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Changement historique à la Cour suprême du Canada

Marina Toure
30 septembre 2022

Crédit visuel : Cour suprême du Canada – Courtoisie 

Article rédigé par Marina Touré – Cheffe du pupitre Actualités

Depuis le 1er septembre, l’honorable juge Michelle O’Bonsawin a rejoint la Cour suprême du Canada. Elle vient compléter la Cour après le départ du juge Michael J. Moldaver. C’est une décision historique : en près de 150 ans d’existence, la plus haute Cour de justice du pays n’avait jamais eu de juge autochtone. Est-ce un signe que le système judiciaire canadien tente de satisfaire les exigences en matière de diversité ?

Polsia Carrozza, membre de la Gouvernance des étudiantes et étudiants autochtones en droit et étudiante en Common Law à l’Université d’Ottawa (U d’O), confie : «j’ai pleuré immédiatement quand j’ai vu la nouvelle ». La doyenne de la faculté de Droit civil de l’U d’O, Marie-Eve Sylvestre, poursuit : «en plus d’être un moment historique, c’est une excellente nomination […], elle est extrêmement bien préparée pour siéger à la Cour suprême du Canada».

Processus de nomination complexe

Le processus de nomination à la Cour suprême comporte plusieurs étapes. Tout d’abord, les candidat.e.s doivent remplir un formulaire de mise en candidature. Il.elle.s doivent avoir été juge d’une Cour Supérieure provinciale et membre du Barreau en tant qu’avocat.e depuis au moins 10 ans. À la suite de la soumission du formulaire, les candidatures sont étudiées par un comité mis en place par le ministère de la Justice. Ce comité est composé de plusieurs représentant.e.s, qui cette année, dans un souci de diversité selon Sylvestre, comprenait deux personnes autochtones. Les membres du comité soumettent ensuite plusieurs candidat.e.s au ministre de la Justice, qui prend la décision définitive après avoir considéré plusieurs critères.

La personne recommandée par le ministre doit ensuite comparaître devant les parlementaires et répondre à une série de questions. C’est à la suite de ce processus que la juge O’Bonsawin fut confirmée et assermentée comme juge de la Cour suprême.   Sylvestre explique qu’il y a environ 10 à 15 critères à remplir. Parmi ces derniers figurent l’excellent jugement, les compétences professionnelles, l’expérience de la juge, ou encore ses compétences en droit. Selon Sylvestre, la juge O’Bonsawin les remplissait tous.

Le critère du bilinguisme n’est pas non plus à négliger : avec l’arrivée de la juge O’Bonsawin, les juges à la Cour suprême sont tou.te.s maintenant bilingues, mentionne Sylvestre. Selon Carrozza, la nouvelle juge pourra apporter une perspective importante dans les dossiers criminels, sur les questions de santé mentale et tout ce qui concerne les peuples autochtones. 

Bilan mitigé

Pour Sylvestre, ce manquement de juges autochtones vient du passé colonial du Canada. Elle explique que les personnes autochtones n’ont pas eu accès à l’éducation supérieure permettant une carrière dans le droit.

Il faut également prendre en compte le fait que le système de justice soit «imposé» aux communautés autochtones, selon les mots de Sylvestre. Elle explique que ce système a été pensé contre elles. Il existe donc un rapport complexe entre le système de justice et les peuples autochtones, qui demande que ces derniers se «réapproprient le système», ajoute-t-elle.

Carrozza continue : «c’est vraiment important d’avoir des juges autochtones dans les Cours criminelles, de droit de la famille, etc». D’après elle, il est essentiel que le système de justice au complet se diversifie et compte plus de voix autochtones à plusieurs niveaux.

Système de justice plus inclusif

Carrozza et Sylvestre restent tout du moins incertaines : est-ce que le système pourra changer drastiquement grâce à la nomination de la nouvelle juge O’Bonsawin ? Elles énoncent toutes deux qu’«elle n’est qu’une juge parmi neuf». Cependant, Sylvestre pense que cela envoie un signal que le système de justice doit évoluer.

Sylvestre déclare en effet que des changements sont en train d’être mis en place pour rendre le système plus inclusif. À l’échelle de l’Université, elle note la création de certificats en droit autochtone, ainsi qu’un effort pour offrir un corps professoral diversifié qui ressemble à la population étudiante. Selon Carrozza, «une partie de la réconciliation est d’avoir les mêmes opportunités d’étudier le droit et de devenir juge à la Cour suprême». Elle affirme qu’il sera intéressant de voir le prochain jugement de la Cour suprême sur le traité Robinson-Huron, qui porte sur des questions essentielles pour les communautés autochtones.

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