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Arts et culture

Des Singeries qui font méditer

Emmanuelle Gingras
14 novembre 2021

Crédit visuel : Svetla Atanasova – Courtoisie

Critique rédigée par Emmanuelle Gingras – Vidéaste

Elles se regardent. Elles vous regardent. Elles replacent les tissus qui enlacent leurs corps.  Elles regardent leurs mains, à La Nouvelle Scène Gilles Desjardins. Priscilla Guy et Catherine Lavoie-Marcus tentent de rester fidèles à elles-mêmes, au cœur d’un bogue téléréel.

Dans leurs mains, il n’y a rien. Ce serait bien d’y surprendre un bébé singe, mais cela impliquerait « bien des compromis ». Entre temps, le duo a l’une et l’autre, au moins, et sur environ une heure de performance, elles mettent en scène leurs singes intérieurs, qui est quant à lui sans compromis, mais un peu incontrôlable.

Incontrôlable, mais pas chaotique. Singeries n’est pas une performance indomptable ni indomptée. Elle est particulièrement ludique, propre, blanche comme neige, comme les décors et les costumes, d’ailleurs.

Guy et Lavoie-Marcus réussissent à faire fondre dans la bouche du.de la spectateur.rice une paix tourmentée. Celle de la douceur féminine interdite à l’animosité.

Danse et écran

Cinquante pour cent de la performance se produit dans le monde réel, et l’autre moitié, dans des écrans placés ici et là, sur scène. Le duo s’amuse à reproduire et enrichir ce que leurs corps ne peuvent faire qu’à travers un écran.

Elles agissent sur leurs impulsions, se déplacent, comme ces actrices et acteurs qui perdent leur cohérence, quand le CD d’un film est égratigné. Guy et Lavoie Marcus réussissent à nous faire ressentir cette frustration d’être incapable d’accéder à une trame complète. Puis, on hésite ; on s’épuise à force de subir la répétition, mais dans une fascination comme on en trouve rarement ailleurs. Dans leur tentative de demeurer fidèles aux « bogues », les interprètes se perdent parfois aussi dans le néant.

Univers en décalage

Ce qui est impressionnant avec Singeries, c’est la façon dont les images perforent le corps. Celui des interprètes, mais aussi celui du public.

Les sons donnent des fourmis dans des parties sur corps où il est impossible de ressentir des fourmis. La seconde d’après, on a la sensation d’entendre le bruit de nos dents qui résonnent dans le crâne en croquant de la neige. Ensuite, on devient la patte d’une mouche. Tomber dans la lune en regardant de la neige à la télévision

Guy et Lavoie Marcus coudent le néant au réel avec une discrétion, mais avec une force, comme on en trouve seulement chez un.e clairvoyant.e, un.e gourou spirituel.le ou un.e prophète, même !  Elles ne pénètrent jamais rien, sauf la parole, qui émerge à la fin seulement. Une chanson, tiens ! Ce qui garde l’espoir. Ce qui berce, pour éviter que ces petites fentes inévitables ne viennent à s’agrandir.

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