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Surplus budgétaire de 15 ou 69,77 millions ?

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12 novembre 2018

Illustration Andrey Gosse 

Par Maeve Burbrigde – Journaliste

À la suite de l’annonce d’un surplus budgétaire de 15 millions de la part de l’Université, la vérification financière effectuée par la firme KPMG démontre un décalage important entre les propos de l’Université et les chiffres réels de 69,77 millions de dollars, soit un surplus additionnel de 55 millions.

Le 24 septembre, l’Université annonçait son rapport budgétaire pour l’année 2017-2018 à la rencontre du Bureau des gouverneurs (BdG). Les comptables de l’Université avaient prévu un budget équilibré. Dans le document budgétaire de l’Université, cette dernière aurait obtenu un revenu de 879 millions de dollars l’an passé, et elle comptait dépenser cette somme au complet lors de l’année scolaire 2018-2019.

Cependant, en additionnant les chiffres, les comptables de l’Université ont trouvé un surplus de 15 millions de dollars. L’Université a décrit ce surplus d’ « inattendu » et de « mutation ponctuelle ».

Parallèlement, l’Université est légalement tenue de subir une vérification financière externe à chaque année. Comme le souligne Patrick Charette, directeur des communications institutionnelles au BdG, il y a une distinction à faire entre le budget de l’Université présenté par l’administration et la vérification financière effectuée par une firme externe. Pour le budget, il s’agit d’un estimatif financier, un « outil de planification et gestion » utilisé par l’Université. Par opposition, la vérification financière externe présente la réelle situation de l’Université, vérifiée par un tierce parti. Ce dernier traite de faits, tandis que le budget traite plutôt d’estimations. Selon Charette, il s’agit de « deux documents différents, préparés sur de différentes bases ».

Anne-Marie Roy, agente de communication et de recherche pour l’Association des professeurs de l’Université d’Ottawa (APUO), explique qu’il est normal qu’il y ait un certain décalage entre le budget et la vérification financière, mais les chiffres de cette année peuvent tout de même être considérés comme étant anormaux.

Manœuvres trompeuses ?

Bien que l’Université défende l’idée que le surplus s’agisse d’un phénomène inattendu, les vérifications financières externes démontrent que des surplus budgétaires « isolés » apparaissent de manière systématique à chaque année. Au cours des dix dernières années, les décalages entre le budget et la vérification équivalent à 429,46 millions de dollars, presqu’un demi-milliard au total, selon le rapport de KPMG.

Pourtant, l’Université déclare qu’elle dispose de moins en moins d’argent qu’elle a en réalité chaque année. Selon l’analyse du budget et de la vérification financière publiée par l’APUO, « l’historique des dix dernières années, à savoir des excédents cumulatifs ayant dépassé les 429,46 millions de dollars, suggère que l’excédent de l’Université d’Ottawa est structurel », c’est-à-dire que le surplus ne serait pas le produit d’un phénomène isolé, mais qu’il serait prévisible, récurrent à chaque année.

Anne-Marie Roy a également fait remarquer que « souvent, quand l’Université va adopter son budget, elle va raconter l’histoire de «Oh mon Dieu, c’est une crise financière, on va avoir un gros déficit cette année». Pourtant, lorsqu’une tierce partie analyse les finances, on a d’importants surplus. »

Les résultats de la vérification financière 2017-2018 s’inscrivent effectivement dans ce modèle, sauf que le décalage du surplus budgétaire pour cette année est exorbitant, atteignant presque 55 millions de dollars. D’après le rapport de l’APUO, ce serait « l’excédent le plus élevé des 10 dernières années ».

En fait, le décalage s’explique de manière assez simple. Les compagnies d’audit financier telle que KPMG utilisent un système de comptabilité standard pour le Canada et reconnu mondialement. L’Université, quant à elle, fait usage de la méthode de caisse modifiée, système de comptabilité qui n’est pas conforme aux normes du pays et qui produit de manière systématique des chiffres moins élevés que les normes comptables canadiennes. Selon le rapport de l’APUO, la décision d’utiliser la méthode de caisse modifiée s’agit « [d’]une décision politique masquée par un procédé comptable ».

Justifier les coupures

L’Université a tout intérêt à présenter sa santé financière comme étant périlleuse pour justifier les mesures d’austérité. Depuis des années, l’administration coupe des cours, des programmes, ne pas renouveler le contrat de professeurs et membres du personnel sous prétexte qu’elle doit économiser. D’après Roy, « les mesures d’austérité ne sont pas du tout nécessaires. L’Université est en excellente santé financière ». Mais selon elle,  l’administration continue à faire référence au budget plutôt qu’à la vérification financière parce que cette dernière « contredirait son discours de crise ».

Le fait d’effectuer des coupures veut dire que l’Université déverse moins de fonds pour donner les programmes et services qu’elle garantit. Selon le rapport de l’APUO, « la décision d’utiliser la méthode de caisse modifiée permet à l’administration de couper dans le personnel et les services tout en sachant que de telles coupures ne sont pas nécessaires, ce qui lui permet ensuite de ré-allouer les sommes selon son bon vouloir ». De plus, d’après Roy, l’Université n’est pas tenue de citer clairement sur quoi elle décide de dépenser son surplus.

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