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Éditorial

La connaissance scientifique, méprisée par le gouvernement

Web-Rotonde
18 mars 2013

– Le Comité éditorial de La Rotonde – 

Les découvertes scientifiques nous entourent. Elles font partie de notre quotidien sans même que nous en prenions conscience. Les sciences ont, au fil des années, guidé l’évolution de nos moyens communications, nos modes de déplacement, nos sources de divertissements, nos méthodes d’apprentissage, nos repas et nos choix de société. De l’ordinateur à la voiture, en passant par la carte à puce, la science et les avancées scientifiques jouent un rôle considérable dans notre société.

Comme société, nous consacrons énormément de temps, d’argent et d’énergie au développement scientifique. Ce travail de recherche se fait principalement dans les universités. À titre d’exemple, ici, à l’Université d’Ottawa (U d’O), l’administration aura dépensé la somme de 129 794 millions de dollars après l’année scolaire 2012-2013.

Le gouvernement Harper, hostile à la communauté scientifique

Cette semaine encore, le gouvernement conservateur de Stephen Harper essuyait une énième critique de la part de la communauté scientifique. Cette fois-ci, c’est en raison du nouveau projet de politique nationale qui autoriserait la présence de faibles quantités d’organismes génétiquement modifiées dans les importations alimentaires. Pour des raisons purement économiques, le gouvernement fédéral veut permettre l’importation d’aliments contenant des OGM non approuvés par Santé Canada pour la consommation humaine. Le Canada serait le premier pays qui, malgré l’avis contraire de sa propre agence de santé, accepterait la présence de faibles quantités de cultures génétiquement modifiées. Comme nous l’avons constaté à maintes reprises depuis 2006, les conservateurs font fi des preuves scientifiques au nom de l’économie.

Le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB), qui a pour but de « promouvoir la souveraineté alimentaire et la prise de décision démocratique dans les sciences et technologies afin de préserver l’intégrité de l’environnement, de la santé, de l’alimentation et des moyens de subsistance au Canada et partout dans le monde », dénonce cette décision du gouvernement Harper qui ne s’appuie saucune étude scientifique pour justifier sa décision.

Le RCAB soutient même que la présence d’OGM dans les aliments pourrait s’avérer néfaste pour la santé des humains, en s’appuyant sur les résultats très médiatisés de la recherche du professeur Gilles-Éric Séralini de l’Université de Caen Basse-Normandie. Ses travaux révèlent en effet que le maïs génétiquement modifié NK603, de la compagnie Monsanto, aurait des effets désastreux sur la santé des rats. Les conclusions de la recherche affirment notamment que les rats ayant mangé du maïs génétiquement modifié seraient plus enclins à développer des cancers et des tumeurs et mourraient plus tôt.

Toutefois, l’étude suscite beaucoup de controverse, notamment parce que l’échantillon de rats serait trop faible pour permettre d’en tirer des conclusions généralisables mais également parce que la souche de rats utilisés est réputée pour développer des cancers mammaires. Les recherches scientifiques – et c’est aussi ce qui assure leur qualité – sont toujours sujettes au débat et à la critique et celle du Pr Séralini ne fait pas exception.

Le gouvernement a un devoir de prudence

Malgré tout, le gouvernement Harper a le devoir d’être prudent et diligent par rapport à la santé et la sécurité des Canadiens. Bien que l’étude du Pr Séralini soit controversée, et peut-être même inexacte, l’épineux sujet que sont les OGM ne doit pas être balayé du revers de la main, sans aucune justification, comme le font les conservateurs.

Ce genre de procédure maladroite et hasardeuse n’est pas étrangère au gouvernement de droite canadien. Si bien que le torchon brûle entre les chercheurs scientifiques canadiens, en témoigne le rassemblement d’étudiants et de professeurs universitaires en juillet dernier devant la Colline parlementaire pour dénoncer la « Mort de la preuve scientifique ». L’idée vient d’une ancienne étudiante de l’U d’O qui voulait agir contre la censure à l’endroit de la communauté scientifique au Canada. De plus, en janvier dernier, l’organisme à but non-lucratif et non-partisan « Évidence pour la démocratie », qui vise à « suivre les décisions politiques et [à] vérifier si elles sont basées sur des évidences scientifiques ou non », a été lancé pour faire pression auprès du gouvernement (lire en p. 4).

Une question de pédagogie scientifique

Si le gouvernement conservateur ne justifie pas ses décisions politiques en s’appuyant sur des recherches scientifiques, c’est aussi parce que les Canadiens sont très peu informés des avancées scientifiques. À défaut d’avoir un gouvernement soucieux du bien-fondé de ses décisions, il est nécessaire d’informer les citoyens canadiens sur les recherches scientifiques afin qu’ils puissent porter un jugement éclairé sur les choix du gouvernement conservateur.

L’initiative Health ID Santé (voir p. 5), qui s’inspire des conférences TEDTalks, est un projet concret et novateur de diffusion des connaissances scientifiques. Dans le cadre du cours « Perspectives sociopolitiques et économiques de la santé » de la Faculté des sciences de la santé de l’U d’O, les étudiants sont amenés à produire une vidéo qui traite d’un enjeu en lien avec la santé. Les vidéos, de trois à cinq minutes, sont ensuite mises en ligne sur la plateforme YouTube afin d’en ouvrir l’accès à tous.

Le concours « Votre soutenance en 180 secondes », organisé par l’Association francophone pour le savoir, demande pour sa part aux participants de vulgariser et de synthétiser leur thèse de maîtrise ou de doctorat en trois minutes, constituant un autre moyen d’assurer une meilleure pédagogie scientifique.

Les connaissances scientifiques concernent l’ensemble de la population et devraient être utilisées à bon escient par la classe politique. Le gouvernement conservateur doit cesser de faire la sourde oreille et enfin prendre en considération les conclusions de la communauté scientifique. Il sera alors en mesure de justifier ses décisions pour le bien-être et la santé des Canadiens, et non pas selon des intérêts économiques.

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