Inscrire un terme

Retour
Éditorial

Santé et bien-être : un luxe inaccessible à l’Université d’Ottawa

Crédit visuel : Sophie Désy – Photographe

Éditorial collaboratif rédigé par Camille Cottais – Rédactrice en chef

En 2021, l’Université a signé la Charte de l’Okanagan, l’engageant à « intégrer la santé et le mieux-être à tous les aspects de [sa] culture ». Ah, que c’est beau sur le papier ! Mais si vous êtes un.e étudiant.e de l’Université d’Ottawa (U d’O) en quête de services de santé, vous avez sûrement déjà dû faire face aux nombreuses failles du Centre de santé et mieux-être étudiant, situé au 2e étage du Complexe sportif Minto. Depuis son ouverture en septembre 2022, ce centre réservé aux étudiant.e.s de l’U d’O et de l’Université Saint-Paul n’en finit pas de nous surprendre par son inaccessibilité, son anglocentrisme assumé et son fonctionnement défiant toute logique.

Quand on lit qu’« à l’Université d’Ottawa, votre santé et mieux-être sont prioritaires », on ne peut s’empêcher de pouffer de rire : depuis la pandémie de la COVID-19, les services de santé n’ont fait que se détériorer sur le campus. Adieu, médecins de famille attribué.e.s aux étudiant.e.s, clinique sans rendez-vous au 100 Marie-Curie, services en français et rendez-vous disponibles en quelques jours : tout cela relève maintenant du privilège, voire du fantasme.

À la recherche du rendez-vous perdu

Commençons par le problème le plus évident : la fameuse prise de rendez-vous. Pour ce faire, vous disposez de quatre options : vous aventurer sur un site web qui ne fonctionne pas, écouter une douce musique d’attente pendant 2 à 5 heures au téléphone, tenter de réclamer votre dû en personne pour qu’on vous renvoie gentiment vers ces autres méthodes, ou entrer dans l’arène des Hunger Games sur l’application UpPatient.

Pour cette dernière option, celle qui vous mènera peut-être à la victoire, rien de plus simple ! Connectez-vous à 8h du matin tous les 1ers et 15 du mois, et priez pour cliquer sur les rares rendez-vous disponibles avant les autres concurrent.e.s. Puisse le sort vous être favorable, vous en aurez désespérément besoin.

Votre problème était urgent ? Mince, ce n’est pas de chance, il vous faudra prendre votre mal en patience ou attendre 15 heures à l’hôpital, car les rendez-vous disponibles sont – si vous êtes chanceux.ses – dans plusieurs semaines, sinon dans plusieurs mois. Oui, même pour un simple renouvellement d’ordonnance, il fallait vous y prendre 6 mois à l’avance. D’ailleurs, si vous ne parvenez pas à dégoter ce précieux rendez-vous à temps, préparez votre portefeuille : vous devrez débourser 25 dollars de votre poche pour dire bonjour à votre précieuse ordonnance.

Si vous avez l’audace de vous présenter à Minto pour une urgence, on vous remettra d’ailleurs une feuille contenant les contacts de toutes les cliniques aux alentours. Mais quelle surprise ! Elles sont toutes également débordées et n’ont aucun rendez-vous avant des mois. N’oubliez pas d’adresser vos chaleureux remerciements à Doug Ford pour cette charmante situation !

Vous vouliez parler de votre santé mentale à un.e professionnel.le ? Dommage, les rendez-vous ne durent que 10 à 15 minutes, il faut faire marcher l’usine, nous n’avons pas le temps pour vous. Sorry, not sorry : prenez un mouchoir et ravalez votre peine, ou sollicitez un psychothérapeute privé à 150 dollars la séance.

Vous vouliez consulter un médecin en français ? Quelle naïveté, oubliez ça ! l’Université est tellement bilingue que l’option de choisir votre langue de préférence ne vous sera même pas proposée lors de votre prise de rendez-vous. Ne comptez pas non plus vous faire servir en français à la pharmacie du campus au 100 Marie-Curie : le « Sorry, I don’t speak French » y est presque un slogan. Si le Centre est en pénurie de médecins, sachez que les médecins francophones y sont aussi rares que les ascenseurs à FSS en heure de pointe.

Vous l’aurez compris, le Centre n’a manifestement ni les moyens ni le personnel pour convenir à une université accueillant des dizaines de milliers d’étudiant.e.s. Il semble que payer pour des services qui ne répondent pas à nos besoins soit devenu la norme à l’U d’O.

Naviguer dans le chaos des assurances universitaires

Ah, miracle des miracles ! Vous avez réussi à décrocher un rendez-vous et à récupérer vos pilules magiques à la pharmacie de l’anglocentrisme. Bravo ! Mais le périple n’est pas fini ! Maintenant, nous vous souhaitons bonne chance pour réussir à comprendre les assurances santé universitaires, en particulier le Régime d’assurance maladie universitaire (RAMU). L’adhésion à cette assurance coûtant plus de 750 dollars par an est obligatoire pour tou.te.s les étudiant.e.s internationaux.ales. Vous serez heureux.se de savoir que ces frais viennent se greffer aux assurances santé et dentaire du SÉUO ou du GSAED, selon votre cycle d’étude, histoire d’ajouter un petit supplément de 250 à 650 dollars, juste parce que votre portefeuille ne souffrait pas assez.

Les informations sur ces différents régimes sont peu claires et peu mises de l’avant. Résultat ? La plupart des étudiant.e.s se retrouvent à jouer les détectives pour comprendre comment obtenir un remboursement, comment opt out des assurances, comment les activer, et bien sûr quels frais sont couverts. Simplifier le processus de remboursement et fournir des informations plus accessibles aux étudiant.e.s, dont la grande majorité viennent de quitter le nid familial et ne savent pas comment naviguer cette jungle administrative, devraient être un minimum pour une université prétendant prioriser la santé et le bien-être.

Et c’est sans parler des Québécois.e.s et autres résident.e.s de Gatineau, qui paient pour des assurances inutilisables hors Ontario. Il y a aussi tous ces étudiant.e.s internationaux.les dont l’assurance de leur pays couvre bien mieux leurs frais à l’étranger que le RAMU, mais qui doivent payer double : encore une fois, l’Université profite toujours des mêmes. Félicitations, vous êtes pris.e.s au cœur d’un système où vous gagnez le droit de payer, payer et… encore payer !

La santé, parent pauvre des priorités de l’Université

Pardonnez-nous notre pessimisme, mais les choses ne vont pas en s’améliorant. Un exemple parmi d’autres : depuis septembre dernier, l’Université a  eu la brillante idée de rendre payantes les demandes pour différer un examen. Vous payerez donc la modeste somme de 60 dollars, que votre demande soit acceptée ou non ! Il est certain que des étudiant.e.s peuvent abuser de ce mécanisme, surtout depuis que la première demande de différé par cours ne requiert plus de note médicale. Il reste que racketter les étudiant.e.s réellement malades, handicapé.e.s ou confronté.e.s à une situation imprévisible est une drôle de décision pour une université scandant « votre santé et mieux-être sont prioritaires » !

Voulez-vous un autre exemple pour démontrer que l’Université porte davantage attention à son porte-monnaie qu’à votre santé ? Depuis octobre, une clinique de vaccination contre le virus du papillome humain (VPH) a ouvert ses portes au Salon du mieux-être, à UCU. Le prix à débourser pour compléter la série des vaccins ? 206 dollars par dose, soit 618 dollars au total. Comment peut-il s’agir de sensibilisation si le vaccin est payant ? Le site de l’Université précise que « de nombreux régimes d’assurance complémentaire couvrent 80 % des prescriptions et des vaccins ». Une phrase floue qui n’éclaire en rien sur les modalités de remboursement ou sur le temps pendant lequel vous devrez avancer cette petite fortune, avant de vous faire partiellement rembourser. 

Bref, il est difficile de ne pas se sentir désillusionné.e face aux services de santé sur le campus. Loin de l’idéal d’une institution engagée envers la santé et le bien-être de ses étudiant.e.s, la situation actuelle révèle un système défaillant qui semble plus préoccupé par les profits que par les besoins fondamentaux de sa communauté.

Il est urgent que l’U d’O décroche enfin de son piédestal doré et commence à traiter la santé et le bien-être des étudiant.e.s avec le sérieux et le respect qu’ils et elles méritent. La santé des étudiant.e.s ne devrait pas être un luxe réservé à quelques privilégié.e.s, mais un droit fondamental pour tou.te.s.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire