Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

Laisse tes cheveux crépus s’exprimer !

Eya Ben Nejm
17 février 2023

Crédit visuel : Eya Ben Nejm – Journaliste 

Critique rédigée par Eya ben Nejm – Journaliste

Crépu : Our DNA a eu lieu le 5 février à la Galerie SAW, à Ottawa. Cet événement cherchait à mettre en valeur les cheveux au naturel, et l’histoire qui se cache derrière. Il visait à briser les idées reçues sur les cheveux crépus et a souligné , en ce Mois de l’histoire des Noir.e.s, l’importance de ce sujet pour les personnes racisées.

Crépu : Our DNA est un événement qui a été organisé par Sandra et Sharlène. De 13 à 20 heures, différentes activités étaient proposées pour les invité.e.s. Des coiffeur.se.s étaient présent.e.s pour prendre soin des cheveux des personnes qui le souhaitaient. Il y avait également des espaces pour discuter et faire connaissance avec les autres. Pour soutenir l’événement, de nombreux.ses artistes noir.e.s ottavien.nes se sont déplacé.e.s pour présenter leur art.

Pour comprendre la signification d’avoir les cheveux naturels crépus, les personnes étaient invitées à regarder des courts métrages produits par deux artistes. Ces vidéos montraient une possibilité d’émancipation par les cheveux. Elles rappelaient également la difficulté pour les personnes racisées à être représentées dans le marché des produits de beauté. Néanmoins, l’espace était petit pour le nombre de personnes invitées. Sandra et Sharlène ne s’attendaient en effet pas à recevoir autant de réponses positives.

Manque de produits 

Cet événement permet de rappeler le manque de produits pour les cheveux crépus et frisés. En parlant avec les invités, j’ai constaté la difficulté pour elles de trouver un.e coiffeur.se compétent.e pour prendre soin de leur chevelure. Les deux co-fondatrices de Frizé Frizé, Medjine Hyppolite et Mandajili Hippolyte, critiquent l’absence de salons de coiffure pour les cheveux crépus.

Jacklyn St Laurent, spécialiste antiraciste pour la ville d’Ottawa, souligne aussi la difficulté pour trouver un salon de coiffure adapté dans la région. Ce sont ses amies, sa sœur ou des personnes qu’elle connaît qui la coiffent, confie-t-elle. C’est un processus de « bouche à oreille » pour trouver quelqu’un.e. Certes, Ottawa n’est pas comparable à Montréal ou à Toronto, mais elle reste la capitale du Canada. La ville dispose d’une diversité importante, mais elle ne répond pas aux besoins de chacun.e.

C’est dans cette perspective que Medjine Hyppolite a décidé de prendre des cours spécifiques. Le manque de personnes compétentes quant à cette question l’a en effet poussée à suivre une formation à New York. Néanmoins, elle explique que c’était insuffisant. Pour pallier ce problème, les deux femmes ont alors mis en vente des produits locaux pour les cheveux naturels.

Selon Medjine Hyppolite, les personnes ayant des cheveux crépus ne savent pas toujours comment s’y prendre avec leurs cheveux, elle veut donc « être capable de montrer que ce n’est pas compliqué ». Le but est de permettre aux personnes de trouver des produits adaptés pour leur texture de cheveux, tout en ayant accès à une composition naturelle, sans produits chimiques. L’événement Crépu : Our DNA a aussi été un moyen de se partager des astuces et de mettre en valeur des entreprises ou des salons de coiffure pertinents pour la communauté.

« Commencer par s’accepter »

La coiffure d’une personne en dit long sur sa personnalité. Quand je suis arrivée à l’événement, la diversité des styles de coiffures était remarquable. Il y a une multitude de façons de jouer avec sa chevelure. Pourtant, dans la vie de tous les jours, elle n’est pas mise en valeur. Dans son passé, St Laurent raconte avoir déjà eu affaire à des remarques telles que « tu ne veux pas attacher tes cheveux, car ça déborde ». Elle rappelle l’importance de l’éducation pour mettre fin à ces remarques et comprendre la réelle histoire derrière les cheveux crépus.

St Laurent raconte n’avoir reçu aucune explication plus jeune sur le Mois de de l’histoire des Noir.e.s. Elle voyait des affiches, mais personne ne lui avait enseigné la signification derrière. C’est par ses lectures personnelles et ses amies qu’elle a commencé à y porter de plus en plus d’attention. Ainsi, elle rappelle que « nos cheveux, ce n’est pas juste pour faire des styles artistiques, ce sont aussi des marques de survie ». Effectivement, certaines coiffures de femmes racisées font référence à la période de l’esclavagisme. Par exemple, la coupe afro a été un moyen de s’émanciper et de résister contre l’oppression.

Elle exprime aussi qu’il s’agit d’une résistance face à l’injonction de la société à cacher ses cheveux en les ayant lisses. La chevelure occidentale est érigée comme norme de beauté, excluant les autres cheveux naturels. Bien que les produits de défrisage soient largement vendus dans le monde, ces articles détruisent la nature du cheveu : il le rend lisse, mais ce n’est pas sans conséquences. Des produits de défrisage pour enfants sont même vendus.

St Laurent mentionne avoir grandi autour de poupées blanches et de livres pour enfants qui ne lui ressemblaient pas physiquement. Cette perception a des conséquences sur l’estime de soi. « Quand la société ne t’inclut pas, c’est dur de comprendre qu’on est important », raconte St Laurent. Durant l’événement, la représentativité était d’ailleurs le mot d’ordre, notamment dans les films projetés. Aller dans un salon de coiffure et être entouré.e de personnes qui assument leur chevelure aide à gagner en confiance en soi.

Néanmoins, il y avait peu d’enfants et d’adolescents ce jour-là. Medjine Hyppolite était tout de même accompagné de sa fille afin de lui véhiculer le message d’apprendre à s’accepter. Selon elle, le comportement des mères est important pour leurs filles, en ce qui leur envoie un message d’acceptation en assumant leurs cheveux, mais l’inverse est également vrai.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire