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Comité sur la lutte contre l’antisémitisme : entrevue avec la professeure Sarah Berger Richardson

Camille Cottais
23 juillet 2022

Crédit visuel : Courtoisie

Entrevue réalisée par Camille Cottais – Journaliste

En février dernier est né le Comité ad hoc sur la lutte contre l’antisémitisme et sur la création d’un campus plus sûr et plus inclusif pour les membres juif.ve.s de l’Université. La Rotonde s’est entretenue avec Sarah Berger Richardson, co-présidente aux côtés de Joel Westheimer, pour en apprendre plus sur les raisons d’être, les objectifs et le fonctionnement de ce comité.

La Rotonde (LR) : Pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Sarah Berger Richardson (SBR) : Je m’appelle Sarah Berger Richardson et je suis professeure adjointe dans la section de droit civil à l’Université d’Ottawa (U d’O). J’ai été invitée à présider le comité avec d’autres collègues. Par la suite, Joel [Westheimer] et moi avons été nommés co-président.e.s.

J’ai été auxiliaire juridique il y a très longtemps à la Cour Suprême d’Israël et j’ai fait ma maîtrise à l’Université de Tel-Aviv, j’ai donc une certaine familiarité avec ces sujets. J’ai également fait partie d’autres groupes de travail dans d’autres universités portant sur les thèmes de liberté d’expression, d’inclusion et de diversité, et je suis moi-même membre de la communauté juive.

LR : Qui siège à ce comité ?

SBR : Nous sommes, sur ce comité, un mélange de professeur.e.s membres de l’Association des professeur.e.s de l’Université d’Ottawa (APUO) et de professeur.e.s membres de l’Association des professeur.e.s à temps partiel de l’Université d’Ottawa (APTPUO). Il y a aussi une représentation étudiante autant au premier qu’au deuxième cycle. Les professeur.e.s viennent de différentes facultés, certain.e.s font des recherches sur la communauté juive, mais pas uniquement.

LR : En quoi consiste ce comité et pourquoi a-t-il été créé ?

SBR : L’objectif de ce comité constitué par l’APUO est de mieux comprendre les expériences et les préoccupations des membres juif.ve.s de notre communauté. Ces dernier.e.s passent souvent inaperçu.e.s, n’étant pas nécessairement identifiables par la couleur de leur peau. Néanmoins, il y a beaucoup de stéréotypes qui font en sorte que l’on croit que tou.te.s les Juif.ve.s sont blanc.he.s, ce qui n’est pas le cas.

À l’U d’O, on ne recueille pas d’informations sur la religion, ce qui limite notre identification des membres juif.ve.s. Une des priorités pour nous est de clarifier que tout le monde ne s’identifie pas uniquement avec la religion, il y a aussi un fort aspect culturel. C’est une identité très complexe et très peu comprise en ce moment à l’U d’O.

LR : Sur quels sujets le comité a-t-il consulté les membres de la communauté universitaire ?

SBR : On a demandé aux membres juif.ve.s de la communauté universitaire quelles sont leurs expériences, leurs défis et les barrières auxquelles ils.elles font face. Les questions étaient formulées de façon très large, on voulait entendre ce que les membres de cette communauté ressentent, ce qui est important pour elles.eux, afin de pouvoir retransmettre ces informations et en tirer des conclusions.

Les résultats de cette consultation sortiront dans notre rapport, qui sera soumis à l’APUO d’ici la fin de l’été. On espère que le document sera lu au-delà de l’interne de l’APUO afin d’intégrer ces expériences dans les discussions plus larges qui se déroulent à l’Université, notamment sur l’antiracisme et l’inclusion.

Il ressort des consultations qu’il s’agit de quelque chose de mal compris, donc notre espoir, avec le rapport, est de démystifier le sujet. Il y a beaucoup de personnes qui pensent à tort que l’antisémitisme est un phénomène des années du 20e siècle, que ce n’est plus un enjeu aujourd’hui.

En plus des consultations auprès des étudiant.e.s, professeur.e.s et employé.e.s, nous avons contacté quelques groupes (par exemple des rabbins et une association académique qui se spécialise dans ces sujets) qui représentent différents membres de la communauté juive à Ottawa afin de bénéficier de l’expertise de leaders dans la communauté.

LR : Que fait l’U d’O aujourd’hui pour lutter contre l’antisémitisme ? Que pourrait-elle faire d’autre ? Est-ce un problème qui est suffisamment pris au sérieux par l’établissement ?

SBR : C’est un enjeu qui est un peu moins sur le radar, mais qui devrait l’être. Si on parle d’inclusion, il faut faire un effort pour mieux comprendre l’expérience des membres juif.ve.s, au même titre que les autres minorités. Cela semble avoir été délaissé dans les discussions existantes et nous pensons qu’il est important de l’inclure car cela impacte les étudiant.e.s tout comme le corps professoral.

LR : Plusieurs rapports font état d’une augmentation des incidents antisémites. Pourquoi fait-on face à une recrudescence de l’antisémitisme plutôt que le contraire ?

SBR : Nous avons vu dans nos recherches qu’effectivement, à Ottawa, le nombre des crimes est à la hausse contre la communauté juive. Il y a notamment eu des incidents avec le convoi de la liberté cet hiver. Nous sommes loin d’être à la fin du chemin. Cependant, il ne faut pas seulement se concentrer sur les questions de violence : la discrimination peut tout simplement être, par exemple, l’absence d’options casher à la cafétéria.

Nous souhaitons expliquer la complexité de cette identité, qui est loin d’être homogène. Les juif.ve.s n’ont pas tou.te.s les mêmes préoccupations et les mêmes inquiétudes. Certain.e.s sont religieux.ses, d’autres non, certain.e.s soutiennent l’État d’Israël, d’autre pas, certain.e.s sont blanch.e.s et certain.e.s racisé.e.s, etc. Nous allons insister dans notre rapport sur cette diversité car nous voyons que c’est important pour mieux accueillir les membres de la communauté de savoir qui ils.elles sont.

 

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