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Éditorial

Absence d’égalité et de justice au Canada

Rédaction
11 mars 2019

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

« J’ai un vaisseau à ajouter à la flotte de cette année si nécessaire […] ! » peut-on lire dans une publication faite dans le groupe Facebook de l’initiative Drag The Red. Plus loin sur la page, plusieurs demandent quand les activités reprendront. « C’est en avril », leur répond-on. Il faut savoir qu’en hiver, il est plus compliqué de naviguer sur la rivière Rouge. C’est aussi plus difficile d’y retrouver les corps.

C’est l’objectif du groupe, retrouver les restes des personnes qui ont comme cimetière le couloir qui traverse la capitale du Manitoba. Ce qui a poussé des citoyens à entreprendre cette initiative ? La découverte de Tina Fontaine le 17 août 2014 qui a poussé des citoyens à entreprendre cette initiative. Elle était portée disparue depuis déjà huit jours lorsqu’on a découvert ses restes enveloppés dans une couverture.

La jeune autochtone avait 15 ans.

Constats alarmants

« Tous les deux jours et demi ». C’est la fréquence à laquelle une fille ou une femme a été assassinée au Canada en 2018 d’après l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation. Selon le même rapport, bien que les femmes autochtones ne constituent que 5% de la population, elles représentent 36% des filles et femmes assassinées.

Une étude par l’Institut Brookings évalue que le taux de mortalité des femmes autochtones est 4 fois plus élevé que la moyenne pour les femmes au Canada. Le taux de mortalité des femmes entre 15 et 19 ans sur les réserves est cinq fois supérieur à la moyenne nationale. Les auteurs de l’étude ajoutent que depuis une trentaine d’années, « ces taux ne se sont pas améliorés de manière substantielle pour les filles autochtones vivant sur les réserves ».

« Les droits des femmes sont des droits humains », avait déclaré la ministre Freeland le 6 août 2018.

Le 17 janvier 2019, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a statué que la Loi sur les Indiens enfreint les obligations internationales du Canada en créant une discrimination fondée sur le genre. Plus précisément, elle discrimine au niveau de la transmission du statut d’Indien. Les cas de Sharon McIvor en Colombie-Britannique et de Stéphane Descheneaux au Québec mettent en lumière la transmission inéquitable. Dans les deux, une femme autochtone ayant épousé un homme non-inscrit au Registre des Indiens a perdu son statut, empêchant ainsi l’inscription de ses enfants et petits-enfants au Registre.

Dr Pamela Palmater explique dans un billet l’intention derrière le ciblage des femmes autochtones par la Loi sur les Indiens : éliminer et assimiler les peuples autochtones. C’est d’ailleurs ce colonialisme qui a mené à des stérilisations extensives forcées ou contraintes de femmes autochtones. Des incidents de cette nature se seraient d’ailleurs produits en 2017 en Saskatchewan. Le Comité des Nations Unies contre la torture a d’ailleurs sermonné le Canada en décembre 2018.

Aller de l’avant

Le meurtre de Tina Fontaine avait fait la une nationale. Plusieurs considèrent cet événement comme étant ce qui a mené à la mise en place de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Mais encore faut-il que justice soit rendue.

Dans son cas, un homme – Raymond Cormier – a été accusé du meurtre au second degré. La Couronne avait présenté un dossier qui se fondait sur l’infiltration policière – Projet Styx – qui a produit des enregistrements sonores de l’accusé où l’accusé semblait reconnaître sa culpabilité.

Après trois semaines, les jurés l’ont déclaré non-coupable.

Une vague de colère avait alors déferlé. On accusait le système de justice d’avoir failli à sa tâche, d’avoir trahi Tina. La confiance envers ces institutions a été fortement ébranlée.

Un manque de confiance envers les autorités, c’est un autre facteur qui a mené à la mise en place de Drag The Red. La police ne voulait pas sonder les bords et le fond de la rivière Rouge pour trouver des corps. Les bénévoles ont alors décidé d’y aller, à pied et en bateau.

Le Canada est encore critiqué pour son manque d’initiative. Il l’est depuis longtemps et il l’est toujours.

Dans le dossier Fontaine, la majorité des analystes estiment que d’un point de vue légal, Cormier a obtenu le résultat attendu. Mais la loi et la justice ne sont pas des synonymes, bien que ce soit l’idéal. Cette justice, Tina Fontaine ne l’a pas eue.

Cette justice, des milliers de filles et femmes autochtones ne l’ont toujours pas.

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