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Éditorial

La pandémie n’empêche pas le profit à l’U d’O

Rédaction
12 octobre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique 

Éditorial rédigé par Miléna Frachebois – Co-rédactrice en chef

Le 7 octobre dernier, l’Université d’Ottawa (U d’O) annonçait avoir « officiellement déposé [les résultats financiers] au Bureau des gouverneurs ». Ceux-ci révélaient un surplus budgétaire consolidé de près de 42 millions de dollars. 

Chaque année, l’histoire se répète dans notre chère institution. Pour l’année 2019-2020, on annonçait 36 millions de surplus. Pour celle d’avant, on battait tous les records avec un excédent budgétaire de 91,8 millions. L’année 2017-2018 se positionne en deuxième place du podium des records budgétaires avec un surplus de 69,8 millions. Nous pourrions établir une sacrée liste de ces « succès » financiers. 

Notons qu’il y a quand même eu une baisse entre 91,8 millions et 36 millions l’année d’après, dû en partie à la pandémie. Pourtant, le cheval de course n’a pas perdu de temps. En un an, grâce à la capacité de l’Université à « réagir rapidement et rester agile face aux défis et aux incertitudes tout en maintenant une gestion financière prudente », elle se voit bénéficier d’un six millions supplémentaire.

Néanmoins, là n’est pas la question. Qu’allez-vous faire de cet argent, M. le recteur Frémont ? Nous avons plusieurs superbes idées pour vous, au cas où l’argent soit trop abondant. 

Dans les services…

Des services de meilleure qualité, ça serait bien, non ? Certes, comme nous l’observons dans vos états financiers, la COVID-19 a engendré des pertes de produits, notamment en ce qui concerne les ventes et biens de services. Rappelons tout de même que l’Université a continué à facturer à moitié prix aux étudiant.e.s certains services inexistants. Il y a de gros manquements aux services actuels de l’Université, pourtant elle tente de justifier un « retour à la normale » pour remettre à plein tarif des frais annexes, tels que les services sportifs qui sont quasi inexistants. 

Jill Scott affirme dans un courriel à la communauté universitaire que « [l’Université a] beaucoup investi dans la santé mentale, la lutte contre le racisme et les programmes autochtones pour mettre au premier plan les principes fondamentaux qui sous-tendent [ses] activités et orientent [ses] objectifs et [ses] aspirations, le mieux-être et l’inclusion ».

Or, dans une lettre ouverte de l’Association des professeur.e.s de l’Université d’Ottawa (APUO), celle-ci exprime que « cet excédent, ainsi que celui d’environ un demi-milliard de dollars accumulé au cours de la dernière décennie, représente en partie des services non rendus à notre communauté universitaire ». Mettez-vous vraiment à profit l’argent à disposition pour servir correctement votre communauté ? 

Dans cette même lettre ouverte, l’APUO mentionne la grève du personnel de soutien de l’Université d’Ottawa (PSUO), qui luttait pour maintenir des conditions de travail « justes et équitables ». Pourtant, comme affirme cette lettre, les états financiers de l’année fiscale 2020-2021 révèlent que ces négociations difficiles auraient pu être évitées si l’Université avait fait l’effort investir son argent pour sa communauté. L’Université peut facilement le faire, pour les différents membres de sa communauté universitaire.

Rabâchons la francophonie

Nous ne le répéterons jamais assez : nous existons, nous les francophones. Au cas où vous l’auriez remarqué, nous avons besoin d’être représenté.e.s et servi.e.s dans notre langue. Cela signifie avoir des cours accessibles en français, des clubs, des événements. 

L’excuse qui est souvent utilisée est bel et bien celle du financement. La francophonie à l’U d’O ne serait pas vue comme profitable ou rentable. Car en fait, la francophonie, comme tous les aspects de l’U d’O est perçue en tant que produit à vendre et les étudiant.e.s en sont les client.e.s. 

Devrions-nous payer plus cher, avoir des coupures dans les bourses ? Devrions-nous être entendu.e.s seulement pour être utilisé.e.s à des fins marketing ? Surtout étant donné la non nécessité de récolter encore plus d’argent ? L’argent est là. Il est maintenant de corriger ce  que vous avez constaté puis suggéré dans votre rapport et de tenir vos promesses. 

Changement d’attitude..

Ce qui est le plus déplorable dans cette situation, c’est la façon dont le surplus budgétaire a été perçu et interprété par l’Université au fil des années. En 2018, Frémont disait être « fort choqué d’apprendre que les résultats de l’exercice 2017-2018 font ressortir un surplus budgétaire de 15 M$ ». Il ajoutait s’attendre à « un résultat équilibré ». Celui-ci était donc perçue comme inattendue et involontaire. 

Cette année, c’est pourtant avec fierté et présomption que l’Université s’affiche ravie de sa « performance » , attribuable au « rendement exceptionnel de nos placements à long terme ». Cela ne devrait pas être acclamé comme une victoire. L’Université se réjouit donc de ne pas avoir injecté de l’argent dans les services ? Ce changement d’attitude est difficile à comprendre, et il est décevant, alors que beaucoup d’étudiant.e.s peinent à se nourrir juste pour payer leurs frais de scolarité mirobolants.

…Ou pas

Nous entendons de plus en plus le « oui, mais » quand on tape sur les doigts de l’Université à ce sujet. Dans un courriel envoyé à La Rotonde, l’Université nous explique qu’il ne faut pas confondre « le budget consolidé, avec le budget d’opération de l’Université ». L’U d’O mise probablement sur le fait que la plupart des gens n’y comprennent rien. Selon l’U d’O, le budget consolidé prend en compte tous les actifs de l’Université, et donc on ne pourrait pas les utiliser pour les dépenses d’opération. 

Il en reste que, dans les résultats financiers de l’Université, le tout a augmenté de six millions de dollars. C’est bien la preuve qu’il y a de l’argent quelque part qui est produit et qui est mobile. N’allez donc pas nous dire que cet argent est intouchable, miraculeusement entré dans vos fonds et simplement là pour décorer vos états financiers.

Une façon de penser et une attitude qui ne changent pas année après année. C’est cette constante peur de ne pas avoir assez. Réelle peur, ou bien camouflage, nous ne le savons pas. Une chose est sûre, c’est que chaque année, l’argent est là, et que chaque année, l’Université prévoit un déficit pour l’année à venir.Dans une communication envoyée à La Rotonde, l’Université indique qu’elle prévoit un déficit selon le budget annuel 2021-2022 adopté en mai dernier. Vous verrez que, comme à son habitude, l’U d’O se retrouvera dans une bonne situation financière « inattendue ».

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