rhétorique a dès lors influencé l’opinion publique sur ce genre de relation, à en lire ce qui est publié dans les médias.

Or, est-ce possible de dire que nous assistons à une prise de pouvoir de la part de jeunes femmes qui dépouillent ces hommes de leur argent pour quelques actes sexuels? Pas exactement, ou plutôt pas du tout.

Tout comme la prostitution, ou toute autre forme de travail du sexe, les relations entre Sugar Daddies et Sugar Babies ne remontent clairement pas d’hier. Cependant, c’est le nombre d’utilisateurs, et surtout d’utilisatrices, venant du milieu postsecondaire qui est alarmant.

Encore une fois, ce genre de site web, similaire aux modèles d’Airbnb et Uber, laisse de côté l’intermédiaire qui supervise les interactions entre les utilisateurs et les utilisatrices. Cela étant dit, le peu de sécurité qu’offre Seeking Arrangements laisse plusieurs questions sans réponse quant au bienêtre des jeunes femmes qui y ont recours.

En monétisant les actions de l’utilisatrice, on banalise encore une fois les actes de harcèlement et de violence sexuelle qui peuvent en découler. On vous répondra que ceux et celles qui utilisent ces services savent très bien dans quoi ils et elles s’embarquent, et que les faveurs ne sont pas toujours de nature sexuelle, mais bien également des services de mentorat professionnel ou tout simplement de bonne compagnie.

Par contre, comment pouvons-nous blâmer l’utilisatrice d’accepter de contribuer à cet échange avec son corps, quand celle-ci doit payer des frais de scolarité et de loyer qui continuent de montrer au fil des années? La question devient de plus en pressante, surtout si l’on considère le lien clair entre les hausses de frais de scolarité et les villes les plus populaires pour les Sugar Daddies et les Sugar Babies.

Eh oui, ce n’est pas pour rien que les deux institutions universitaires d’Ottawa, l’Université Carleton et l’Université d’Ottawa, se retrouvent respectivement en 5e et 3e place du palmarès des universités les plus populaires chez les utilisatrices de Seeking Arrangements.

Une chose est sure, c’est que les utilisatrices ne sont pas que des causes de charité auquel vous pouvez verser des fonds comme bon vous semble. Lorsqu’on parraine un organisme de charité, on ne cherche pas à obtenir quelque chose en retour.

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