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Arts et culture

Bonsoir la muette : Une « toupie folle » de souvenirs

Culture
8 février 2016

Par Marie-Pier Pernice

Courage et humilité sont deux mots qui ne suffisent pas à décrire Bonsoir la muette, premier roman de la professeure titulaire de l’Université d’Ottawa, France Martineau. La plume captivante de l’auteure transporte le lecteur dans le douloureux Vieux-Hull de son enfance, au cœur de souvenirs trop longtemps enfouis.

Martineau, professeure de linguistique, se démarque depuis longtemps à l’échelle internationale grâce à ses travaux de recherche sur la langue française. Bonsoir la muette, publié en janvier 2016, apparait telle une surprise parmi sa fructueuse carrière de chercheuse. Ce difficile roman d’auto-fiction raconte le parcours d’une vie dans la souffrance du silence, des mots tus « par le récit qu’en fait son abuseur qui détient le pouvoir de la parole, qui continue à imprimer dans la mémoire vive de l’abusée sa parole à lui et son récit ».

S’étant enlevée le droit de parole vers l’âge de quatre ans, en guise de protection face aux agressions sexuelles de son père, P., la narratrice explique que son désir de disparaitre s’est plus tard transformé en anorexie, puis en envie suicidaire, étapes chaque fois mésinterprétées par son entourage comme un signe de folie.

Ce n’est pas sans raison que Martineau nomme certains personnages d’une lettre unique. Ces raccourcis transmettent la frustration et la déception de la narratrice, entre autres devant le silence de M., sa mère, qui s’est toujours fermée les yeux faces aux actes horribles qu’a posés P. et, « lorsqu’il [lui] arrive encore aujourd’hui de prononcer le nom Maman, les sons se perdent de façon dérisoire dans le vide ».

Ce lourd récit est parsemé de moments nostalgiques qui respirent de l’espoir d’une vie meilleure. L’auteure s’accroche tant bien que mal à quelques images qui lui rappellent l’innocence de l’enfance : « Le bonheur a le goût légèrement acidulé des framboises, l’odeur chaude et sucrée des tartes que ma grand-mère faisait avec le peu de framboises que nous lui rapportions. »

Ce premier roman se veut un sensible mot d’encouragement aux personnes faisant face à des problèmes de violence ou d’abus sexuels, un appel à la parole où l’abusée peut enfin sortir de la « toupie folle » de ses souvenirs qui continuent de « s’atrophier et [de] s’annihiler en tournant sur ­[eux-mêmes] », même si « la violence est d’abord vécue de façon individuelle, au creux de son être ».

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