Encrer son identité innue sur le papier avec Maya Cousineau Mollen
Crédit visuel : Maya Cousineau Mollen — Courtoisie
Entrevue réalisée par Hai Huong Lê Vu – Journaliste
En continuation de la série d’entrevues célébrant le Mois national de l’histoire autochtone, La Rotonde a eu la chance d’échanger avec Maya Cousineau Mollen, écrivaine innue originaire d’Ekuanitshit (Mingan). De son enfance dans une famille qui l’a adoptée à ses luttes en tant qu’autrice autochtone, elle fait un retour sur son cheminement jusqu’à aujourd’hui.
La Rotonde (LR) : Que signifie le Mois national de l’histoire autochtone pour vous ?
Maya Cousineau Mollen (MCM) : Pour moi, ce mois est le fruit d’efforts de collaboration. Il permet aux populations allochtones de commencer à s’intéresser à l’écriture des Premières Nations, des Inuit et des Métis, de la lire et d’en apprendre davantage.
LR : Vos travaux abordent souvent des thèmes liés à votre identité en tant qu’innue. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous pousse à explorer ces sujets ?
MCM : Ces sujets abordés font partie de ma vie. Ils m’ont aidée à devenir celle que je suis aujourd’hui. L’identité est d’ailleurs un sujet important chez les Premières Nations.
Il y a aussi des enjeux liés au territoire. Ce sont des questions qui deviennent cruciales et qui commencent à s’étioler. Le territoire possède des limites quant à ce qu’il peut soutenir : on le constate avec les incendies, les changements climatiques et la disparition de certaines espèces. J’essaie de faire ma part en sensibilisant le public à ces problèmes importants.
LR : Comment les écrivaines autochtones se positionnent-elles dans la littérature autochtone actuellement ?
MCM : Je sens que beaucoup d’autrices se positionnent bien dans la littérature : leurs écrits sont reconnus. Cette année, ma cousine a remporté le Prix du Gouverneur général en poésie. L’année précédente, c’était mon cas. D’autres créateur.ice.s s’en inspirent pour en faire des pièces de théâtre. Il y a un intérêt et une curiosité du public qui nourrit notre goût d’écrire et de continuer.
LR : Vous avez été adoptée par une famille québécoise. Comment ce mélange de cultures a-t-il influencé votre vision du monde et votre expression créative ?
MCM : Le fait que j’ai été adoptée jeune a certainement influencé mon identité. Cela m’a aidée à devenir plus modérée : j’ai évité les extrêmes, que ce soit celui des Allochtones ou celui des Autochtones. Ainsi, je cherche constamment un équilibre entre les deux.
Quand j’étais jeune, je n’arrivais pas à comprendre ce que j’étais ; c’était très pénible pour moi. Cela a influencé mon écriture, lui donnant une touche mélancolique. J’ai dû apprivoiser toutes ces émotions que je ne comprenais pas toujours.
LR : Quels sont les défis que vous rencontrez actuellement dans votre domaine ?
MCM : Premièrement, nous avons besoin de plus d’éditeur.ice.s autochtones et d’une meilleure visibilité pour la littérature autochtone. Heureusement, ces changements ont déjà commencé ! Cela étant dit, même s’il existe quelques éditeur.ice.s autochtones, leur nombre reste limité.
Deuxièmement, il serait formidable que nos écrits soient traduits dans notre propre langue, particulièrement pour les langues menacées. Hélas, il y a peu de personnes pouvant effectuer ce travail. De plus, lorsque l’on présente des conférences ou que l’on parle de nos publications, il est important de favoriser des occasions de se connaître mutuellement, entre peuples autochtones.
Troisièmement, l’obtention de financements devrait être simplifiée, car les procédures gouvernementales sont souvent complexes, et on exige que nous rencontrions beaucoup de personnes non-autochtones.
LR : Comment voyez-vous la littérature autochtone évoluer dans le futur ?
MCM : Il y a des auteur.ice.s qui sortent des sentiers battus ; certain.e.s écrivent de la science-fiction ou des bandes dessinées. Des superhéros autochtones commencent même à voir le jour ! Cela enrichit la littérature et apporte de nouvelles teintes à l’identité, ouvrant la voie à la création pour la jeunesse. Je voudrais encourager les jeunes à écrire.
L’écriture m’a permis de voyager. Les jeunes autochtones qui souhaitent explorer le monde et développer leur esprit nomade devraient tenter leur chance ! De cette manière, on préserve les traditions narratives pour les générations futures. Parfois, la littérature orale a besoin d’être soutenue par la littérature écrite pour perdurer.