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VIH/SIDA : La criminalisation est contestée

Web-Rotonde
3 décembre 2012

– Par Philippe Pépin –

Selon deux décisions rendues en octobre dernier par la cour suprême, le fait de ne pas divulguer son statut séropositif est criminel, sauf lorsqu’il y a port du condom et que la charge virale est très faible. Le Comité du SIDA d’Ottawa condamne ces décisions.

Dans ce cadre, le Comité a organisé une projection du court métrage «Positive women» et un forum sur la criminalisation du VIH/SIDA, à la bibliothèque publique d’Ottawa le 28 novembre dernier.

«Positive Women» présente l’histoire de quatre femmes vivant quotidiennement avec le VIH. Le film offre un aperçu de ce que le Comité du SIDA d’Ottawa décrit comme «la vie dans une société qui criminalise trop souvent les comportements intimes entre adultes consentants et discrimine les gens qui vivent avec le VIH».

«Comment la criminalisation du VIH/SIDA affecte-t-elle les personnes qui vivent avec la maladie? La récente décision de la Cour Suprême du Canada […] vient-elle améliorer la situation des porteurs ou l’empirer?» Voilà les deux questions posées à Claudia Medina du PASAN, un groupe qui s’occupe des prisonniers atteints par le VIH/SIDA, et Marilou Gagnon, assistante professeure à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa lors du forum.

Admettre l’inadmissible

 «Avec mon ancien conjoint, j’ai eu, de manière consentante et informée, des relations sexuelles non protégées sur une période de plusieurs années» affirme Claudia Medina, atteinte du VIH depuis 1994. «Ma charge virale était minime, et il n’a jamais contracté la maladie. Mais pour une telle pratique, je risque la prison» s’indigne-t-elle. De fait, en cas de poursuite, il peut être difficile de prouver que la personne séropositive avait effectivement révélé son statut.

De plus, elle explique que la stigmatisation sociale, provenant entre autres de la criminalisation de la transmission du VIH, est une source de tensions sociales énormes, qui résulte souvent en des abus physiques ou psychologiques. Légalement, la transmission du VIH par relation sexuelle non protégée et non déclarée est considérée comme un «viol avec voies de fait graves» et est passible de sentences pénales qui peuvent s’escalader à plusieurs dizaines d’années.

Un combat sur le mauvais front

«La transmission du VIH par relation sexuelles où le porteur est inconscient qu’il porte le virus représente environ 25% du taux de transmission total. C’est la principale source de transmission » amène Marilou Gagnon. Selon elle, la cour suprême fait présentement fausse route en combattant le VIH/SIDA par sa criminalisation. Elle vient apporter une difficulté supplémentaire au porteur: «Non seulement faut-il prendre ses médicaments correctement, mais également se protéger en tout temps afin d’avoir le droit de non divulguer son statut à ses partenaires sexuels. Puis le malade porte seul le fardeau de culpabilité dans la mesure où il ne se médicamente pas correctement, ne se protège pas correctement ou ne déclare pas correctement son statut avant la relation sexuelle», s’attriste Marilou Gagnon. La dernière décision de la Cour Suprême représente, pour elle,un recul des droits des porteurs, qui ne peuvent vraisemblablement pas passer le test établi de possibilité réaliste, malgré la faible charge virale présente en cas de médication appropriée. La paneliste avoue cependant ne pas avoir de formation juridique, se spécialisant plutôt dans le domaine de la santé.

Plusieurs autres organisations ont critiquées les décisions de la cour suprême, dont le Réseau juridique canadien VIH/SIDA. Pour ce-dernier, les jugements soulèvent de nombreuses questions. Par exemple, que se passe-t-il si un condom est utilisé, mais qu’il brise durant la relation? Les mêmes règles s’appliquent-elles dans le cas des relations orales ou anales (puisque les jugements portaient sur des relations vaginales)? Le Réseau donne aussi des conseils aux séropositifs pour éviter les poursuites.

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