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Éditorial

Quand la maladie nous transforme en chien errant

Rédaction
2 décembre 2019

Par Emmanuelle Gingras & Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteurs en chef

Santé mentale et tabous, deux concepts qui semblent pris dans un tango rébarbatif. Leur danse est toutefois un fléau encore normalisé dans notre société. L’un des remèdes encouragé ? Le dialogue et l’ouverture.

Chaque expérience est unique, chaque tête est différente, c’est pourquoi il est bien difficile de se positionner selon une opinion générale sur la maladie mentale. Il serait en fait ingrat de le faire et surtout, déshumanisant. La maladie mentale est encore un sujet tabou et pour le briser, il faut en parler, question que la honte n’y soit plus rattachée.

Le présent éditorial — qui, vous allez voir, s’écarte un peu de la formule traditionnelle — tracera un portrait franc de la tête de la rédaction en chef. Nous tenterons de vous rappeler que personne n’est seul.e, contrairement à ce que l’isolement que l’on ressent, lorsqu’au plus bas, peut bien faire croire.

Devenir un point de référence

Ce poste, c’est d’abord les autres. On peut donc un peu s’y attendre, il peut devenir difficile de ne pas s’oublier dans le processus. Du jour au lendemain, c’est devenir la référence pour les autres, au point où l’on peut penser qu’on est sa seule et propre référence aussi.

Erreur que nous avons tou.te.s fait. 

Tout bon humain se remet en question ; chose que l’on ne peut pas montrer aux autres. Il faut avoir l’air de savoir ce qu’on fait, montrer par l’exemple. Lors d’erreur de jugement ou de maladresse professionnelle, c’est être doublement jugé.e.  C’est ainsi que l’on ne peut pas montrer à ses collègues que l’on boite, lors de moments difficiles.

Personne ne peut deviner ce qui se passe dans notre tête ; quand ça va mal, on s’isole. Il faut refouler ce mal, car il n’est pas dans le bon contexte. Travailler dans ce poste, c’est devoir faire le tri dans l’immensité des pensées qui surviennent.

Sachez que La Rotonde est une famille et souvent, on ne peut pas tout dire à sa famille. 

S’oublier peu à peu

À force de ne dépendre que de soi, il peut devenir difficile de gérer tout ce qui se passe en nous. Nous pouvons donc vous admettre, dans la transparence la plus complète, qu’il est arrivé que nous options pour de mauvais modes de vie.

L’alcool devient un bon ami. Il peut aider à faire sortir quelque chose en nous, peut-être une réalisation ou un laisser-aller qu’on peut difficilement réussir à trouver. Éventuellement, il devient une manière de noyer ses problèmes. L’affaire, c’est que ceux-ci apprennent à nager éventuellement.

Mais même rendu là, c’est l’omerta à l’égard de nos collègues. Au début, on ne parle pas parce qu’on ne sait même pas ce que l’on a. On finit par constater qu’il y a de quoi de croche. Mais justement, pourquoi parler de nos problèmes ? Notre emploic’est de régler des problèmes. Nous ne pouvons pas en avoir. 

C’est un état d’âme, une manière de penser qui ronge de l’intérieur. À l’image de l’autophagie, on devient soi-même son propre ennemi parfois.

L’on devient un chien errant. Sans maître, en survie. Toutefois, les chiens errants et leur solitude les rendent aussi un peu explosifs et agressifs ; ils se protègent et tentent de garder leur statut pour survivre.

En gros, il arrive qu’on ne sache plus comment se comporter à l’arrivée d’un autre.

Réalité étudiante

Dans les grandes lignes, le poste de rédaction est, lui aussi, très propice à l’erreur, comme l’entièreté de ce journal.  Notre maladie, à nous, est de ne pas nous la permettre. Il faut de la rigueur, de la qualité. Il faut toutefois se rappeler que derrière nos emplois, nous sommes aussi des humain.e.s. imbu.e.s d’imperfection.

Travailler dans un journal étudiant n’a rien de facile pour quiconque, rédaction, équipe de production, journalistes. Après tout, nous ne sommes, justement, qu’un journal étudiant, nécessaire, mais qui est souvent oublié. Ce n’est pas parce que nous avons une liberté dans notre indépendance, que la pression n’y est pas. Nous n’avons déjà que très peu de crédibilité; il faut d’autant plus se battre pour défendre du contenu qui ne sera pas nécessairement lu. Pourtant, nous continuons à faire ce que nous faisons, car nous en sommes maladivement amoureux.

Ne méprenez pas ces paroles, il n’est pas question ici de se faire passer pour des martyr.e.s et d’entreprendre un concours de souffrance. Le point transversal que l’on véhicule — du moins, on essaie de le faire — est que d’aimer son poste ne devrait pas être synonyme de déchéance mentale. Prendre une pause de ce nous aimons le plus n’est pas un blasphème.

Ils le disent un peu partout ; la maladie mentale s’accroît de façon considérable chez les jeunes.

En tant qu’étudiant.e.s, nous pourrions vous dire que l’école encombre. Que devenir quelqu’un encombre. Que comprendre où nous allons encombre.

Toutes raisons valables, il faut s’écouter pour ne pas sombrer. Ne pas se forcer d’être ce que l’on n’est pas. Et surtout, ne pas se taper dessus de ne pas l’être

C’est d’ailleurs pourquoi la rédactrice en chef actuelle de La Rotonde quitte son emploi pour le prochain. C’est un peu la morale de l’histoire ; s’écouter. 

Nous espérons que la transparence dont l’on vous a fait part vous permettra de vous rappeler que personne n’est parfait.e. Que personne n’est constant.e. Il n’y a donc aucune honte de dire à voix haute que l’on souffre quand l’on souffre. Et de parler quand il faut parler.

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