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Sports et bien-être

La santé mentale en diaspora : défis et réalités témoignées

Contribution
12 février 2025

Crédit visuel : Archives

Article rédigé par Eva-Maria Abi-Nader — Journaliste bénévole

Le 8 février dernier, une rencontre a eu lieu dans le cadre du projet « PsyWeb », une initiative en cours de développement visant à offrir aux étudiant.e.s internationaux.ales, particulièrement à ceux et celles racisé.e.s, un programme de santé mentale en ligne adapté à leurs réalités. Le projet se concentre notamment sur l’isolement vécu en diaspora et aux obstacles liés à l’accès aux services en français.

Ce projet, encore en phase de collecte de données, est porté par le Dr. Idrissa Beogo de l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa (U d’O) et le Dr. Jean Ramdé, professeur titulaire à l’Université Laval et psychoéducateur. L’événement de la semaine dernière visait à promouvoir la santé mentale des étudiant.e.s internationaux.ales francophones et à recueillir les témoignages d’étudiant.e.s racisé.e.s afin d’affiner ce projet.

Un besoin urgent et sous-estimé

L’événement a débuté avec la présentation d’Andi P. Gedéon, étudiante à la maîtrise en counselling et psychothérapie à l’Université Saint-Paul. Elle a entamé son intervention par une statistique bouleversante : selon une étude menée par l’Université de Montréal, environ 44 % des étudiant.e.s internationaux.ales souffrent de problèmes émotionnels ou de stress, mais seulement 17 % d’entre eux.elles consultent des services psychologiques. Selon Gedéon, la stigmatisation culturelle par rapport aux problèmes de santé mentale est perçue comme une faiblesse, voire une déficience personnelle, et décourage les jeunes à chercher de l’appui.

Le Dr. Ramdé a sonné l’alarme sur un piège dans lequel tombent les étudiant.e.s : croire que l’absence de diagnostic psychiatrique signifie avoir une bonne santé mentale. Néanmoins, ces deux variables ne sont pas mutuellement exclusives : « Une personne souffrant de schizophrénie peut être en bonne santé mentale grâce aux médicaments, et un étudiant peut ne pas avoir ce diagnostic, mais être en mauvaise santé mentale », a-t-il rappelé.

Le poids du racisme systémique

Le problème dépasse le simple accès aux services. Le Dr Ramdé a évoqué un manque d’intégration sociale, donnant l’exemple des travaux de groupe où il doit lui-même former les équipes : « Si les étudiant.e.s décidaient seul.e.s, les étudiant.e.s noir.e.s ne seraient pas choisis ».

Sadjo Paquita, doctorante en études féministes et de genre à l’U d’O, a ensuite présenté les résultats de sa thèse, portant sur le racisme anti-noir dans la profession infirmière à Ottawa-Gatineau. Ses conclusions étaient familières pour une étudiante de l’Université en sciences de la santé, qui a confié au groupe : « Je me suis rendu compte que […] je ne suis pas nécessairement le problème et je ne dois pas changer qui je suis ». Les deux femmes se sont accordées sur le fait que la véritable racine du problème découle du système institutionnel.

Les discussions ont souligné un autre obstacle majeur : le manque de diversité des professionnel.le.s de soutien à l’U d’O. Les étudiant.e.s racisé.e.s ont exprimé, lors de la rencontre, leur frustration face à des conseiller.e.s qui, selon eux.elles, ne comprennent pas leurs réalités et minimisent leurs difficultés, les réduisant au stress académique. Les étudiant.e.s internationaux.ales préfèreraient alors partager leurs problèmes avec leurs ami.e.s vivant la même chose. Celles et ceux présent.e.s à la rencontre suggèrent de créer des groupes de soutien pour les étudiant.e.s arrivant.e.s.

La solitude serait le camarade le plus familier de certain.e.s étudiant.e.s internationaux.ales, selon le témoignage d’une autre élève de l’U d’O. Elle affirme durant la rencontre que le déménagement de son pays jusqu’au Canada a été « comme une mauvaise surprise ». Elle regrette de ne pas avoir été préparée aux défis de l’expatriation et estime qu’un accompagnement plus structuré lui aurait permis de développer des stratégies, et ainsi d’améliorer son bien-être et son rendement académique.

L’importance du soutien des professeur.e.s

Certain.e.s enseignant.e.s prennent conscience de ces réalités et tentent d’adapter leur approche. Paquita est consciente des difficultés que vivent les étudiant.e.s internationaux.ales. C’est pourquoi elle a expliqué prendre le temps de compter le nombre d’étudiant.e.s internationaux.ales dans ses cours et de se renseigner sur leur charge de travail. Elle a développé ne pas vouloir pénaliser les étudiant.e.s qui travaillent à temps partiel et n’ont pas le temps de lire, face à d’autres qui n’ont pas ces préoccupations financières, « qui n’ont pas à s’inquiéter pour l’argent, pour le travail, pour ce qu’ils.elles vont manger ». Elle a ajouté aussi s’informer du lieu d’origine de ses élèves afin d’aborder des thématiques qui les concernent.

Le Dr. Beogo encourage également les étudiant.e.s internationaux.ales racisé.e.s à chercher du soutien auprès de professeur.e.s racisé.e.s s’ils.elles sont inconfortables avec d’autres professeur.e.s. « Il faut exploiter les personnes-ressources qui peuvent vous soutenir et qui sont engagé.e.s pour l’égalité », affirme-t-il.

En attendant le lancement du projet PsyWeb, Gedéon invite à contacter le centre de l’Université Saint-Paul, qui offre des services de thérapie à partir de l’âge de 16 ans à des tarifs abordables, allant de 10$ à 80$.

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