Inscrire un terme

Retour
Éditorial

Assainir les conditions des assistants

Web-Rotonde
28 janvier 2014

Illustration : Nicholas DuBois

 

 

 

 

 

 

– Par Ghassen Athmni –

Le Syndicat des étudiants employés de l’Université d’Ottawa, section 2626 du Syndicat canadien de la fonction publique, est présentement en plein processus de négociation avec leur employeur. Jusqu’ici, les pourparlers ne semblent pas avoir donné de résultats satisfaisants les deux parties. Ce n’est guère étonnant au vu des différents points abordés lors de ce processus. Cette multiplicité découle entre autres des carences en organisation et en régulation que connait l’assistanat à l’université en général. Les professeurs assistants (communément connus sous le nom de TA), et bien qu’on présente toujours leur position comme très enviable, peuvent éprouver beaucoup de difficultés directement liées à l’exercice de leurs fonctions.

Un rôle de l’ombre

Que ce soit à Ottawa ou ailleurs, une imposante partie du travail universitaire incombe à des étudiants ou à des contractuels. Ces deux catégories représentent des économies importantes pour les employeurs que sont devenues les universités, en cette ère de course au plus haut budget et au meilleur classement.
La position de professeur assistant dépend souvent du statut étudiant et constitue par conséquent une situation assez précaire pour ceux qui l’occupent, d’autant plus qu’avec la très forte rotation et le peu d’égard qu’on lui accorde dans le monde du travail, les élans sociaux, bien que cette tendance soit balancée par plusieurs facteurs liés à l’éducation, sont difficiles à maintenir dans une telle profession. Pourtant, les TA ont de vrais soucis, ne serait-ce qu’au niveau de leurs salaires, qui n’augmentent que de trop peu (le trop peu recommandé par l’État et le comptable) en comparaison à la hausse des prix, en particulier les prix de leur propre scolarité. Pour couronner le tout, ils ne sont payés que pour dix heures par semaine alors que les tâches auxquelles on les assigne en demandent bien plus.
Cependant, le travail effectué par ces employés non-permanents passe inaperçu, à tel point que les membres de la section équivalente à l’Université Carleton ont commencé à mentionner que c’était des membres de CUPE 4600 (nom de leur section) qui ont corrigé et noté les travaux des étudiants. Selon la journaliste Christian Turner du site d’informations rabble.ca, ce même procédé est utilisé à l’Université Simon Fraser et pourrait être bientôt adopté à l’Université de la Colombie-Britannique, ce qui démontre que les assistants se sentent marginalisés, voire lésés, et sont en quête de reconnaissance. Les étudiants déplorent aussi, à juste titre, le manque de transparence en ce qui concerne l’embauche et les disparités entre certains champs d’enseignements et d’autres en termes d’effectifs, ce qui fait que des doctorants peuvent peinés à trouver des postes alors qu’il arrive à des bacheliers à se charger de cours de quatrième année.

Les pratiques d’une industrie

Il est facile de rétorquer que ceux qui occupent ces positions sont enviés, qu’il peut s’agir d’aubaines garantissant une bonne carrière et que c’est préférable à la grande majorité des emplois disponibles sur le marché. Bien que toutes ces considérations ne se vérifient pas forcément dans la réalité, il ne s’agit pas de la question à laquelle s’attaque ce billet. Il s’agit plutôt du fait que l’université reproduit, certes à un moindre degré et à une moindre échelle, ce qui se passe dans les plus viles industries, et ce à travers ce schème implacable, ces sacro-saintes règles du marché du travail, celles qui disent qu’il faut faire baver les bleus, qu’il faut profiter du travail précaire, qu’il faut se tuer au travail pour mériter, plusieurs années après, la liberté de ne pas foutre grand-chose, d’être aigri et cynique et de profiter du statu quo, juste parce que ses années ont été consumées par un trop plein de production à accomplir.
Ce schéma, hélas indiscutable dans les grandes industries, ne devrait pas être aussi contraignant et consumant à l’université (qui est effectivement une grande industrie en Amérique du Nord), vu que c’est en se permettant de telles pratiques qu’elle continue de perdre son essence, celle d’une institution, publique de surcroît, dont le but premier est la formation et l’épanouissement de la jeunesse.
C’est du recours à ces méthodes que résulte le chaos dont se plaignent les syndiqués, à l’Université d’Ottawa et ailleurs, et les amène à contester la précarité de leur situation professionnelle. Dès lors, il est élémentaire de déduire que ces pratiques généreront toujours un mécontentement et ce n’est qu’en améliorant la manière dont l’institution se comporte avec ses employés que ces derniers pourront retrouver un minimum de conditions favorables au bon déroulement de leurs études supérieures.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire