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Arts et culture

Tourisme autochtone : une voie vers la réconciliation

Hai Huong Le Vu
3 avril 2024

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Direction artistique

Article rédigé par Hai Huong Le Vu — Journaliste

En fin février dernier, l’Association touristique autochtone du Canada (ATAC) a organisé le plus grand congrès du tourisme autochtone au monde. Celui-ci a réuni 1000 délégué.e.s venant de partout sur le globe. Qu’est-ce que le tourisme autochtone, et quel est son avenir au Canada ? La Rotonde fait le point sur le phénomène.

Les objectifs de ce congrès

Sébastien Desnoyers-Picard, vice-président des opérations de l’ATAC, indique que les organisateur.rice.s du congrès souhaitaient favoriser l’apprentissage des expériences autochtones au Canada et à l’étranger. Pour apporter de l’expertise internationale, il mentionne que des spécialistes chilien.ne.s ont été invité.e.s à cette occasion.

Dans le but d’inciter les générations futures à s’impliquer dans cette industrie, le vice-président de l’ATAC révèle que des panélistes étaient présent.e.s au congrès pour parler de l’importance de la jeunesse dans la prise de décision liée au marketing numérique. « La conférence nous [a permis] de regarder l’avenir avec optimisme quant à la croissance et au développement continu des initiatives touristiques autochtones », se réjouit Catherine Callary, vice-présidente au développement de la destination de Tourisme Ottawa et conférencière à ce congrès.

Callary confirme que cet évènement lui a permis de tisser de nouvelles relations professionnelles, et d’approfondir ses liens avec des organisations comme l’ADAAWE, Kitigan Zibi et Pikwakanagan. Pour la conférencière, « c’était impressionnant de voir ce rassemblement de professionnels qui considèrent le tourisme comme un vecteur de réconciliation ».

La place du Canada sur la scène internationale

Laurence Delpérié, secrétaire du Centre d’études canadiennes de Grenoble (CECG), constate que ce secteur est entièrement géré par les communautés métisses, inuites et des Premières Nations. Elle les décrit comme des « maîtresses de leur représentation culturelle ». D’après l’experte, il s’agit d’une identité « distinctive et concurrentielle » du Canada sur le marché touristique mondial.

Delpérié explique que la réalité dans d’autres pays diffère. Selon elle, l’Europe connaît le tourisme « indianophile », pris en charge par des personnes non autochtones. Cette pratique renvoie à l’appropriation culturelle et à la folklorisation des traditions de ces peuples, développe-t-elle.

Le vice-président de l’ATAC met en lumière un enjeu pour l’industrie. Selon des recherches réalisées par Destination Canada, le public pense à l’Australie — et non le Canada — comme destination des expériences autochtones de leur choix, observe-t-il. À son avis, c’est à cause du « génocide culturel » que les dirigeant.e.s canadien.ne.s ont effectué pendant des siècles.

Desnoyers-Picard déplore que le gouvernement fédéral n’investisse pas davantage dans la promotion de ce secteur auprès d’autres pays, malgré une croissance « fulgurante » du nombre de visiteur.euse.s. Il appelle les leaders nationaux à accroître la sensibilisation de ce domaine dans le monde entier.

Entre célébration culturelle et avancement social

Le tourisme autochtone est une initiative socioéconomique et culturelle permettant aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuit d’améliorer leurs conditions matérielles, explique Delpérié. L’experte continue en démontrant que cette industrie a offert à ces peuples la possibilité de renégocier leur rapport avec l’État.

C’est aussi un instrument redéfinissant les Autochtones en tant que partenaires économiques légitimes, poursuit-elle. Cette dernière conclut que ce progrès leur donne la possibilité d’avancer vers l’autosuffisance, notamment dans le cadre de la réconciliation et de la décolonisation. Desnoyers-Picard ajoute que l’industrie a aidé ces personnes à se reconnecter avec leur territoire.

Delpérié témoigne que ce secteur encourage la création d’emplois pour les populations autochtones. Desnoyers-Picard révèle que celui-ci a pu soutenir des artistes, des artisan.ne.s et des agriculteur.rice.s métis, inuits et des Premières Nations. Il avance que cette variété professionnelle permet d’offrir des moments « multisensoriels » et « uniques » pour les visiteur.euse.s.

Delpérié croit que les expériences autochtones ont gagné en importance aux yeux des gouvernements provinciaux et fédéraux avec les années. Au Québec, le ministère du Tourisme appuie financièrement les initiatives touristiques autochtones. En Ontario, le gouvernement subventionne depuis 2018 1,65 million de dollars à Indigenous Tourism Ontario, afin de créer plus d’emplois dans les communautés autochtones et attirer davantage de visiteur.euse.s dans ce secteur.

En 2022, le gouvernement canadien a décidé d’octroyer 20 millions de dollars envers cette industrie pour mettre la réconciliation en action. Ce fonds est géré par l’ATAC, dans le but de le redistribuer en plusieurs sommes à des petites entreprises faisant partie de ce domaine. La ministre fédérale du Tourisme, Soraya Martinez Ferrada, a affirmé que la croissance de ce secteur correspondait à une de ses priorités.

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