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L’exaspération des professeur.e.s à temps partiel

Camille Cottais
8 novembre 2021

Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe

Article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités.

Rémunération insuffisante, affichage très tardif des cours avant la rentrée scolaire, absence de système d’ancienneté ou de sécurité d’emploi… la vie des professeur.e.s à temps partiel de l’U d’O n’est pas toujours facile. De grandes injustices persistent entre professeur.e.s à temps partiel et à temps plein, que l’Association des professeur.e.s à temps partiel (APTPUO) et ses membres veulent faire cesser.

Interrogée par La Rotonde, une professeure de psychologie qui a souhaité rester anonyme explique qu’il existe de grandes inégalités de rémunération entre professeur.e.s à temps plein et à temps partiel : « Je comprends parfaitement qu’un.e professeur.e titulaire soit mieux payé.e que moi parce qu’il.elle fait de l’administration et de la recherche que je ne fais pas forcément. Mais je suis moins satisfaite quand je compare combien ils.elles gagnent pour leur enseignement et combien je gagne pour mon enseignement. » Selon elle, les chiffres vont du simple au double.

Pourtant, les professeur.e.s titulaires donnent au maximum quatre cours par année, tandis que les professeur.e.s à temps partiel, s’il s’agit de leur seul travail, peuvent en donner cinq ou six. Selon la professeure de psychologie, les étudiant.e.s ne voient pas la différence entre un.e professeur.e à temps partiel et un.e professeur.e titulaire. « Nous offrons la même chose, la même qualité d’enseignement, et pourtant nous sommes moins payés », se désole-t-elle. 

Des professeur.e.s « bon marchés »

Luc Angers, vice-président de la mobilisation des membres à l’APTPUO et professeur à temps partiel depuis cinq ans, explique que les professeur.e.s à temps partiel sont payé.e.s à la tâche. Ils.elles sont donc uniquement rémunéré.e.s pour leur enseignement, et non les activités connexes comme l’administratif, les formations, la participation à des comités, l’encadrement d’étudiant.e.s au doctorat, etc. Tout cela, c’est donc du bénévolat, commente la professeure de psychologie, et ce n’est donc reconnu ni financièrement ni symboliquement. 

En outre, elle fait remarquer que les enfants des professeur.e.s titulaires ont leurs études intégralement payées, tandis que les professeur.e.s à temps partiel ne bénéficient pas de ce privilège, même après 15 ou 25 ans à l’Université. Les professeur.e.s à temps partiel ne sont pas non plus payé.e.s pendant les vacances d’été ni le congé des fêtes. De la même façon, ils.elles ne peuvent pas prendre de congé sabbatique. 

Les professeur.e.s à temps partiel bénéficient de l’assurance maladie et hospitalisation, mais pas d’une assurance sociale ni d’un fonds de retraite, continue à expliquer la source anonyme. Par ailleurs, le système d’ancienneté permettant aux professeur.e.s à temps plein de grimper l’échelle salariale ne s’applique pas à ceux.celles à temps partiel : « Quelqu’un qui commence à enseigner va toucher le même salaire que moi qui enseigne depuis 18 ans à l’U d’O », dévoile-t-elle. Une des revendications de l’APTPUO est donc la revalorisation de l’ancienneté.

Seul.e.s quelques rares professeur.e.s à temps partiel – ils.elles sont par exemple deux en psychologie – bénéficient d’une nomination à long terme, et sont ainsi embauché.e.s pour cinq ans. La grande majorité le sont cependant semestre par semestre, ce qui est selon elle particulièrement rentable pour l’Université. « On nous traite comme des professeur.e.s bon marché », résume Angers, qui partage lui aussi ce constat. 

Il y a aussi un manque de reconnaissance : si les professeur.e.s à temps partiel enseignent environ la moitié des cours ils.elles ne sont pas inclus.e.s dans les décisions de l’Université constate la professeure de psychologie.

Des conditions de travail problématiques

Angers déplore que les offres d’embauche pour les cours se fassent presque à la dernière minute : « Cela arrive que nous ayons une offre pour un cours deux ou trois semaines avant qu’il ne commence, voire même la semaine avant le début des cours ». Ce sont pourtant des cours de douze semaines et pour lesquels il est nécessaire de développer du contenu, des outils d’évaluation et une stratégie d’apprentissage, précise-t-il.

« Lorsque l’on commence à enseigner à temps partiel, il faut être prêt.e à monter beaucoup de cours à la dernière minute », explique la professeure anonyme, qui regrette avoir passé des semaines à monter certains cours pour finalement ne les donner qu’une seule fois. Tout le travail de préparation des cours n’est pas rémunéré, puisque les professeur.e.s à temps partiel sont uniquement payé.e.s pour le cours effectif. Si elle donne aujourd’hui en moyenne six cours par an, cela lui est arrivé par le passé d’en donner neuf sur les deux semestres.

Les points d’ancienneté permettent d’être plus certain.e.s de ses cours, mais ce n’est jamais garanti, précise Angers. Pour le semestre automne, il a dû préparer quatre cours qu’il n’avait jamais enseignés et ce, dans les deux langues. « Je pense qu’il y a un manque de professionnalisme de la part des autorités de l’U d’O pour faire en sorte que les professeur.e.s à temps partiel soient considéré.e.s. Nous avons toujours le restant de la tarte », confesse-t-il. La professeure de psychologie se sent quant à elle comme un pion : « S’ils ne veulent pas me réembaucher, ils ne me réembaucheront pas. Rien ne me garantit que j’aurai un poste ». Les deux professeur.e.s déplorent ce manque de sécurité d’emploi à long terme. 

Un surplus budgétaire insensé…

L’APTPUO a récemment dénoncé le surplus budgétaire de l’Université d’Ottawa, qui s’élève à 41,7 millions de dollars pour 2020-2021. « Nos membres sont stressé.e.s, surchargé.e.s de travail et, surtout, sous-payé.e.s. Tout excédent devrait, en premier lieu, être utilisé pour réduire de manière significative la taille des classes et les inégalités dans nos rangs », peut-on y lire.

Cet excédent financier paraît à l’APTPUO problématique en période de pandémie pendant laquelle « les étudiant.e.s et les professeur.e.s se battent pour avoir le soutien institutionnel nécessaire pour assurer la qualité de l’éducation ».

La professeure de psychologie indique qu’aucune augmentation de leur salaire n’a été prévue, alors même que le pouvoir d’achat a considérablement augmenté avec la pandémie. Elle suggère d’investir une partie de cet argent dans des bourses de recherche destinées aux professeur.e.s à temps partiel, ces dernier.ère.s n’étant pas rémunéré.e.s lorsqu’ils.elles font de la recherche.

… De quoi améliorer les cours bimodaux 

Angers pense quant à lui qu’une partie de ce surplus budgétaire aurait dû être redirigée vers l’amélioration des cours bimodaux dont l’efficacité n’est selon lui pas au rendez-vous. Il fait remarquer que les professeur.e.s, à temps régulier comme à temps partiel, auraient voulu une plus grande marge de manœuvre dans la formation et la dispensation des cours bimodaux. Angers est contraint d’enseigner deux de ses cours au gymnase, où il n’y a ni caméra ni microphone.

« L’administration centrale n’a même pas écouté les recommandations de ses propres expert.e.s », s’étonne-t-il, car ces dernier.ère.s avaient conseillé à l’U d’O de dispenser les cours bimodaux à une bien moindre échelle, et surtout de les reporter dans le temps, possiblement à la session d’hiver.

Contrairement à la Faculté des sciences sociales qui a été préparé et a notamment pu bénéficier des « pixies », les autres facultés ont selon lui mal été préparées. Il affirme que les cours bimodaux étaient une bonne idée, mais que la formation était incomplète et l’Université, pas assez préparée. Ainsi, il s’agit selon lui d’une « session presque sacrifiée ». 

Les professeur.e.s à temps partiel n’ont pas, selon Agers, le loisir de refuser une offre d’enseignement sous prétexte qu’elle est en bimodal. L’enseignement à temps partiel est en effet le gagne-pain de plusieurs des membres de l’APTPUO, qui sont donc forcé.e.s d’accepter ces cours pour assurer leur subsistance.

Selon la professeure de psychologie, il s’agit d’une atteinte à la liberté académique : « On m’a demandé quel mode d’enseignement je préférais, j’ai répondu le virtuel, mais on m’a donné tous mes cours en bimodal. Je n’ai donc pas eu de liberté académique, car j’étais obligée d’accepter si je voulais travailler et avoir un salaire. »

Elle remarque également une forte augmentation du nombre d’étudiant.e.s dans les cours en ligne, en raison de la fin des contraintes physiques pour les salles. Alors qu’elle avait auparavant environ 125 étudiant.e.s dans son cours d’introduction de première année, ils.elles sont aujourd’hui plus de 350. 

L’APTPUO est actuellement en renégociation de sa convention collective, échue depuis le mois d’août dernier. Ce sont donc des enjeux qui seront abordés lors des discussions entre l’APTPUO et l’U d’O. 

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