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Arts et culture

Affronter un colonialisme ancré dans la société

Culture
13 mars 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe du pupitre Arts et culture

L’histoire du Canada est généralement abordée sous l’angle de l’arrivée des Européen.ne.s en Amérique du Nord, ignorant souvent la question des peuples déjà présents sur le territoire. Fondé sur l’inégalité et la discrimination, le système actuel du pays continue d’opprimer des générations d’Autochtones. Il existe néanmoins des façons de combattre ce phénomène, au nom d’une société plus juste pour tou.te.s.

Nawel Hamidi, professeure à temps partiel à l’Université St-Paul, définit le colonialisme comme « un système qui vise l’appropriation des territoires et des ressources ». Elle explique que, comme dans le cas du Canada, il est généralement. violemment mis en œuvre par l’intermédiaire du militarisme, de l’appropriation des leviers économiques du territoire, de l’adoption de lois pour contrôler les colonisé.e.s, et de l’imposition d’une nouvelle spiritualité. « Le but est de déposséder les gens de leur territoire, et de leur dignité aussi », renchérit-elle.

Enjeux d’actualité

Polsia Carrozza, membre du Gouvernement des étudiant.e.s autochtones en droit de l’Université d’Ottawa (U d’O), signale que la plupart des Canadien.ne.s considèrent à tort le colonialisme comme un événement exclusivement passé. Pourtant, Jason Tremblay, également membre du Gouvernement, souligne qu’il est plus insidieux, mais toujours présent dans le système actuel, car il se cache dans les lois du pays. 

Il existe en effet de nombreux enjeux qui ravagent les communautés autochtones dont l’origine relève de domination persistante, soulignent les deux intervenant.e.s. Carrozza évoque notamment la crise des femmes et filles autochtones disparues et assassinées qui a été qualifiée de « génocide ». Elle remarque que des actions concrètes pour contrecarrer cette crise sont toujours attendues de la part du gouvernement fédéral.

Tremblay souligne quant à lui les problèmes liés à l’accès aux produits de première nécessité pour de nombreuses communautés autochtones, tels qu’une source constante de nourriture, de revenus, d’électricité et d’eau. « Elles sont obligées d’aller en cour pour demander au gouvernement “s’il vous plaît, donnez-nous un verre d’eau” », témoigne-t-il. 

Vers la Réconciliation

Plusieurs atrocités ont été commises à l’égard des peuples autochtones, les gardien.ne.s traditionnel.le.s de la terre, à travers l’histoire du Canada. Le système de pensionnats en est un exemple : ces établissements assimilaient les enfants autochtones en leur faisant adopter des valeurs et des normes européennes. Afin de reconnaître les injustices subies par les peuples autochtones, la Commission de vérité et de réconciliation a été mise en place dès 2007. Celle-ci avait pour but de documenter l’histoire et l’impact du système des écoles de jour, et de proposer des actions pour favoriser la Réconciliation entre les Canadien.ne.s et les Autochtones. 

Pierrot Ross-Tremblay, professeur des traditions des premiers peuples à l’institut des recherches et d’études autochtones de l’U d’O, soutient cependant que de telles commissions sont des outils de l’État pour « noyer le poisson ». Il affirme qu’elles sont une forme de stimulation de justice, qui crée l’illusion de l’État bienveillant. Selon lui, quand un peuple est opprimé, ce n’est pas l’oppresseur qui va sauver le peuple ; le peuple autochtone doit se libérer lui-même par la solidarité et l’unification des efforts entrepris pour contrer la violence coloniale.

Le professeur poursuit en soulignant que les commissions d’État ont des effets positifs, comme la collecte d’un grand nombre d’informations, mais celles-ci demeurent peu exploitées à ses yeux. Il déplore également le comportement contradictoire du gouvernement canadien qui souhaite la Réconciliation, mais considère toujours la résistance autochtone comme une menace pour la sécurité nationale. « C’est comme dans le sang du Canada de voir les peuples autochtones comme une maladie, comme une menace […]. Il y a plusieurs stratagèmes en œuvre pour chercher à tuer la résistance », soulève-t-il. 

Écoute et revalorisation

Pour s’engager contre le colonialisme, il faut entamer un processus de décolonisation qui commence à un très jeune âge en abordant le racisme, affirme Ross-Tremblay. Il enchaîne en évoquant l’importance d’écouter les gens opprimés, les aîné.e.s autochtones, les sages, et les récits autochtones, qui sont témoin de la richesse des savoirs et des cultures autochtones qui a été invisibilisée par les forces colonisatrices.

Comme le notent les deux étudiant.e.s autochtones en droit, il existe des traditions juridiques autochtones fondées sur les relations et la façon de vivre. « Ce sont vraiment des principes de vie qui sont codifiés dans les histoires, dans les enseignements et dans la langue. Ces traditions permettent un fonctionnement social », explique Tremblay. Pour lui, l’écoute encourage la remise en question des notions préconçues que les Canadien.ne.s tiennent à propos des autochtones. 

Finalement, une dimension indispensable de la résistance contre le colonialisme est celle de l’action. Selon Ross-Tremblay, il faut agir suite à l’écoute et soutenir celles et ceux qui luttent sur le terrain. Que ce soit pour défendre le territoire, les enfants ou encore pour manifester contre la violence coloniale, trouver des moyens pour soutenir les luttes autochtones est primordial pour être solidaire.  

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