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Colonialisme vert : Quel monde est protégé, par qui et pour qui ?

Dawson Couture
5 janvier 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Chronique rédigée par Dawson Couture – Journaliste

« Ceux.celles qui détruisent sont aussi ceux.celles qui protègent », énonce Guillaume Blanc, auteur du livre L’invention du colonialisme vert, lors de son discours à la troisième édition de « À l’École de l’Anthropocène ». Sous prétexte de protéger la faune et la flore, les pratiques de conservation punissent les populations les plus vulnérables tout en soutenant les entreprises et les pays les plus polluants.

Depuis le dernier siècle, des gouvernements et des organisations de conservation de la nature, tels que le World Wildlife Fund (WWF) et le World Conservation Strategy (WCS), mènent des campagnes d’accaparement de terres autochtones au nom de l’écologie et de la lutte contre les changements climatiques. Il faut s’arrêter et se demander pourquoi nous avons recours à des organisations de conversation si les peuples autochtones ont le savoir-faire et les antécédents relatifs à la protection de la planète.

En effet, les organisations qui mettent en place et gèrent les aires protégées ont leurs origines dans l’ère coloniale. Ainsi, comme le souligne Martin Léna, chargé de plaidoyer pour Survival International, la conservation est un moyen d’assurer la continuité du monopole européen sur les territoires nouvellement indépendants. C’est ce que Blanc a surnommé le « colonialisme vert », soit une nouvelle justification à saveur écologique pour la domination et l’exploitation de peuples racisés, maintenue par le fantasme d’une Afrique ou d’une Asie sauvage et vierge qui doit être protégée à tout prix des populations locales.

On appelle aussi « conservation forteresse » la pratique coloniale qui préconise la protection de la nature contre les populations locales pour le bienfait et la conscience des individus et des entreprises dans la limite nord. Le résultat d’une telle politique est la criminalisation des peuples autochtones pour leurs activités traditionnelles de chasse, d’élevage et d’agriculture. Ces derniers, souligne Léna, sont expulsés de leurs terres et sont victimes d’abus physiques, sexuels et même de meurtres auprès des écogardes au nom de la protection des espaces protégés. 

La logique interne de la conservation

Le corollaire de cette mentalité désuète est la quête incessante d’accumulation de capital intrinsèque au capitalisme. Léna remarque que lorsque l’on crée une aire protégée qui expulse les gens, mais qui laisse place au tourisme, à la chasse et à l’exploitation de ressources supposément durables, « cela engendre des profits, alors que le simple respect des droits territoriaux autochtones ne permettrait pas toutes ces activités. » Ces projets visent donc à exonérer les multinationales et les pays riches tout en portant la responsabilité et les conséquences de la destruction de la nature aux populations les plus vulnérables et les moins bien représentées sur la scène internationale.

Plus encore, les bailleurs de fonds pour les projets de conservation de la nature sont souvent généreusement récompensés pour leur appui financier par le biais de compensations ou de crédits carbone. Le marché du carbone est au cœur des solutions fondées sur la nature proposées par les élites progressistes, notamment à la COP26. Il existe donc une liste innombrable de grands pollueurs associés à des organisations de conservation afin de supposément contrebalancer leurs émissions de gaz à effets de serre et leur exploitation de ressources naturelles. Pensons notamment à la campagne Arctic Home de Coca-Cola et du WWF en 2011-2012 pour sauver les ours polaires.

Plus encore, comme nous le rappelle Arnaud Theurillat-Cloutier, professeur au Collège Jean-de-Brébeuf et doctorant en sociologie à l’Université du Québec à Montréal, la transition énergétique nécessite une quantité exorbitante de ressources naturelles et d’espace. Les gouvernements et multinationales des pays industrialisés mènent des conflits violents pour déposséder les populations locales de leur territoire afin de combler les besoins énergétiques de la planète. Ils poussent davantage pour des normes strictes de production et de consommation d’énergies non renouvelables auprès de populations défavorisées tout en promouvant un statu quo insoutenable.

Initiatives pour sauver la planète

Theurillat-Cloutier est co-auteur du nouveau livre Pour une écologie du 99 %, les 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme. Puisque le système capitaliste a démontré être incompatible avec l’écologie et les droits de la personne, il est nécessaire selon lui que les citoyen.ne.s du monde s’engagent dans une transition démocratique anti‑capitaliste et écosocialiste. Si vous vous demandez par où commencer, l’auteur suggère d’amorcer des initiatives écologiques locales et de « développer des liens de confiance communautaires afin de bâtir une solidarité écologique permettant de s’opposer aux grands pollueurs et faire face aux catastrophes climatiques ».

Dans cette logique d’engagement citoyen, Survival International est un mouvement qui œuvre dans la promotion des droits des peuples autochtones depuis 1969, par l’entremise du plaidoyer et de la mobilisation de l’opinion publique. Pour Léna et ses collègues, la meilleure manière de protéger l’environnement est de respecter les droits territoriaux des populations autochtones qui savent comment prendre soin de leur territoire. 

Dans ce sens, il faudra mobiliser localement, mais aussi penser globalement, afin de réveiller une société encore hypnotisée par le matérialisme et la quête du profit.

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