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Éditorial

COP1, COP2…COP26 : À quand la dernière COP ?

Miléna Frachebois
15 novembre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Éditorial rédigé par Miléna Frachebois – Co-rédactrice en chef

Chaque année, la Conférence des Parties (COP) sur le climat réunit près de deux cents pays afin de faire état des effets du changement climatique et d’y trouver des solutions. Cette année, le globe s’est réuni à Glasgow lors de la COP26, qui a pris fin (en retard) ce samedi 13 novembre. A-t-elle été signe de changements significatifs et déterminants pour l’avenir de notre planète ? 

Depuis 1995, les pays signataires ​​de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se réunissent dans le cadre du sommet de la Conférence des Parties. Nous commencions avec la COP1 à Berlin, pensant naïvement que cela ne serait qu’une futilité temporaire. Nous étions loin du compte… C’est chaque année, COP après COP, que nous nous fixons des objectifs, que nous nous saluons, nous les pays et ses représentant.e.s. 

On dirait presque qu’il y a de la naïveté, du désintérêt et du désespoir à la fois : on ne sait pas si on va se revoir mais on se dit « à la prochaine », « au cas où », car on sait que la situation est critique. Nous en sommes là, une triste réalité. C’est naïf, désespéré ou conduit par des intérêts égoïstes que chaque pays fait présence lors de cette COP26. 

Trois membres de notre communauté universitaire, spécialisé.e.s en gouvernance et droit de l’environnement, délégué.e.s du Centre Québécois du droit de l’environnement, Thomas Burelli, Alexandre Lillo et Lauren Touchant, se sont rendu.e.s à la COP26 en tant qu’observateur.rice.s. Ils.elles sont mitigé.e.s face aux résultats de cette COP. 

Déception générale

Il faut le dire, cette COP n’est pas transcendante. C’est avec beaucoup de difficultés que ce sommet a abouti à un accord, tiré de tous les côtés par la Chine, l’Inde et d’autres pays qui ont, il faut croire, du souci à se faire. L’émotion et les larmes du président de cette COP, Alok Sharma, lors de la clôture de celle-ci, symbolisent le dilemme qu’elle a représenté. Il aura fallu deux semaines éprouvantes pour « faire face » aux contradictions entre tous les pays. 

Les chiffres font peur. Si le texte final évoque un objectif de réduire de 45 % les émissions de gaz à effet de serre pour 2030 par rapport à 2010, nous nous dirigeons actuellement vers une augmentation de 13,7 % d’émissions comme le mentionne Burelli. Force est de constater que l’objectif de l’Accord de Paris de 2016 de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré celcius ne sera probablement pas réalisable. Preuve qu’on ne se dirige pas dans la bonne trajectoire et que l’efficacité de ces COP est à remettre en question…

À notre échelle aussi le constat est mitigé. Le Canada a voulu se positionner comme leader du combat climatique en mettant en avant ses initiatives comme celle de la taxe carbone. Pourtant, en dehors de cette vantardise, les trois délégué.e.s ne se réjouissent pas de l’issue de cette COP au niveau national.

Lillo souligne que ce qui a été présenté, c’est simplement du « recyclage » de ce qu’on avait déjà promis de faire. Touchant remarque que les déclarations du Canada ont été très générales, ce qui fait douter du plan à l’échelle nationale. On ne sait pas comment le Canada, qui a donné l’impression d’être un pilier du changement climatique, compte atteindre ces cibles. Ironiquement, il est le seul pays du G7 à avoir augmenté ses émissions de gaz à effet de serre depuis l’Accord de Paris.

Des représentant.e.s des peuples autochtones étaient présent.e.s à la COP. Ils.elles sont concerné.e.s par le réchauffement climatique, notamment en Arctique qui se réchauffe deux fois plus vite qu’ailleurs dans le monde. La présence des peuples autochtones à la COP26 est cruciale, mais suffit-elle pour qu’ils.elles deviennent des partenaires à part entière et soient pris en compte ? Pas vraiment. Le problème est celui de la reconnaissance des systèmes de connaissances autochtones et indigènes. Touchant explique que cette reconnaissance se trouve dans la section collaboration, mais pas dans celui sur la science. C’est un problème puisque le document ne tiendra pas compte de la contribution et du savoir-faire autochtone. 

Le coeur du problème : les énergies fossiles 

Les énergies fossiles ont une grande part de responsabilité dans le réchauffement de notre planète, cela n’est pas nouveau. 70 % des émissions de CO2 sont liées aux énergies fossiles. Pour la première fois, alors qu’elles n’étaient même pas mentionnées dans l’Accord de Paris, les énergies fossiles sont évoquées. On pourrait dire que c’est un premier pas en avant, puisque pour la première fois on reconnaît que les énergies fossiles sont en partie responsables du réchauffement climatique. Cependant, au fur et à mesure des versions du pacte, jusqu’à la dernière minute, la mention des énergies fossiles a été adoucie et atténuée. Si les énergies fossiles et le charbon figurent dans le pacte final, Burelli affirme que « le texte comporte des nuances importantes. On parle de la sortie de certaines exploitations particulièrement polluantes et non de toutes les énergies fossiles »

Nous pouvons tout de même extraire du positif de cette problématique : malgré les oppositions de certains pays comme la Chine et l’Australie, les hydrocarbures restent heureusement présents dans le texte final. Cela signifie donc que le discours sur ces énergies a changé, et que les pays contre la diminution d’hydrocarbures sont désormais minoritaires, ce qui ne fut pas le cas auparavant. Certains pays s’allient même face à cette cause, comme dans le Beyond Oil and Gas Alliance. Si la docteure Touchant observe ce changement de ton des pays, elle espère aussi que ce mouvement d’engagement mondial va perdurer dans le temps.  La planète aussi !

« Pas un pacte, mais un constat »

Touchant se désole du résultat final : « Il s’agit d’un document qui se contente de déclarer et réitérer les intentions des États par l’entremise d’un langage soft, le champ lexical du volontarisme est prédominant, et n’engage aucun pays sur une action clairement définie », affirme-t-elle.

On constate l’urgence, ce qui est une bonne chose. Mais nous n’avons pas besoin d’un texte qui a pris deux semaines à rédiger pour en prendre conscience. Cela fait des décennies qu’on observe la fonte des glaciers, la montée du niveau d’eau, les feux de forêts et tous les dérèglements climatiques. Quelles sont les solutions ? Quelles propositions concrètes offre le soi-disant « Pacte » ? 

On repousse tout à plus tard. Il ne semble pas y avoir de solutions concrètes, ce qui renforce la symbolique de cette conférence. Pour Touchant, le document admet que rien n’a vraiment été accompli. En dehors des constats en besoins financiers et technologiques, nous n’avons pas d’engagement clair sur la façon dont les membres de la CCNUCC vont agir pour atteindre les cibles. Si ce document aurait dû constater les problèmes de climat (et apporter des solutions), il soulève avec lui un autre constat : l’absence de volonté des pays et l’impuissance du secrétariat CCNUCC. 

Vitrine promotionnelle

Une chose importante à remarquer, c’est le nom de cette COP : la COP26, la 26ème Conférence des Parties, ça fait beaucoup. Pourtant, on dirait qu’il y a une fierté derrière ce chiffre. C’est ce qu’a remarqué Touchant lorsqu’elle s’est rendue en Écosse : « Il y a un élément symbolique autour du nombre de COP. J’ai été surprise de voir comment le nombre de COP était célébré. On en parle comme si c’était une bonne nouvelle ».

Maintenant, si on s’intéresse à la COP et ce qu’elle a permis de produire, « le Pacte de Glasgow pour le climat », on se rend compte d’une dynamique à deux vitesses, d’une fracture entre ce qui est dit et ce qui est écrit. Lillo explique qu’il y a beaucoup d’annonces et de déclarations de la part des États, en parallèle des négociations, comme l’a fait le ministre Guilbeault par exemple. Cependant, il précise que ces engagements ne vont pas se retrouver dans le traité. Chaque pays fait son pledge pour l’environnement. La COP est une bonne occasion de montrer ce dont chacun est capable de faire et accomplir, c’est une vitrine mondiale promotionnelle. Il ne suffit pas d’ouvrir son magasin, de montrer ses soldes en vitrine et fermer sa boutique. C’est beau de faire la promotion de ces accomplissements. Maintenant, il faut agir.

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