Écoféminismes au quotidien : lutter contre le système colonial, capitaliste et hétéropatriarcal avec Myriam Bahaffou
Crédit visuel : Jacob Hotte – Journaliste
Article rédigé par Jacob Hotte – Journaliste
Le 2 février dernier, le laboratoire de recherche engagé a mis en vedette Myriam Bahaffou, doctorante en philosophie et études de genre à l’Université d’Ottawa (U d’O). La conversation a été guidée par Tatiana Haustant, étudiante de premier cycle à l’U d’O. L’événement, intitulé « Écoféminismes au quotidien », a consisté en une discussion sur le livre de Bahaffou, Des paillettes sur le compost.
C’était la première fois que l’autrice présentait son écrit en milieu universitaire. Des paillettes sur le compost. Écoféminismes au quotidien apporte aux lecteur.ice.s le parcours d’une écoféministe, selon le point de vue de Bahaffou. Il détaille l’intersection entre le militantisme et la recherche universitaire, deux approches qui, selon Bahaffou, jouent pratiquement sur une notion de dichotomie. En effet, le militantisme est considéré comme plus subjectif, basé sur des expériences personnelles, ce que Bahaffou tente de combiner avec sa discipline.
Recherche militante…
La doctorante établit l’écoféminisme comme une discipline qui ne se définit pas au singulier. Pour elle, il ne s’agit pas d’un écoféminisme, mais des écoféminismes. Bahaffou définit les écoféminismes comme des luttes menées par des minorités contre l’exploitation constante envers les femmes, la nature, ainsi que les populations racisées. Ce mouvement, lié à la subsistance, tente d’allier la théorie à la pratique et s’oppose, continue Bahaffou, au système colonial, capitaliste et hétéropatriarcal.
Les écrits écoféministes utilisés par Bahaffou permettent la conception d’un esprit critique, ce que Haustant souligne comme étant un élément souvent découragé dans le milieu universitaire. Lors de ses recherches, un.e chercheur.se est souvent obligé.e d’explorer les deux côtés de la médaille objectivement, ce qui peut être difficile à accomplir lorsqu’on cherche à prouver quelque chose, continue-t-elle.
Lors du processus de rédaction de son livre, la doctorante a cherché à mettre en lumière l’espace de sympathie qu’apporte l’écoféminisme, entre la recherche et le militantisme. Elle défend ainsi l’utilisation du « je » dans son œuvre, tout en adoptant un vocabulaire plus populaire et subjectif, afin de permettre l’accessibilité des ouvrages de recherche. En tant que personne queer, fille d’immigrant.e.s nord-africain.e.s et provenant d’un milieu populaire, Bahaffou avoue ne pas se trouver représentée dans l’espace universitaire. Selon elle, sa présence dans une institution aussi élitiste est en soi une menace au statu quo.
Toutefois, Bahaffou souligne avoir eu des difficultés à s’affirmer dans le passé. Par rapport à son livre, elle précise avoir honte de prendre la parole et de présenter son ouvrage du côté universitaire. En tant que chercheuse racisée, elle pense qu’elle recevra un accueil hostile dans le domaine académique. Haustant témoigne de son expérience avec le colonialisme internalisé, qui l’a conduite à se faire plus petite et à adapter son niveau de langue. Elle essaye de changer cela en récupérant les parties de son identité qu’elle a délaissée lors de son parcours.
… qui intéresse plusieurs
Grâce, étudiante en psychologie clinique à l’U d’O, dit avoir pris intérêt à l’exploration des écoféminismes suite à sa participation à l’événement. Paola, son amie, également étudiante, fut admirative de l’ouverture de Bahaffou lors de la durée du laboratoire. Selon elle, sa candeur et son intelligence ont participé à piquer sa curiosité. Cette dernière avoue ne pas en connaître beaucoup sur le sujet, mais a décidé après l’événement de s’y intéresser davantage.
Pour ceux.celles qui commencent dans le domaine, Bahaffou offre plusieurs conseils. Elle décrit les écoféminismes comme étant difficiles à naviguer seul.e en recherche. Pour éviter des nuits où l’on s’endormirait en pleurant en raison de sa charge de travail, la doctorante suggère la formation d’alliances et de connexions en milieu universitaire. Elle ajoute qu’il est aussi important de se protéger contre des choses hors de nos capacités. Un exemple qu’elle donne est de s’identifier en tant que féministe décoloniale : selon elle, cela peut venir risquer sa carrière, ainsi que provoquer des attaques sur les réseaux sociaux.
La navigation du monde universitaire peut être difficile, elle encourage donc les chercheur.se.s à prendre soin de leur santé mentale avant tout. Finalement, elle rappelle aux personnes qui décident de faire carrière en recherche de prendre conscience de leur responsabilité, étant donné que leurs mots peuvent avoir divers impacts, surtout politiques, sur le public.