
Se sensibiliser aux réalités des personnes proches aidantes LGBTQ+ avec Julien Rougerie
Crédit visuel : Courtoisie – Laetitia Clouzot
Entrevue réalisée par Charlie Correia – Journaliste
Le programme Famille choisie, lancé par la Fondation Émergence, sert à sensibiliser la population générale à la réalité des personnes proches aidantes (PPA) faisant partie de la communauté LGBTQ+. Julien Rougerie, formateur et spécialiste contenu à la Fondation Émergence, partage à La Rotonde sa vision du programme et son point de vue quant au manque de visibilité de ces PPA.
La Rotonde (LR) : Quelle est votre définition du terme « proche aidant.e » ?
Julien Rougerie (JR) : La proche aidance est un concept qui n’est toujours pas très bien connu. Les PPA sont celles qui accompagnent une personne en perte d’autonomie ou qui vit une situation nécessitant un accompagnement quotidien. Les PPA ont habituellement un lien affectif avec la personne qu’elles aident. Elles ne sont ni payées ni formées pour leur travail.
LR : Quelle est la réalité d’une personne proche aidante ?
JR : Les réalités sont souvent similaires entre les PPA : en raison de la lourde charge de travail, les PPA sont souvent épuisées. Elles peuvent également vivre des difficultés financières, puisqu’elles doivent parfois arrêter de travailler pour pouvoir prodiguer les soins nécessaires.
Lorsque nous ajoutons la dimension LGBTQ+ à ces conditions difficiles, les PPA sont davantage fragilisées. Les individus qui s’identifient comme faisant partie de la communauté LGBTQ+ sont déjà, à la base, plus vulnérables. Ces individus ne sont pas nécessairement toujours à l’aise de naviguer dans le système de la santé et des services sociaux, ou même dans les services d’aide en général, par crainte de ne pas être acceptés. L’inclusion de la diversité sexuelle et de genre demeure un obstacle pour les PPA qui s’identifient comme LGBTQ+.
Cet obstacle empêche parfois les PPA d’accompagner la personne qu’elles aident, soit parce qu’elles ne se sentent pas à l’aise, soit parce que les personnes qu’elles accompagnent ne se sentent pas confortables. Dans certains cas, ce sont les deux partis qui s’identifient comme LGBTQ+, et de là naît une double réticence à aller chercher des services de santé.
LR : Que devons-nous savoir sur le programme « Famille choisie » ?
JR : Famille choisie est un programme de sensibilisation et d’accompagnement pour les PPA s’identifiant comme LGBTQ+, et qui a été lancé en 2019. Nous voulons garantir une meilleure inclusion de la diversité sexuelle et de genre pour les PPA. Malheureusement, il reste beaucoup de chemin à faire à ce niveau-là.
Nous avons également un autre programme qui s’appelle « Pour que vieillir soit gai ». Celui-ci est dédié à la sensibilisation LGBTQ+ au sein des milieux pour aîné.e.s. C’est justement à travers ce programme que nous avons réalisé que les personnes LGBTQ+ étaient souvent confronté.e.s à des enjeux reliés à la proche aidance. C’est de là qu’est né le programme « Famille choisie ».
LR : Quel est votre public cible ?
JR : Nous avons deux volets au programme. Le premier vise la sensibilisation chez les professionnel.le.s. du milieu de la proche aidance, c’est-à-dire les milieux de la santé et des services sociaux, ainsi que les milieux communautaires. Nous voulons que ces cercles soient plus sensibles aux enjeux des PPA LGBTQ+.
Le deuxième volet est destiné directement aux PPA membres de la communauté LGBTQ+. Nous leur offrons du soutien psycho-social, des groupes de discussion et des ateliers d’information, entre autres, pour qu’ils et elles puissent se soutenir et créer des connexions entre membres.
LR : Comment expliquez-vous le nom du programme : « Famille choisie » ?
JR : Les personnes qui sont proches aidantes et LGBTQ+ ont aussi la particularité de souvent s’occuper de leurs ami.e.s plutôt que de leur famille biologique. Il arrive parfois que les personnes LGBTQ+ n’aient pas les meilleures relations avec leur famille biologique. Quand arrivent les difficultés et les pertes d’autonomie, ces personnes ont alors le réflexe de se tourner non pas vers leur famille biologique, mais bien vers leurs ami.e.s, leur famille choisie.
LR : Avez-vous un message particulier pour les lecteur.ice.s ?
JR : Nos sensibilisations ciblent aussi le grand public. Nous avons fait un sondage au Québec en 2022 et avons déterminé que 34% de la population au Québec ne considère pas l’amitié dans un schéma de proche aidance.
Nous mettons le plus d’efforts possible pour la sensibilisation des professionnel.le.s de la santé, des services sociaux et des milieux de la proche aidance. Il s’adonne que parfois, ces milieux n’adoptent pas toujours des approches inclusives. C’est cela qui empêche les personnes les plus vulnérables de bénéficier de certains services ou certains accompagnements.