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Tentative de suicide ; l’Université apathique ?

Rédaction
30 janvier 2020

Crédit visuel : Andrey Gosse – Directeur artistique

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Le 8 septembre 2019, certain.e.s étaient occupé.e.s à s’organiser après leurs premiers jours de classe, d’autres rattrapaient le temps perdu avec leurs amis. Pour Victo­ria Romero-Garcia, étudiante en deuxième année de socio­lo­gie à l’Université d’Ottawa (U d’O), c’est le moment où elle a pris la décision de mettre fin à ses jours. 

La jeune femme témoigne aujourd’hui, non sans émotion, sur les manques d’action et de considération flagrant de l’Université à son égard.

Mal-être profond

Après un été plutôt compliqué, Victoria confie que le retour aux études, en septembre, n’a pas été des plus simples. Atteinte de troubles bipolaires et de dépression, elle n’était pas dans un bon état d’esprit, et n’était pas certaine que revenir à l’U d’O pour sa deuxième année était la meilleure idée. Mais celle qui se fait appeler Tori a décidé d’essayer. 

Après les premiers jours, la jeune femme s’est sentie seule, sa mère étant rentrée à Burlington, ville d’où elle est originaire. Clairvoyante quant à son mal-être, elle s’est forcée à rencontrer ses voisin.e.s de palier. Sans le savoir, ces dernier.ère.s lui sauveront la vie, quelques jours plus tard. 

Le 7 septembre dernier, consciente que la situation n’est plus possible, Tori choisit de demander de l’aide, et donc de consulter des professionnel.le.s; elle se rend à l’hôpital, accompagnée de ses ami.e.s. Après une attente de plusieurs heures dans les urgences de l’Hôpital d’Ottawa, elle se fait rejeter sous prétexte qu’elle n’a pas de plan de suicide actif. À la question « pourquoi n’avez-vous pas consulté quelqu’un de l’Université ? », elle a répondu « je sais que voir un conseiller est simplement impossible; j’ai abandonné cette idée. ». 

Le lendemain, au plus bas, Victoria passe à l’acte, en ingérant des médicaments. Suite à un déferlement de messages d’amour de la part de ses proches, elle réalise que des gens tiennent à elle ; Tori se précipite chez ses voisin.e.s de palier et leur demande d’appeler le 911.

« C’est le service de protection qui est arrivé en premier. […] Ils ont essayé de me calmer en attendant que les paramédics arrivent ». Après que ses constantes vitales aient été testées, le médecin de l’Hôpital qualifie son geste d’un « moyen d’attirer l’attention », et la renvoie chez elle, en lui conseillant de passer du temps avec sa mère. 

Tori, bien décidée à s’en sortir, prend rendez-vous avec son psychiatre le jour où elle sort de l’Hôpital. « Il a été vraiment compréhensif mais pas utile, comme s’il ne savait pas quoi dire ou faire ». Il lui a offert le conseil « d’aller de l’avant ». Tori a alors décidé de consulter des conseillers, à l’extérieur de l’Université. 

Expulsion dissimulée ?

Au lendemain de sa tentative de suicide, Tori reçoit un courriel de la part du service de logement de l’U d’O, lui indiquant qu’ils désirent la rencontrer. « Je pensais qu’ils voulaient me demander comment j’allais, mais pas du tout », explique la jeune femme.

La date est fixée au 12 septembre 2019. Le jour J, elle se rend à la rencontre en compagnie de sa mère, revenue de Burlington. L’équipe leur explique qu’elle cherche une solution qui conviendrait à tout le monde; Tori et sa mère ne comprennent pas où ils veulent en venir. Mais le personnel leur explique que la jeune femme n’aurait pas un bon dossier, puisqu’elle a été hospitalisée l’an dernier, à cause de sa dépression.

Elle, qui résidait déjà à 90U l’an passé, ne comprend pas pourquoi ils ont accepté de la loger à nouveau dans la résidence, en étant conscient de son état : « l’une des étapes de l’application en résidence est de leur dire quelle condition médicale nous avons. Je leur ai parlé de mon problème aux yeux, de mes problèmes de santé mentale, je leur ai tout dit ». 

« Nous sommes revenues le jour suivant, un vendredi 13, je ne suis pas superstitieuse, mais ce jour-là était vraiment un mauvais jour », plaisante-t-elle maintenant. Persuadée qu’ils lui offriront plusieurs options pour sa situation, Tori et sa mère tombent des nues lorsque la sentence tombe.

« Nous sommes arrivé.e.s à la conclusion que nous n’avons pas d’autre option que de mettre fin à votre contrat » expliquent-ils à l’étudiante. « La façon dont votre comportement a eu un impact négatif sur les gens autour de vous, ce n’est pas quelque chose que nous pouvons gérer. Nous ne pouvons plus vous soutenir », ont-ils ensuite ajouté. 

La jeune femme leur a demandé s’ils l’expulsaient, ce à quoi les représentant.e.s du service des logements ont répondu : « Non, il ne s’agit pas d’une expulsion. Si c’était une expulsion, vous auriez 24 h pour déménager. Nous vous donnons trois jours ».

La jeune femme a essayé de trouver des solutions en négociant avec eux, en proposant notamment  de mettre en place un contrat de sécurité. Désemparée, Tori réussit à négocier un déménagement sous trois jours ouvrables. 

Le 16 septembre 2019, Victoria reçoit la lettre appuyant la décision du service des logements de l’U d’O. À la fin, un détail qui n’avait pas été mentionné retient son attention ; il lui est demandé de s’abstenir d’entrer dans le complexe résidentiel 90U. « Non seulement vous m’avez mise dehors, mais vous m’avez aussi interdit de revenir », bouillonne-t-elle, encore aujourd’hui. 

Ayant trouvé un logement disponible à partir du 15 octobre 2019, Tori est restée chez des ami.e.s à elle pendant près d’un mois. Elle s’est vue offrir une chambre en urgence, pour deux semaines, dans la résidence Thompson, mais elle s’y sentait emprisonnée et redevable. « Nous vous offrons généreusement la chambre […], vous devriez être reconnaissante de cette opportunité », lui a dit le personnel du service des logements.

« Je ne voulais pas qu’ils se sentent comme s’ils me faisaient une faveur, alors que c’est eux qui m’ont placée dans cette position difficile. » « Pour résumer, l’équipe du logement a manqué de beaucoup de compassion », déclare l’étudiante de l’U d’O.

Université en cause 

Après son hospitalisation, Victoria tente de rattraper les classes qu’elle a manqué; l’Université ne lui a pas offert de soutien pour rattraper son retard. Il lui a été conseillé de récupérer les notes d’ami.e.s. Certain.e.s de ses professeur.e.s n’ont pas répondu à ses courriels demandant des ajustements. « Ils n’étaient pas méchants, mais ils n’étaient pas très bon.ne.s non plus », explique-t-elle.

Elle aurait aimé qu’ils lui proposent de prendre rendez-vous, ou juste, de passer pendant les heures de bureau. La Faculté des sciences sociales n’a pas non plus été présente. Lorsqu’elle a essayé de différer un examen de mi-session, Tori a du attendre deux semaines pour obtenir leur approbation, non sans les relancer à de multiples reprises.

En ce qui concerne les services de santé mentale à l’U d’O, l’étudiante les décrit comme « peu fiables et très trompeurs ». Suite à son expérience, la jeune femme décrit L’U d’O comme une institution qui « prêche ses bons services de santé mentale, mais [qui] ne pratique pas de bons services de santé mentale ».

« Si on ne peut pas obtenir d’aide en dehors de l’école [à cause de tarifs trop élevés ou de mauvaise prise en charge des assurances] notre dernière ressource est l’école. S’il n’y a rien là-bas, tu te sens impuissant.e et tu te sens seul.e. […] Les quatre suicides auraient pu être évités. Venant d’une personne qui a failli se suicider. Je n’aurais pas été amenée à ça si j’avais su que j’avais du soutien dans mon école », ajoute-t-elle. Tori conclu en disant que les représentant.e.s de l’U d’O « peuvent faire mieux. Nous, en tant qu’étudiant.e.s, nous attendons d’eux qu’ils fassent mieux. »

Par l’entremise d’un courriel, l’administration de l’Université affirme qu’elle aurait « à cœur la santé et le bien-être de ses étudiant.e.s ». Au sujet du cas de Victoria, l’administration n’a pas fourni de commentaires, invoquant les motifs de confidentialité et de respect de la vie privée. 

 

Pour davantage de ressources :

Population étudiante

Allo J’écoute (bilingue, en tout temps) : 1-866-925-5454

Service d’aide en santé mentale et mieux-être

Corps professoral et personnel

Programme d’aide aux employés et à la famille (PAEF, en tout temps) : 1-844-880-9143

En cas d’urgence

Service de la protection (en tout temps) : 613-562-5411 (sur le campus : poste 5411)

Services d’urgence : 911

Services d’urgence proposés par le SASS

Services d’urgence

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