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Ottawa, la rue Rideau et le ras-le-bol du harcèlement banalisé

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8 septembre 2020

Crédit visuel : Valérie Soares – Photographe

Par Miléna Frachebois – Cheffe du pupitre Actualités

La rue Rideau… Qui n’a pas entendu parler d’elle et de ses tourments ? Personne. La réputation de cette rue n’échappe pas aux étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa, du fait de sa proximité. Peut-être ma naïveté provinciale me gagnera un jour, pourtant je ne m’attendais pas à vivre autant de ces « complications » pour mon premier été ottavien. 

On ne prend personne par surprise en disant que cette année a été spéciale, et l’été moins jovial. Étant moi-même impactée par le dépaysement de cette situation, loin de ma famille, j’ai eu besoin de réconfort. De quelle manière ? En allant faire des achats au centre Rideau, en essayant de prendre plus confiance en moi, en sortant prendre l’air.

J’avais trouvé mon allié parfait : le magasinage. Une fois que les boutiques ont rouvert, je me suis dirigée au centre Rideau, avec mes précautions bien sûr. Au fur et à mesure de l’été, mon enthousiasme s’est transformé en anxiété et en culpabilité. 

Entre confiance et anxiété

Cet été m’a permis d’apprendre à mieux me connaître, à mieux contrôler mes émotions, à maîtriser mes peurs. Comme si le vécu devenait un bouclier de protection contre les aléas de la vie.

De ce fait, j’ai pris confiance en mon corps et dans la façon de m’habiller. Je n’avais plus peur de porter des jupes, des shorts, et même des hauts laissant entrevoir un peu de mon nombril. Jusqu’à ce que je fasse mes premiers pas dans la rue Rideau, vêtue d’une jupe m’arrivant juste au-dessus du genou et d’un crop top… 

Cela commence par des regards déstabilisants, puis des sifflements répétitifs. Qu’ai-je fait ? Est-ce de ma faute ? J’ai commencé à me remettre en question : les ai-je incité ? Peu après, on me suit, et on m’accoste de manière très insistante. 

Qu’est-ce que ça peut vous faire de savoir comment je m’appelle, ou bien comment je vais ? Ai-je vraiment envie de savoir ce que vous pensez de moi ? Ou bien ai-je envie de vous donner mon numéro ?  Mon regard a beau fuir celui qui me suit, celui-ci finit par m’arrêter. 

Mes « solutions » ? 

Depuis ces incidents à répétition, je n’ai plus jamais porté une jupe ou un short, un haut court ou un top décolleté dans cette rue. Une fatalité qui m’arrache la gorge. Pourquoi devrais-je les laisser gagner ? Mon anxiété est trop forte.

Je n’ai pas envie d’être une proie à abattre. Se mettre dans une position d’infériorité, c’est laisser place à la souffrance. Ici l’infériorité, c’est d’avoir le malheur de porter des vêtements qui pourraient provoquer des paroles et des gestes injustifiés. Je restreins donc ma liberté de femme, par peur qu’on m’ « attaque ».

Le pire dans cette histoire, c’est que non seulement je ne suis plus moi-même, mais en plus je me déguise. Je deviens une personne que je n’ai pas envie d’être.  Je ne me maquille pas, je ne me coiffe pas, je me couvre, et ce dans le but de minimiser des interventions mal placées. 

On dit souvent d’Ottawa qu’elle est une ville tranquille et sans problème. Qu’il faut lutter autre part. Dire qu’il n’y a pas de problème à Ottawa sur ce sujet, c’est l’ignorer. Je ne suis pas la seule dans cette situation, ni la première et ni la dernière dans mon cas. Cette expérience m’horripile. Cette impuissance m’agace. Ma naïveté m’aura eue. Mais il est temps que cela change.

Par là, j’entends une éducation appuyée sur le harcèlement de rue et le sexisme, afin de sensibiliser dès un jeune âge. J’entends aussi une action de la part de la ville d’Ottawa, non seulement en terme de sensibilisation, mais aussi en termes de sécurité. La ville a des quartiers instables, qui jouent un rôle prépondérant dans ce genre d’altercation.

Ottawa n’est pas une exception. Il faut que la ville donne des cours dès l’école primaire et ce, pour que les moeurs changent ! Il faut que la ville sécurise la rue Rideau, ainsi que d’autres quartiers sensibles, comme Vanier, en accordant plus de budget pour les actions sociales et en mettant à disposition des bornes d’urgences.

Pourquoi ? Car selon moi, il a un lien étroit entre la pauvreté, les sans-abri, et la mauvaise santé mentale de tous ces gens qu’on ignore chaque fois qu’on va à Loblaws. Si ces gens étaient aidés, et qu’ils allaient mieux moralement, il y aurait moins d’altercations, et c’est la triste vérité. Toutefois, ces altercations ne seraient plus inexistantes, même avec ce genre de solution. 

Dans cet idéal imparfait, il serait donc possible de se promener sans se faire siffler, arrêter, suivre, ou accoster à répétition. Il serait possible de s’habiller librement, sans crainte d’être qui nous voulons être en tant que femmes.

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