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L’antisémitisme, cette tache qui ne part pas

Johan Savoy
2 novembre 2021

Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe

Article rédigé par Johan Savoy – Journaliste

La montée récente d’actes antisémites au Canada a poussé le gouvernement Trudeau, nouvellement réélu, à agir, ceci se traduisant par la mise en place de différentes mesures. Une politique active qui démontre, certes, la fermeté du gouvernement face au phénomène, mais qui prouve également l’importance de cette inquiétante recrudescence. 

Lors du sommet national sur l’antisémitisme organisé par le gouvernement le 21 juillet dernier, le premier ministre se prononçait sur la situation inquiétante que traverse le pays concernant l’antisémitisme. En réponse, il annonçait la mise en place de 150 projets visant à soutenir les communautés susceptibles de subir des crimes haineux, pour un montant avoisinant les six millions de dollars. 

Cette mesure précédait celle mise en place le 13 octobre dernier qui concernait le poste d’envoyé.e spécial.e pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme qui a été rendu permanent par le gouvernement, démontrant ainsi sa volonté de s’attaquer au problème.

Ces mesures faisaient suite à la publication de l’audit annuel des incidents antisémites réalisé par l’organisation juive de protection des droits humains, B’Nai Brith Canada. Un rapport accablant qui indiquait une augmentation de 18,3% des incidents antisémites par rapport à l’année 2019 pour un montant total de 2610 incidents au cours de l’année 2020 sur le territoire canadien. 

Gershon Tsirulnikov, étudiant de quatrième année en sciences politiques à l’Université d’Ottawa (U d’O) et membre de la communauté juive ottavienne, se dit inquiet de cette hausse. Il apprécie le travail réalisé par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’antisémitisme : « Cela démontre que ce phénomène est pris au sérieux » constate-t-il, « nous espérons que ces efforts se traduiront par des résultats positifs pour les groupes vulnérables à travers le Canada ».

Un phénomène cyclique 

Pierre Anctil, professeur titulaire au Département d’histoire de l’U d’O et spécialiste de la culture juive, définit ce phénomène comme étant cyclique. Il se caractérise, selon lui, par des hausses et des baisses assez significatives, tout en dépendant du contexte socio-économique au pays et à travers le monde. 

« C’est un processus en dents de scie et rarement stable […]. Nous avons d’ailleurs pour preuve les récents événements racistes et antisémites au Canada, qui interviennent dans un contexte exceptionnel provoqué par la pandémie », poursuit-il. Il précise que des événements nouveaux et inquiétants ont tendance à provoquer des réactions extrêmes chez certaines personnes. Une thèse validée par Tsirulnikov qui déplore quant à lui le fait que les juif.ve.s soient souvent pris.e.s comme boucs émissaires lors des périodes d’incertitude, et ce malgré les mesures mises en place pour éduquer les populations contre ce fléau.

« Ainsi, les pertes d’emplois, les restrictions à la mobilité et l’incertitude générale ont contribué à alimenter une hausse dans le cycle que l’on rencontre habituellement », poursuit Anctil. Il sougline que les actes antisémites sont souvent accompagnés d’actes similaires à l’encontre des personnes racisées, musulman.e.s ou d’origine asiatique.  Il termine finalement en constatant que « la montée des discours complotistes irrationnels et non validés, reposant sur des prémisses complètement farfelues, ont tendance à alimenter dans une certaine mesure l’imagination des individus susceptibles de s’en prendre aux minorités ».

Une influence américaine ?

Face à cette hausse des actes hostiles envers les minorités et considérant la progression relative de l’idéologie populiste au pays, la question de l’influence américaine et des relents trumpistes se joint à la réflexion et interroge sur l’évolution du phénomène. 

Anctil relativise néanmoins, en soulignant que les polarisations politiques canadienne et américaine ne sont pour le moment pas comparables : « nous avons vu lors des dernières élections que les Canadien.ne.s ont voté de la même façon qu’en 2019, on ne peut donc pas constater de changement politique fondamental au pays ».

Il poursuit cependant en concédant que les événements qui surviennent aux États-Unis peuvent tout de même stimuler d’une certaine façon l’imagination des couches minoritaires canadiennes les plus sensibles aux propos outranciers ciblant des groupes en particulier. 

Une responsabilité des réseaux sociaux ?   

Déjà pointés du doigt à plusieurs reprises pour leur rôle joué dans les élections de différents pays et notamment celles des États-Unis en 2016, les réseaux sociaux semblent être une nouvelle fois impliqués dans la propagation de cette haine à l’égard des minorités, comme l’indiquent, de concert, l’étudiant et le professeur.

Tsirulnikov affirme d’ailleurs que la prochaine étape à franchir par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’antisémitisme serait de cibler directement les groupuscules responsables de ces actes en s’attaquant à leurs activités en ligne. Cela aiderait, selon lui, à prévenir de nombreuses attaques contre les communautés vulnérables.

Une idée partagée par Anctil qui constate quant à lui la nouvelle dimension prise par les propos suprémacistes et antisémites à cause de ces plateformes : « Le phénomène réside essentiellement dans les réseaux sociaux […], c’est ici que l’on retrouve la grande majorité des propos complotistes et négationnistes, entre autres ».

À noter que ces constatations font suite à l’annonce en juillet dernier de la création d’un éventuel projet de loi qui viserait à éradiquer les contenus haineux sur les plateformes numériques. Maintenant que le gouvernement fédéral est officialisé, ce projet de loi sera sans doute remis à l’ordre du jour de la Chambre des Communes dans les prochains mois.

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