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Sports et bien-être

Travailler pour vivre… ou vivre pour travailler ?

Crédit visuel : Élodie Ah-Wong- Directrice artistique

Chronique rédigée par Lê Vu Hai Huong — Journaliste

La dépendance au travail, ça vous dit quelque chose ? Eh bien, récemment, mes ami.e.s, un.e de nos collègues à l’Université d’Ottawa (U d’O), a confié sur Reddit qu’iel travaille normalement 12 heures par jour, six jours par semaine, même juste après la fin des examens finaux d’automne. Alors, je vous pose la question suivante : travaillons-nous pour survivre, ou sommes-nous porté.e.s par une dépendance au rendement ?

Tout d’abord, travailler dans un domaine qui nous passionne est certainement un privilège. Cela peut en effet apporter de la joie et un sentiment d’accomplissement. Depuis toujours, on me répète : « Choisis un métier qui te passionne » ou encore «trouve un travail qui correspond à ton ikigai ». Même Confucius, le philosophe chinois, disait : « Choisis un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. » Mais dans la réalité, ce n’est pas aussi simple.

Je m’explique. J’ai regardé une vidéo où l’on demandait aux gens « un métier qui vous fait rêver. » Voici la réponse qui m’a le plus marquée : « Dans mes rêves, je ne travaille pas ! »

Mesdames, messieurs et personnes non binaires, cette phrase m’a profondément fait réfléchir car elle m’a amenée à me questionner : à quoi sert le travail ? Est-ce véritablement une source de joie ? Un moyen de rendre la vie plus facile ? Ou une nécessité ? En tout cas, à cette étape dans ma vie, je crois que travailler, c’est surtout survivre, bien que l’expérience peut être enrichissante.

Le prix du $avoir

L’éducation est un droit social fondamental au Canada, mais, dans les faits, elle ressemble souvent à un privilège payant. Les frais de scolarité, qui sont d’environ 7 000 dollars par an au minimum, le loyer, la nourriture et les dépenses quotidiennes font que la vie étudiante coûte environ 22 000 dollars par an au Canada. Pour beaucoup, l’aide financière de la famille n’est pas une option. Le résultat : on jongle entre différents emplois, au détriment du repos, de la santé et parfois même des études.

Et qu’en est-il des étudiant.e.s internationaux.ales ? Pourquoi certain.e.s peinent à subvenir à leurs besoins une fois sur place, alors qu’ils.elles doivent prouver leur stabilité financière avant leur arrivée ? Je vous invite à lire « De nouvelles règles pour le travail hors campus des étudiant·e·s internationaux·ales » pour mieux comprendre leur réalité complexe.

Effectivement, l’article montre bien le paradoxe : même après avoir prouvé leur capacité financière, ces étudiant.e.s doivent souvent cumuler plusieurs emplois simplement pour survivre, en raison notamment de la hausse annuelle des frais de scolarité.

Ils.Elles marchent d’ailleurs sur une ligne fine : s’ils.elles dépassent les limites imposées par le ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ils.elles risquent de perdre leur statut, leur permis, voire leur avenir au pays.

Pensons aussi aux étudiant.e.s-parents, qui jonglent entre études, emploi et responsabilités familiales. À l’U d’O, beaucoup manquent de temps, de sommeil et de soutien institutionnel. Malgré la fatigue et la précarité financière, ils.elles persistent pour offrir un meilleur avenir à leurs enfants.

Entre la survie, la performance et la reconnaissance

Alors, pourquoi travaille-t-on vraiment ? Pour survivre, certes. Mais y a-t-il aussi un désir de performance ou de reconnaissance ? Sommes-nous devenu.e.s dépendant.e.s de l’idée de la productivité ?

Rappelez-vous du.de la collègue en début de cette chronique ? Iel admet : « Je peux dire que je suis accro à cette période, mais pas au travail lui-même. » Pour ellui, travailler fort dans ses temps libres, c’est une manière de se sentir utile et prêt.e pour la session suivante.

Je l’avoue moi aussi, rester sans rien faire me met mal à l’aise. Depuis l’enfance, on m’a appris à être constamment occupée : devoirs, exposés, projets… tout pour obtenir de bonnes notes et la reconnaissance des autres. En grandissant, le travail a simplement remplacé les devoirs. La logique veut que plus on travaille, mieux on gagne. Mais à quel prix ?

Et si, demain, on perdait tout ?

Notre emploi, notre stabilité, nos repères ? Cette peur de tout recommencer pousse certain.e.s d’entre nous à travailler encore plus. Je l’ai ressenti moi-même : la peur de l’incertitude après mes études me pousse à multiplier les expériences, à saisir chaque occasion.

Mais parfois, cette énergie cache une autre réalité : la gratitude toxique. C’est ce sentiment de culpabilité quand on se dit : « Je ne devrais pas me plaindre, j’ai de la chance » ou « mon moi du passé rêverait d’être à ma place ». Cette gratitude, aussi noble soit-elle, peut nous empêcher d’admettre notre épuisement. Même le désir incessant de faire plus peut transformer une passion en fardeau.

Le repos, un nouveau privilège

Certes, notre cerveau est « programmé » pour survivre, pas pour prospérer sans repos. Pourtant, se reposer est devenu un privilège à mes yeux. J’ai moi-même connu cette angoisse : « Et si je ne terminais pas tout aujourd’hui ? », « Et si c’est trop tard ? ». Plus j’ai remettais au lendemain, plus la fatigue s’accumulait. Le corps sait néanmoins quand il a besoin d’ une véritable pause. Donc, parfois, le meilleur cadeau qu’on puisse s’offrir, c’est du bien-être.

Prenons ainsi 30 secondes pour respirer : inspirer, puis expirer.

Je ne suis pas experte, et mon intention n’est pas de juger le travail. C’est plutôt de comprendre comment l’apprécier, sans qu’il devienne notre unique objectif dans la vie. Maintenant, à vous d’en juger : travaillons-nous pour survivre, ou par dépendance au rendement ?

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