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Éditorial

Bienvenue à la plus grande université bilingue du monde !

Rédaction
4 octobre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Un éditorial rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Co-rédactrice en chef

Le mardi 28 septembre, l’Université d’Ottawa (U d’O) a publié un rapport intitulé « Renouveau de la francophonie à l’U d’O : une responsabilité collective ». Ce rapport résume les lacunes majeures au niveau de la francophonie uottavienne, des lacunes dénoncées depuis plusieurs années.

Ceci est adressé à un.e futur.e étudiant.e de l’U d’O. Nous soupçonnons que vous avez été encouragé.e à voir cette université « bilingue » avec des lentilles roses. Nous avons le regret de vous informer qu’on vous a vendu une salade, un mensonge. 

Être francophone sur le campus rime effectivement avec une série de contraintes auxquelles vous devrez faire face tout au long de votre cursus, et même au-delà, si vous faites des études supérieures.

En effet, selon Lia Bosquet, Commissaire aux affaires francophones du Syndicat Étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), le français n’est pas sur un pied d’égalité avec l’anglais : « Le français est vu comme un accommodement », affirme-t-elle.

Vie étudiante 

À l’U d’O, vous aurez du mal à trouver un endroit où vous pourrez vous épanouir socialement ou académiquement en français. Vous remarquerez immédiatement qu’il n’y a pas de clubs francophones et que ceux dits « bilingues » ne le sont pas forcément. 

Les associations étudiantes ont de la difficulté à atteindre les étudiant.e.s francophones et les tenir au courant de leurs activités. Par conséquent, l’offre d’événements et d’informations en anglais est nombreuse, mais l’équivalent français est rarissime pour les étudiant.e.s francophones. Même le Carrefour francophone du campus, qui est censé être « un lieu d’échange pourvu de ressources » et « favoriser la diffusion et l’usage de la langue française », est fermé depuis mars 2020. Qu’est-ce que cela dit du niveau de priorité de la francophonie à l’U d’O ?

Cependant, vous vous demanderez sûrement : comment une université officiellement bilingue peut-elle tolérer la quasi-inexistence d’activités sociales en français sur le campus ? Comment peut-elle le faire si cela affecte inévitablement la vitalité de la francophonie uottavienne ? Et pourtant, c’est la réalité.

Vous, futur.e étudiant.e, peinerez probablement également à terminer vos études en français. C’est ce qu’indique le rapport : « Des cours ne seraient parfois pas disponibles en français ou ne seraient offerts qu’à des intervalles éloignés ». En effet, l’offre de cours en français à l’U d’O est minable comparée à celle en anglais. Vous verrez aussi au sein de votre programme, peu importe lequel, que l’offre de thématiques en anglais est diversifiée, voire enrichie d’année en année. De l’autre côté, en français, l’offre des mêmes quatre ou cinq thématiques se répète chaque année.

 Professeur.e.s

L’un des aspects les plus importants de votre scolarité sera de faire face à plusieurs professeur.e.s qui refusent volontairement de suivre les règles du bilinguisme. C’est une plainte majeure chez les participant.e.s au rapport. En effet, au-delà du stress habituel de l’enseignement universitaire, vous devrez faire face à l’écrasement répété de votre droit à un enseignement en français.

Des lectures obligatoires en anglais dans les cours en français ; des cours en français médiocres avec des professeur.e.s anglophones qui ne sont clairement pas bilingues ; ne pas être autorisé.e à soumettre vos travaux en français même si c’est un droit que vous promet l’administration de l’Université. Ce ne sont que quelques-uns des obstacles auxquels les étudiant.e.s francophones actuel.le.s sont confronté.e.s et qui vous guettent sûrement aussi. 

L’administration de l’U d’O pourrait rétorquer qu’elle a mis en place des mécanismes  qui permettent aux étudiant.e.s de se plaindre dans de telles situations. L’administration ne serait peut-être pas consciente de la relation de pouvoir entre professeur.e et étudiant.e ? Imposer aux étudiant.e.s qui paient des milliers de dollars pour une éducation en français la responsabilité de revendiquer leur droit au bilinguisme est inacceptable. En fait, selon Bosquet, l’Université devrait assumer cette responsabilité et s’assurer de proposer des formations obligatoires à ses professeur.e.s sur les prémisses de cette institution historique : le droit au bilinguisme et le règlement qui en découle.

Prioriser la francophonie

Comme le souligne le rapport, le 31 mars 2021, le recteur de l’U d’O, Jacques Frémont, a réaffirmé « l’attachement profond de l’U d’O à l’endroit de la francophonie et son engagement envers la promotion et la protection des intérêts de la commu­nauté francophone, sur la scène régionale, nationale et internationale comme elle l’a toujours fait. »

Pourtant, ce n’est pas un hasard que la francophonie se retrouve dans un état précaire. Elle a été délaissée par l’administration. Futur.e étudiant.e, vous verrez que de nombreuses actions de l’administration vont à l’encontre d’un investissement dans la francophonie.

En particulier, Bosquet souligne que l’Université a attendu trop longtemps avant de nommer Sanni Yaya à son rôle de Vice-recteur, International et Francophonie. « Ça a pris trop de temps pour désigner quelqu’un pour gérer la francophonie sur le campus. […] De plus, je sais que le vice-recteur Yaya a une équipe qui travaille avec lui, mais, avec le nombre de problèmes que je perçois, je me demande pourquoi il n’y a pas plus de personnes sur ce dossier », déplore la Commissaire aux affaires francophones du SÉUO.

En outre, futur.e étudiant.e, vous serez confronté.e à la non-intégration du français dans les milieux administratifs à de nombreuses reprises. Vous aurez affaire à des communications uniquement en anglais. À certains moments, comme le mentionnent les participant.e.s au rapport, vous serez servi.e en anglais parce qu’un service de tierce partie ne pourra vous fournir un.e employé.e qui parle un niveau adéquat de français. Vous témoignerez aussi de la non-valorisation généralisée du fait français, à preuve cette publicité pour l’Université qui affiche « Don’t speak French? No problem! ». Ou encore l’annonce récente d’un partenariat unilingue avec la Kanata North Business Association, citée à la page 9 du rapport.

Dans la conclusion du rapport, on évoque le besoin de « dynamisation de la production de communications bilingues ». C’est honteux pour la plus grande université bilingue [français/anglais] du monde qu’on soit rendu au point où la communication bilingue est un défi. Il va sans dire que nous devons pouvoir communiquer et être servi.e.s dans la langue de notre choix.

Nous le répétons, l’Université nous vend, à nous, étudiant.e.s francophones, et vous, futur.e étudiant.e, un mirage trompeur de ce qui pourrait être. Elle profite largement de sa réputation d’établissement postsecondaire entièrement bilingue, de militante pour la francophonie minoritaire. Et l’U d’O utilise astucieusement cette réputation à son avantage pour recruter des étudiant.e.s pleins d’espoir, qui lui permettront de se remplir les poches.

Futur.e étudiant.e, nous espérons que l’Université va changer de cap et cesser de mettre la francophonie en veilleuse. Nous espérons qu’elle utilisera ses 41.7 millions de dollars de surplus cette année pour réinvestir dans le fait français sur le campus ; pour des formations obligatoires sur le Règlement sur le bilinguisme imposées aux professeur.e.s, pour offrir davantage d’effectifs et de ressources à Sanni Yaya, pour une révision de l’offre de cours en français.

Mais d’ici là, préparez-vous à faire face, le moment venu, aux écueils liés au souhait d’étudier en français à l’U d’O.

 

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