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L’investiture de Trump : l’annonce d’un mandat sous haute tension 

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Article rédigé par Ismail Bekkali — Journaliste 

Le 20 janvier 2025, Donald Trump a entamé son second mandat à la présidence des États-Unis, marquant le début de changements politiques aux contours encore incertains. Alors que son discours inaugural et ses premières annonces laissent entrevoir des orientations clivantes, l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa a organisé une table ronde afin d’en analyser les potentielles répercussions sociales en réunissant un panel d’expert.e.s en politique américaine.

Qu’il s’agisse de questions économiques, environnementales, ou sociales, les professeur.e.s et chercheur.se.s impliqué.e.s reviennent sur les réformes qui ont été annoncées, ainsi que l’avenir des mouvements sociaux face à cette nouvelle administration de la Maison Blanche. 

Un président aux politiques disruptives 

Plus qu’une simple réforme, la doctorante Devon Cantwell-Chavez évoque l’exemple de la « suppression progressive » du ministère de l’Éducation actuel. Sa restructuration s’accompagnerait, selon elle, de coupes budgétaires significatives, mettant en péril plusieurs programmes de financement destinés aux établissements publics. L’implémentation de directives à l’instar d’une loi dans l’État de Floride, la « Stop WOKE Act », viserait d’après elle à effacer les curriculums scolaires que le président juge fallacieux, et qui seraient dominés par une idéologie « wokiste ». 

Sous prétexte de revenir à des valeurs plus traditionnelles, cette nouvelle législation permettrait de conditionner l’enseignement en conformité avec une vision éducative moins « critique » de l’histoire américaine, affirme la doctorante, notamment en ce qui concerne les peuples noirs et autochtones. Elle souligne en ce sens les risques d’une telle orientation politique, aboutissant au renforcement d’inégalités non seulement entre établissements, mais aussi entre personnes, particulièrement dans les États du Sud, où la vulnérabilité de certaines minorités est déjà présente. 

Le secteur de l’éducation n’est qu’un exemple parmi tant d’autres énoncés au cours de la journée du 20 janvier, alors que les panélistes rappellent les implications des décrets les plus marquants. Dans la lignée des initiatives entamées lors de son premier mandat, Cantwell-Chavez évoque le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, confirmant un désengagement fédéral sur les politiques environnementales, et par extension les ambitions toujours plus traditionalistes du président. En déléguant la responsabilité climatique aux villes et aux États, elle souligne l’impuissance des initiatives écologiques de municipalités locales se heurtant à un manque de financement et de soutien réglementaire. 

Dans une perspective similaire, Jacqueline Best, professeure spécialisée en économie politique, appuie la « rupture » que représenterait le programme du nouveau président par rapport aux politiques de ses prédécesseurs. Alors que la conduite de l’État était jusqu’à lors portée vers une « dépolitisation de l’économie », la professeure note un retour à une approche plus « interventionniste ». Elle précise qu’aucune des deux approches n’est mauvaise en soi, mais les « tarifs douaniers » futurs qui ont été énoncés par Trump pourraient entraîner une inflation généralisée et une baisse du pouvoir d’achat.

La professeure critique la volonté du président américain de « protéger l’industrie nationale » et la crise économique que cela pourrait engendrer, tandis que la gestion de cette dernière pourrait conduire à des mesures d’urgence et une radicalité politique de la part de l’administration Trump. Qu’il s’agisse d’éducation ou d’économie, les deux panélistes évoquent un contexte « d’incertitude » flottant à l’annonce des premières directives de ce second mandat.

Entre polarisation croissante et lassitude générale 

Outre ces mesures concrètes, d’autres intervenant.e.s mettent en avant les clivages sociaux qui pourraient s’intensifier. En ce sens, le professeur Daniel Stockemer pousse l’analyse de ces politiques pour en révéler la portée idéologique. Il mentionne l’aspiration de l’administration Trump à vouloir restreindre, si ce n’est « éliminer », les notions d’équité, de diversité et d’inclusion au sein des institutions publiques. L’objectif serait de recentrer les politiques gouvernementales sur des principes jugés plus neutres ou traditionnels, comme l’aura relevé Cantwell-Chavez au cours de sa présentation.

Les nouvelles orientations du gouvernement concernant les minorités représenteraient, d’après elle, un effort pour nier la diversité des identités de genre. C’est dans cet esprit que s’insèrent les directions du président restreignant l’accès aux soins de santé et aux protections légales pour les personnes transgenres. 

En dépit de la rupture que présente ce second mandat, la professeure Emily Wills observe une certaine lassitude militante par rapport à 2016, exacerbée par le manque de soutien structuré du parti démocrate, et son incapacité à mobiliser les foules autour de valeurs précises en comparaison de son opposant républicain. Un événement qu’elle expose comme un « tournant » pour les mouvements de gauche, et dont les conséquences à long terme pourraient être un manque de conviction militante en leur capacité à peser sur les décisions à venir. Wills dépeint le portrait d’un climat social sous tension et d’une société américaine polarisée, laissant de ce fait une marge de manœuvre plus large à son administration pour mener à bien ses réformes.

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