Crédit visuel : Camille Cottais – Rédactrice en chef
Chronique rédigée par Charlie Correia – Journaliste
« Tu regardes ce sport seulement parce qu’ils sont beaux. » « Nomme-moi 5 joueurs. » « Qui était champion du monde en 1951 ? » Ces commentaires font partie de ceux que les femmes passionnées de sports doivent entendre de la part de certaines personnes lorsqu’elles leur font savoir qu’elles partagent la même passion qu’eux. Pourquoi ? Parce qu’elles sont des femmes et que « les femmes ne peuvent pas s’intéresser aux sports » : newsflash, nous sommes en 2024, plus en 1950.
Personnellement, je reçois des commentaires de ce type lorsque j’évoque mon amour pour le hockey et la Formule 1, des sports regardés en majorité par des hommes. La majorité du temps, les personnes avec qui j’en parle vont être heureuses de discuter de sport avec quelqu’un de passionnée, mais parfois, je vais avoir droit à des commentaires déplacés ou du « mansplaining ». Je ne peux m’empêcher de me poser la question : Pourquoi me poses-tu ces questions ? J’ai pensé à des réponses possibles, par exemple, est-ce parce que ces personnes se sentent menacées qu’une femme s’intéresse au sport ? Est-ce parce qu’elles ne savent pas comment réagir et veulent tester si on s’y connait vraiment ? J’avoue que la réponse m’est toujours inconnue.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase
Le fait que des fans fassent des commentaires sexistes est énervant, mais lorsqu’un directeur d’écurie de Formule 1 s’exprime de la sorte, c’est aberrant. « Ça attire beaucoup de jeunes femmes parce que les pilotes sont beaux » : ce sont les paroles de Christian Horner, directeur de l’écurie Red Bull. Ma réaction lorsque j’ai entendu cette entrevue a été de rire. Je n’en croyais pas mes oreilles.
D’autres polémiques peuvent également survenir lorsque des influenceurs invités par des écuries pour faire de la publicité se permettent de ridiculiser les femmes alors qu’ils n’ont très peu voire aucune connaissance sur la Formule 1. Ce fut le cas d’une influenceuse au Grand Prix de Monaco en 2022, qui a reçu des critiques (selon moi méritées) après avoir publié une vidéo avec la description suivante : « Tu ne peux pas me dire que les femmes ne regardent pas la F1 pour les pilotes ». Les femmes passionnées de ce sport ont répondu sarcastiquement, la remerciant d’avoir fait reculer la cause des femmes de 30 ans.
Pourquoi, parce qu’une femme s’intéresse au hockey, est-elle automatiquement une « puck bunny » qui regarde parce que les athlètes sont beaux ? Les femmes s’intéressent au sport parce que c’est un sport : nous n’avons pas besoin d’être interrogées longuement sur nos connaissances par un fan insécure pour légitimer notre passion. Parce que oui, je peux te dire qui a gagné la Coupe Stanley en 1993, c’était les Canadiens de Montréal. Le champion du monde de Formule 1 en 1997 : Jacques Villeneuve. Je peux aussi nommer cinq joueurs de hockey : Cole Caufield, Brad Marchand, Marc André Fleury, Mat Barzal et Nick Suzuki. D’autres questions ?
On peut également se plaindre des doubles standards. Si un homme est vocal durant un match, il est passionné ; si une femme le fait, elle est hystérique. Parlons également du style des marchandises vendues par les équipes : celles destinées aux femmes sont souvent vendues plus cher et sont souvent décolletées, moulantes et roses. Un autre exemple serait un homme qui commente sur la beauté d’une athlète féminine et qui se fait dire qu’il a raison. Par contre, si une femme ose se prononcer sur le physique d’un athlète, elle ne serait là que pour ça.
Et ne mentionnons pas la situation des conjointes et copines des joueurs. Prenons pour exemple Taylor Swift et Travis Kelce. Combien de fois les fans se sont-ils plaints du fait que la chanteuse était montrée trop souvent à la télévision ? La chanteuse a bien eu beau se défendre en disant que ce n’est pas elle qui contrôle la caméra, elle a reçu des tonnes de critiques sur les réseaux sociaux. Bref, peu importe où les femmes fans de sport sont, elles sont critiquées.
Une lueur d’espoir
Plusieurs femmes font avancer la cause des femmes dans le sport. Par exemple, Jessica Campbell, la première femme assistante coach dans la LNH, travaille pour le Kraken de Seattle. Le fait qu’elle travaille dans un milieu majoritairement masculin ouvre la porte à d’autres femmes qui croyaient que l’emploi dont elles rêvaient était inatteignable. Lissie Mackintosh, journaliste pour la Formule 1, a fait une vidéo de réponse aux commentaires sexistes de Christian Horner. De nombreuses athlètes de la Ligue Professionnelle de Hockey Féminin (PHF), de la Ligue Féminine de Basketball (LFB) et de toutes les autres ligues professionnelles de sport sont des exemples à suivre et leur impact pour la cause des femmes est remarquable. Bien sûr, il n’y a pas seulement ces femmes qui font la différence, des athlètes masculins qui s’impliquent dans la cause des femmes, ça aide aussi.
Je pense notamment à la mobilisation des joueurs de hockey professionnels qui ont été nombreux à assister au match d’ouverture de la LPHF, dans le but de promouvoir le sport et les athlètes féminines qui le pratiquent. Ils n’ont pas hésité à parler pour la cause des femmes dans le sport. « Maintenant que les femmes peuvent jouer au niveau professionnel et gagner leur vie, c’est une chose incroyable » a affirmé le capitaine des Oilers d’Edmonton, Connor McDavid.
Donc, message d’intérêt général, la prochaine fois qu’une femme partage sa passion avec vous, ne faites pas de commentaires inutiles et ne mansplaner pas. Profitez du fait qu’une autre personne s’intéresse au même sport que vous. Ne soyez pas un Christian Horner, soyez plutôt un Connor McDavid, un Sebastian Vettel, ou encore un Lewis Hamilton, qui s’implique dans la F1 Academy, la division féminine de course automobile. Bref, soyez impliqué.e.s pour la cause des femmes fans de sports, parce qu’elles le valent bien.