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Arts et culture

Vernissage et Performance : Quand l’accumulation compulsive devient une œuvre

Web-Rotonde
18 janvier 2016

Par Myriam Bourdeau-Potvin

C’est littéralement enchaînée à une pile de projets inachevés que Stéphanie St-Jean Aubre assistait au lancement de son exposition au Studio Sixty Six. Ses installations seront visibles jusqu’au 24 janvier prochain.

 La salle principale est occupée d’une part par le bureau de travail de l’artiste ainsi que son « tas » d’œuvres inachevées, d’autre part par un hôtel sacrificiel. Pendant la soirée de vernissage, l’artiste jouait le rôle de prêtresse en invitant les visiteurs à sacrifier un vieux dessin, un manuscrit rejeté, un projet manqué ou tout autre morceau d’art inutile. « Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour réfléchir à nos échecs et apporter notre soutien à ceux qui ont beaucoup… mais qui ont peu », acclame-t-elle à une foule attentive et curieuse.

Chacun avait le choix du marteau d’or, de la lame, de la blanche peinture ou du marqueur sacré pour sacrifier une contribution à l’Un-sold. Parmi les participants, le photographe Jake Morrison s’est avancé devant l’hôtel afin de sacrifier une photographie mal imprimée; il manquait un pouce d’image sur le papier. Toute cette mise en scène, à l’image du reste de l’exposition, était finalement une invitation à laisser-aller le superflu matériel.

Un défi personnel

 « Je pense que les gens accumulent parce que les objets sont pleins de potentiels et deviennent même romantiques, puisqu’ils sont associés à des histoires ou des moments. C’est comme ça qu’on leur accorde une valeur ajoutée, sentimentale », explique l’artiste multidisciplinaire. Quelques-uns de ces projets nouvellement re-terminés étaient affichés et accompagnés d’une feuille vide permettant aux amateurs d’art visuel de faire une offre sous forme d’encan silencieux. Cette exposition est d’ailleurs une façon pour St-Jean Aubre de se confronter à ses biens matériaux, que plusieurs artistes tendent à accumuler avec le temps : « Ce qu’on [les artistes] présente, ce n’est que la pointe de l’iceberg », précise-t-elle.

Une vitrine pour la relève

« Nous sélectionnons minutieusement chaque candidat et ne considérons que les artistes émergents, qui sont dans leurs cinq premières années de carrière », précise Carrie Colton, designer et directrice de la Galerie. Celle-ci admet se reconnaitre dans le travail de Mme St-Jean Aubre : « Les œuvres qui ne sont pas vendues ne sont pas nécessairement mauvaises; elles restent donc en attente, entreposées. Sauf qu’en tant qu’artiste, on doit continuer de créer, continuer de créer… » Le concept de l’exposition se fait avec un esprit d’anti-surconsommation, sans être mélodramatique. Elle explique simplement : « Si jamais on se débarrasse de quelque chose de matériel qui par la suite aurait pu servir, un sentiment de culpabilité naît, associé au rachat de matériel et de notre participation au cercle de consommation. » Son travail, à la fois poétique, satyrique et absurde, aurait selon elle pu être encore plus extrême : « Le geste serait plus fort si j’effaçais tout ce qu’il y a dans ma pile. [Quoique], même si j’effaçais tout, les objets existeraient encore, mais sous une nouvelle forme. Ça me permet de créer à nouveau, sans gaspiller. » Notons tout de même qu’elle est consciente qu’« à la fin de l’expo, je vais quand même devoir tout ressortir… »

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