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Éditorial

Étudiante, femme et mère d’une carrière

Web-Rotonde
21 novembre 2016

Par Frédérique Mazerolle

Le féminisme est d’actualité. Vous n’avez qu’à visiter votre fil Facebook, regarder les vidéos de la plateforme Vox, ou encore prêter l’oreille aux discussions que vous entendez dans vos cours pour constater que les droits de la femme, c’est in.

Bien évidemment, on se sent plus interpellé par ce qui se passe à l’extérieur du territoire canadien, où la situation des femmes a de quoi nous faire frissonner, avec raison.

Ici au Canada, quand le Premier ministre se dit lui-même féministe et qu’il encourage la parité de son cabinet des ministres, on pourrait penser que la guerre des sexes est bel et bien terminée. Que le problème de l’équité salariale est résolu. Que la discrimination envers les femmes n’est qu’un mythe ou qu’une histoire du passé.

En théorie, c’est beau, c’est bien et c’est fonctionnel, mais dans la réalité, tout n’est pas si rose bonbon.

Les femmes, oui oui, encore aujourd’hui, en 2016, peuvent encore être soumises à de nombreuses formes de discrimination, en particulier si lesdites femmes osent privilégier leur carrière au lieu de devenir porteuses d’une nouvelle vie. Être maman est un travail essentiel pour certaines, mais pour d’autres, le sentiment de réussite se trouve ailleurs.

Ce qui choque, c’est quand on voit que les hommes qui décident de se dédier à leur travail et non à la paternité sont reconnus comme des êtres forts, ambitieux et passionnés. C’est une pratique commune, business as usual comme on dirait. Aux femmes, plus particulièrement celles dans le milieu universitaire, on ne donne cependant pas le même type de compliment.

Confuse, proposeront certain.e.s.

Egoïste, s’indigneront d’autres.

Froide, murmureront-ils tous ensemble.

Pourquoi, encore aujourd’hui, une femme n’a toujours pas l’option de répondre à la négative quand quelqu’un lui demande si elle veut des enfants, sous peine d’être accusée de toutes les suppositions sournoises et de tous les commentaires condescendants possibles?

La seule bonne réponse, du moins celle qui saura satisfaire matante Gertrude, semble encore être un oui gonflé d’enthousiasme, suivi du nombre d’enfants voulus, du choix de leurs noms et de leur école primaire. La femme qui répondra non le fait ultimement parce que, que l’acceptent ou non les normes sociales, c’est son corps, et sa vie, et son choix. Dans un monde aussi absurde que le notre, où des clowns dirigent les grandes puissances mondiales, ne serait-il pas trop saugrenu que d’accepter qu’une femme ne veuille pas d’enfant? N’est-ce pas là la beauté de la liberté du choix que d’offrir un monde meilleur à celles qui suivront?

Mettre le syndrome de l’imposteur à la poubelle

Chers lecteurs et chères lectrices, il est fort probable que vous faites partie du corps étudiant de plus de 40 000 têtes du campus de l’Université d’Ottawa. Vous êtes un.e étudiant.e parmi tant d’autres, désirant tout simplement acquérir le plus de savoir possible et éventuellement sortir de l’institution postsecondaire la tête haute et un diplôme à la main.

Certain.e.s d’entre vous auront pogné la piqure, et, ne voulant pas se limiter au baccalauréat, opteront de poursuivre des études supérieures et postdoctorales. Vous êtes prêts à changer le monde, une idée à la fois. Si vous êtes une femme toutefois, ou un membre d’une minorité visible, ou une personne ayant un handicap et/ou un incapacité, ou un membre des Premières Nations et des communautés autochtones, préparez-vous à avoir la vie plus dure que les autres, comme si elle ne l’était pas déjà. L’Université d’Ottawa aime bien sortir la carte de la diversité en se donnant une tape dans le dos, mais il reste qu’elle n’est pas aussi progressiste qu’elle devrait l’être.

Si une femme décide de vouloir s’investir entièrement à sa carrière, soyez courtois et ravalez vos commentaires désobligeants quant à la tâche biologique du corps féminin. Si ça peut calmer votre matante, expliquez qu’une carrière, c’est un bébé. Ce bébé grandira et permettra à celles qui l’accompagneront d’accomplir de grandes choses. Ces femmes forment la relève des modèles sociaux pour les jeunes filles ambitieuses qui voudront également prendre le pas vers une éducation postsecondaire dans un domaine que l’on juge encore comme étant non-conformiste.

Comme l’a dit Marie-Ève Hodack, étudiante en génie à l’U d’O, lors de la conférence « Les femmes et la science : encore un défi de nos jours? » en février dernier, le changement se fera par et pour les femmes. « Prenons la parole, démarquons-nous, mettons-nous dans des situations inconfortables s’il le faut. Changer les perceptions se fera par l’in­for­mation et la sensibilisation des gens autour de nous. »

Il est temps, plus que jamais, de rejeter l’argument de la norme.

« Les femmes portent des enfants depuis la création du monde. » Nuance, les femmes ont longtemps été forcées, souvent psychologiquement, de porter des enfants, sous peine, si elles refusaient, de brûler en enfer ou de se faire décapiter. 

« Si les femmes ne font plus d’enfants, qui en fera? » Il ne s’agit pas d’une révolution anti-grossesse. Personne n’affirme vouloir que les femmes arrêtent d’avoir des enfants, mais qu’elles peuvent en avoir si elles le veulent

« Le corps de la femme est fait pour porter la vie, le forcer à aller contre ses prédispositions biologiques est malsain. » Le corps de la femme peut porter la vie, il ne le doit pas. 

Il est temps de vivre et de laisser vivre, d’accepter que la réalité d’autrui ne nous regarde que peu et qu’une femme qui décide de se donner corps et âme à sa carrière, qu’elle décide d’avoir des enfants ou non, ce n’est pas de nos affaires.

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