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Éditorial

Tarification sur le carbone : (bientôt) une décision ?

Rédaction
28 septembre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef 

Si vous êtes intimement persuadé.e.s que les gouvernements prennent la cause environnementale à coeur, laissez-nous vous prouver le contraire. Lors des audiences qui se sont tenues à la Cour suprême du Canada, les 22 et 23 septembre derniers, le gouvernement fédéral et les provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan, de l’Ontario, ainsi que de la Colombie-Britannique se sont affrontés concernant l’épineux sujet de la taxe carbone.

D’un côté, le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique. De l’autre, l’Alberta, la Saskatchewan, et l’Ontario. Au centre de toutes les attentions : la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, loi adoptée en 2018, qui vise à fixer des normes minimales pour la tarification du carbone. Selon le gouvernement Trudeau, cette taxe permettrait de ralentir le réchauffement climatique résultant des émissions de carbone (CO²) et de la consommation de combustibles fossiles. L’objectif serait de baisser de 30 %, d’ici 2030, les niveaux recensés en 2005, et d’avoisiner les 0% en 2050, et d’atteindre ainsi la neutralité carbone. 

Cet impôt environnemental basé sur le principe du pollueur-payeur ne serait imposé qu’aux provinces qui ne taxent pas déjà sur le carbone ou une équivalence, et à celles dont les normes ne correspondent pas au minimum fédéral instauré. Deux jours d’audience, deux douzaines d’intervenants, et un ajournement sans rendre de décision. Avons-nous réellement tout le temps que nous voulons pour prendre position ?

Argumentation (non) fondée 

C’est, cette fois, la Constitution elle-même qui semble mettre le feu aux poudres. Rédigée en 1867, elle reconnaît explicitement que les provinces et territoires sont en droit de contrôler leurs ressources naturelles non renouvelables, leurs ressources forestières et leur énergie électrique en vertu de l’article 92A.

Le gouvernement fédéral, dont la loi est soutenue par la Colombie-Britannique, soutient qu’il faut l’adapter au contexte, et ainsi la faire évoluer. Si les limites des compétences fédérales et provinciales ont été fixées en 1867, il n’était pas, à l’époque, question de réchauffement climatique ou de gaz à effet de serre (GES). Les temps changent ; nous devrions en faire de même.

Ils soutiennent également que les changements climatiques sont un enjeu d’intérêt national, et non pas exclusivement provincial. Le gouvernement libéral du Canada, mené par Justin Trudeau, est en droit de légiférer au nom de la paix, de l’ordre et d’un bon gouvernement ; c’est exactement ce qu’il a fait en imposant une norme nationale minimale en matière de prix pour les émissions de GES, au nom de l’article 91 de la Constitution. 

L’Alberta, l’Ontario et la Saskatchewan soutiennent, quant à eux, que les provinces sont souveraines dans leur champ de compétence, et que le fédéral n’a donc pas à intervenir. De plus, elles affirment que leurs propres politiques climatiques sont adaptées à leur situation et qu’elles contrôlent leur fiscalité provinciale et leurs ressources naturelles. 

En outre, selon la Saskatchewan, la loi du Parlement est inconstitutionnelle puisqu’elle n’est pas appliquée uniformément à l’ensemble des provinces canadiennes. Ces provinces n’étant pas concernées à la base, puisqu’elles ont déjà pris des mesures concernant leurs émissions de CO².

Implication responsable 

Cette taxe permettrait aux consommateur.rice.s d’assumer une partie du coût environnemental du bien qu’ils ou elles consomment. De quoi les responsabiliser, tout en leur faisant prendre part au progrès, et en les impliquant dans la cause environnementale. Et en plus, de quoi les dissuader d’acheter impulsivement, et peut-être ainsi de réduire la surconsommation.

Mais pour cela, il faudrait entreprendre une action collective. Donc que les trois provinces acceptent de se rallier à la Colombie-Britannique et au gouvernement fédéral. Mais la tâche ne sera pas aisée, puisque l’avocat de la Saskatchewan considère l’intérêt national comme « un pouvoir illégitime » de la Constitution.

Et lorsque le sujet de l’action collective est abordé, ce même avocat répond simplement que « c’est le fédéralisme et c’est la démocratie, là où les provinces ont compétence, elles peuvent prendre des décisions sur leur façon d’exercer ces compétences ». Or, cet entêtement aura  « un impact potentiel sur l’ensemble du Canada et des autres provinces, qui font de leur mieux », a déclaré ensuite le juge Moldaver. Pour trois provinces rebelles, l’avenir environnemental du Canada semble être compromis.

Urgence d’agir 

La situation environnementale n’a jamais été aussi critique ; il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard, si ce n’est pas déjà le cas.  Avec la taxe carbone, le fédéral veut assurer que tout le pays limite ses émissions de GES. C’est le minimum pour s’assurer un avenir meilleur. Un avenir, qui est plus que jamais en danger. La question de la crise climatique est d’envergure mondiale ; il faut apprendre à marcher à l’unisson au lieu de courir à notre perte en voulant rester individualistes.

Si la fonte des glaces et la noyade des ours polaires vous laissent insensible, prenez en compte que ce réchauffement implique aussi des enjeux sanitaires. Le coronavirus n’est peut-être que la première étape d’une longue série de bactéries et de virus endormis dans le pergélisol, qui pourraient faire surface à cause de la fonte des glaces, et ainsi atteindre l’humanité dans son ensemble. 

Notre destin est en jeu. Accepter de payer cette taxe, c’est un pas de plus vers l’objectif de neutralité carbone. Quelques dollars de plus aujourd’hui pourraient bien assurer l’avenir des générations de demain.

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