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Allégations d’environnement toxique et de mauvaises pratiques d’embauche

Rédaction
12 novembre 2018

Photo Emilie Azevedo 

 

Enquête

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Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

Les allégations de mauvaise gestion financière ont dominé les discours des derniers mois entourant la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO). Toutefois, mentionnées de manière discrète dans certains communiqués, des questions liées à la gestion interne de la Fédération soulèvent d’autres interrogations. La Rotonde a fait l’enquête sur le sujet, mettant l’accent sur le milieu de travail interne de la FÉUO.

Dans cette perspective, des témoignages provenant d’un nombre raisonnable d’employés – passés et actuels – de l’organisation furent obtenus. Le terme employé est utilisé dans le présent article pour inclure des individus présentement à l’emploi de la FÉUO, ou qui l’ont déjà été. Ces individus ont choisi de partager leurs expériences en conservant l’anonymat et, par conséquent, l’usage du féminin et du masculin sera utilisé de manière alternée. La Rotonde a toutefois confirmé en privé l’identité de ces personnes ainsi que leur affiliation professionnelle – présente ou passée – avec la FÉUO.

« Environnement de travail toxique ». C’est l’expression qui est systématiquement présente dans les témoignages obtenus par La Rotonde pour qualifier l’expérience de ces employés au sein de la FÉUO. « J’ai été intimidé par des membres de l’administration et rien n’a été fait à ce sujet », a confié l’une de ces personnes. Une autre raconte que « [p]lusieurs collègues ont été renvoyés, d’autres ont préféré démissionner avant d’être renvoyés ou pour éviter le bullying ».

Plusieurs expliquent avoir été victimes d’intimidation par des personnes haut placées dans l’administration du syndicat étudiant. Selon eux, cette intimidation prendrait plusieurs formes : être pris à parti dans leur bureau, confronté sans leurs représentants syndicaux, abus de pouvoir et peur de représailles.

« Certains employés ne se sentent pas en sécurité dans leur propre lieu de travail », décrit une employée. Cette dernière n’est pas la seule à se sentir comme ça. Un nombre substantiel d’employés ont cosigné une lettre mettant sur papier ces allégations. Malgré qu’elle n’ait pas été diffusée, La Rotonde a eu accès au document et peut confirmer son authenticité.

En entrevue sur le sujet, Paige Booth, présidente par intérim de la FÉUO, a affirmé ne pas être au courant de ces allégations. « Je suis choquée et triste », affirme-t-elle. « Je ne comprends pas pourquoi il y a autant de personnes qui disent cela ».

Des individus visés

Certains noms ont été mentionnés à de maintes reprises dans les témoignages. En effet, Vanessa Dorimain, directrice exécutive, ainsi que Pamela Bader, coordinatrice des services, seraient parmi les instigatrices principales de cet environnement toxique. « Les mesures disciplinaires imposées par Vanessa ne semblent pas être appliquées de manière égale ; certains employés bénéficient d’un favoritisme et de passe-droits alors que d’autres sont assujettis à des règles strictes », témoigne un employé. Plusieurs pointent Bader du doigt pour avoir fait de « l’intimidation » ainsi que d’avoir « une approche irrespectueuse » de certains membres du personnel.

Interrogée à ce sujet, Booth indique qu’il y a « parfois des conflits entre les employés dans les services » mais qu’à la FÉUO, « [il n’y a aucune] tolérance sur l’intimidation ou le harcèlement ». Dorimain et Bader n’ont quant à elles pas fait suite aux demandes d’entrevue de La Rotonde.

« Il y a deux manières pour [que nos employés] soumettent des plaintes : le superviseur de performance de notre département de ressources humaines ou au syndicat », explique Booth. Toutefois, les employés interrogés remettent en question l’indépendance de ces mécanismes. « Les changements au sein de la gouvernance de la FÉUO ont complètement centralisé le pouvoir relié aux ressources humaines entre les mains de Vanessa Dorimain », justifie l’un d’eux.

Certains des employés seraient allés porter plainte auprès de l’Université directement ainsi qu’au Service de protection, citant comme raison leur manque de confiance dans le système féuosien. Pour sa part, Booth a indiqué « [qu’]on n’a pas reçu de plaintes ».

L’Université d’Ottawa n’a pas voulu confirmer avoir rencontré des employés de la FÉUO sur ce sujet, précisant que toute rencontre de cette nature serait confidentielle.

Les communiqués émis par l’administration pointent toutefois vers une connaissance d’allégations allant au-delà de celles touchant la gestion financière. « [L’]Université a été mise au courant d’autres allégations de gouvernance inadéquate, de mauvaise gestion, de conflits internes et d’inconduite au travail au sein de la FÉUO », peut-on lire dans le communiqué émis par l’Université le 24 septembre dernier annonçant la résiliation de son entente avec la FÉUO.

Le 8 novembre, dans un communiqué faisant le point sur la résiliation, l’administration se répète : « L’Université a perdu confiance en la FÉUO après avoir été mise au courant de mauvaise gestion financière, de conflits internes et d’inconduite au travail au sein de la Fédération ».

Cette reconnaissance tacite de l’Université de sa connaissance de certaines allégations portant sur le milieu de travail est d’autant plus accentuée par la lettre signée par le comité des représentants étudiants du Bureau des gouverneurs et du Sénat. « Étant donné que […] des plaintes officielles de harcèlement et de mauvaise gestion ont été déposées par des employés de la FÉUO à l’Université », écrivent-ils, « […] aucun compromis ne devrait être fait lorsque les allégations […] de harcèlement et de mauvaise gestion ne font pas l’objet de réponses adéquates ».

Ce n’est pas la première fois que des allégations d’environnement toxique entachent l’image de la FÉUO. Rien que l’an dernier, un article publié par The Fulcrum démontrait que des employés ont indiqué que « des cas d’intimidation ont mené à un environnement de travail toxique ». Approché par La Rotonde suite au dévoilement de sa déposition auprès du service de police d’Ottawa, Hadi Wess, ancien président de la Fédération de 2017-2018, a confié que cet environnement existait lorsqu’il y était. « La fin de mon mandat à la FÉUO s’est déroulée dans une atmosphère toxique. Lors de désaccords avec certains de mes collègues du comité exécutif, j’ai subi de l’intimidation », a-t-il témoigné.

Pratiques d’embauche contestées

Parmi les témoignages obtenus, plusieurs remettent aussi en question certaines pratiques liées au processus d’embauche des employés. « C’est une clique de personnes qui cherchent à embaucher leurs amis », en qualifie un employé. Une de ses collègues ajoute qu’il y a de la difficulté au sein de l’administration de la FÉUO à faire une différence entre le personnel et le professionnel.

Booth réfute toutefois ces déclarations en expliquant « [qu’on] favorise d’abord les employés à l’interne, car ils sont syndiqués ». D’après elle, les embauches respectent les processus tel que prescrit dans la convention collective des employés de la FÉUO.

Les employés ayant approché La Rotonde contestent la véracité de cette affirmation. Selon eux, la section 13.1 de la Convention de la section locale 4943 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) concernant l’affichage des postes est bafouée. « La convention collective est souvent ignorée », va jusqu’à dire l’une des employées.

Mais pourquoi ces violations ne sont-elles pas dénoncées par le syndicat ? Selon certains employés, des amis de personnes en poste dans la haute gestion de la FÉUO ont été élus parmi l’exécutif du SCFP 4943, ce qui a soulevé chez eux des doutes quant à la représentation adéquate de leurs intérêts. « [L]e Comité exécutif du SCFP 4943 a refusé de représenter des employés avec une cause légitime pour des motifs frivoles ou discriminatoires », raconte un employé. « Le SCFP national a dû intervenir et mettre le syndicat sous tutelle ».

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