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La lutte contre la précarité menstruelle continue

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6 octobre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique 

Par Aïcha Ducharme-Leblanc – Journaliste

Souvent tabou, le thème des règles est difficile à aborder sans recevoir des regards déconcertés. Le manque d’accessibilité à des protections hygiéniques est alors trop peu adressé, bien qu’il touche plusieurs millions de personnes chaque mois, au moment de leurs menstruations.

Il est estimé que les personnes ayant leurs règles peuvent dépenser jusqu’à 6000 $ sur les produits menstruels au cours de leur vie. En 2018, une étude menée par l’organisation non gouvernementale Plan Canada, a démontré « qu’un tiers des femmes canadiennes de moins de 25 ans avaient de la difficulté à payer leurs produits hygiéniques », et sont ainsi victimes du phénomène de précarité menstruelle.

Enjeu complexe

Définie par la difficulté ou le manque d’accès aux produits hygiéniques, cette précarité englobe la pauvreté, le manque d’éducation concernant les menstruations, mais aussi le manque d’accès aux installations sanitaires de base, comme des toilettes. 

Meghan White, cofondatrice de l’organisme Period Packs, explique qu’il s’agit davantage d’un problème d’iniquité menstruelle. Selon elle, le problème de la précarité menstruelle n’est pas essentiellement financier, mais englobe aussi le manque d’accès aux protections hygiéniques, dans les lieux publics par exemple. 

Dans un communiqué de 2020, le Réseau Québécois d’Action pour la Santé des Femmes (RQASF) précise que « la précarité menstruelle est un enjeu d’égalité, de dignité, et de santé ». L’organisme signale en outre qu’il s’agit d’un problème qui traverse toutes les frontières du monde, et qui peut toucher de nombreuses personnes, comme les femmes cisgenres, les personnes non-binaires, ou hommes transgenres. Il est source d’importantes inégalités. 

Discrimination institutionnelle

La précarité menstruelle est un reflet des normes sociétales, qui stigmatisent les personnes ayant leurs menstruations et perpétuent le tabou des règles. White déplore le manque d’implication de la part des institutions étatiques responsables de la planification, des politiques et des lois. Elle accuse l’ironie de leurs indications selon lesquelles « la charge de répondre à ses besoins sanitaires de base incombe à l’utilisateur.rice, surtout quand on parle de la moitié de la population ».

Jade Sullivan, coordinatrice au Centre de ressources des fxmmes de l’Université d’Ottawa, explique que la raison de cette ignorance de la part des institutions résulte du fait que « nous ne sommes pas aussi progressistes que nous le croyons […], la menstruation est très profitable pour notre gouvernement et toutes ces corporations ». Selon elle, dans un système hétéropatriarcal comme celui sur lequel est basé la société, si le problème ne concerne pas directement les chef.fe.s, ou celles et ceux qui prennent les décisions, il est extrêmement difficile d’introduire des transformations. 

Coût sanitaire

La précarité menstruelle a des conséquences majeures sur la santé d’une personne. Les prises en charge qu’elle engendre sont, malgré leur importance, peu reconnues comme des soins liés à la santé. 

Sullivan souligne que les frais engendrés par les menstruations ne sont pas couverts par les soins de santé autres que la gynécologie de base, et que cela est très problématique étant donné que la menstruation n’est pas vécue par tou.te.s de la même façon. De nombreux troubles de santé, tels que l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques, peuvent être provoqués ou exacerbés par les règles, surtout si « nous les traitons comme si ce n’était pas un problème de santé, mais un problème de femmes », fait valoir la coordinatrice. 

White renchérit que ce manque de reconnaissance de l’importance de ces problèmes de santé implique souvent des délais excessivement longs pour obtenir un diagnostic lié à une condition de l’appareil reproductif féminin, occasionnant beaucoup de souffrances.

Regard différent

Pour Élise Bruno, Chargée de communications à la RQASF, il faut réinventer le regard de la société sur les règles. Il faudrait ainsi idéalement « les assumer, les aimer et même de les valoriser afin qu’elles ne soient plus un facteur de souffrance, de honte et d’inégalité ». Sullivan partage la même opinion, en appuyant sur le besoin de normaliser les menstruations et de faire prendre conscience de l’étendue du problème de la précarité menstruelle. 

En 2019, une décision de la Colombie-Britannique a rendu l’accessibilité aux produits menstruels obligatoire, dans toutes les écoles de la province. Plus récemment cette année, le Centre de ressources des fxmmes de l’Université d’Ottawa a finalement reçu le feu vert pour le lancement d’un projet pilote visant à rendre disponibles des produits menstruels dans toutes les salles de bain du campus.

Bien que le sujet soit de plus en plus adressé dans la société, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir afin d’éradiquer la précarité menstruelle. 

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