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Éditorial

Entre indifférence et incompétence : chute du français au Canada 

Rédaction
29 août 2022

Crédit visuel : Archives

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

Les données du recensement de l’année 2021 ont été rendues publiques le 17 août dernier. Les Canadien.ne.s ont pu y remarquer que le poids des francophones au pays et dans la province ontarienne continue de chuter. Ces résultats, qui ne sont malheureusement pas surprenants, nous poussent à nous demander : existe-t-il une réelle volonté de protéger le français au pays, ou est-ce un sujet qui n’est utilisé qu’à des fins électorales

L’enquête menée par Statistique Canada a effectivement révélé que le nombre de francophones au pays est passé à 21,4 % en 2021, soit une baisse de 0,8 % depuis 2016. Ce n’est qu’en Colombie-Britannique et au Yukon que le poids de la population francophone n’a pas chuté. 

Si les raisons derrière la fluctuation des données varient, un facteur demeure toutefois constant : la paresse des gouvernements provinciaux et fédéral est encore une fois à blâmer. Nous voilà donc au cœur d’un autre débat sur la situation du français au Canada. C’est une situation regrettable, mais que trop familière.  

Inaction au Canada…  

Le gouvernement fédéral déplore la situation, la qualifie de préoccupante, mais semble être trop ancré dans ses traditions pour faire de réels changements. Le gouvernement Trudeau prétend vouloir renforcer la protection de la langue de Molière, avec son engagement de reconnaissance de la langue et son projet de modernisation de la Loi C-13. Surprise, surprise, ce ne sont que des promesses vides. 

 De fait, le projet de Loi C-13, qui vise à modifier la Loi sur les langues officielles et promouvoir le français, traîne depuis plusieurs mois déjà. Déposé à la Chambre des communes en mars dernier par Ginette Petitpas Taylor, il pourrait donner, entre autres, plus de liberté au commissaire aux langues officielles. Évidemment, le projet n’a toujours pas été voté en chambre. 

En plus du temps qui passe et du manque de réaction de la part du fédéral, la réforme de la Loi C-13 se veut largement incomplète. Elle ne propose pas la création d’une agence pour encadrer la protection de la langue française, qui est pourtant un de ses objectifs premiers. Pire encore, elle ne prend aucunement en compte le volet sur l’immigration, qui pourrait être une solution considérable au problème. 

Des milliers de dossiers d’immigrants francophones sont actuellement en attente de traitement et des visas d’étudiant.e.s africain.e.s francophones se font refusés malgré le respect de tous les critères. Alors que le gouvernement canadien se lamente du recul du français, il se prive de ceux et celles qui pourraient possiblement remédier à la situation. Problématique, non ? Que faut-il faire de plus pour voir de réels changements ? Faudra-t-il attendre que le français disparaisse complètement avant de voir le gouvernement s’attarder au problème ?

… Et dans la province de Québec

Au Québec, le gouvernement Legault perçoit l’immigration comme une réelle menace à la langue française et la juge responsable du déclin de la langue. Le Premier ministre pointe le fédéral du doigt, réclame une redistribution des pouvoirs en immigration, mais ses tentatives de réformes provinciales sont tout autant problématiques.  

Simon Jolin-Barette, ministre québécois de la langue française, déplore sans cesse le fait que le français soit en recul au Québec, alors qu’il était lui-même à l’origine d’une réforme maintenant retirée qui visait à limiter l’accès au Programme de l’expérience québécoise, et ainsi à la résidence permanente, aux travailleur.euse.s temporaires et aux étudiant.e.s étranger.e.s. Des travailleur.euses et étudiant.e.s qui sont en majorité francophones, soulignons-le. 

 Et que dire de la Loi 96 ? Créée par le même Jolin-Barette, elle contribue plus au problème qu’elle ne le solutionne. La loi est non seulement discriminatoire envers les nombreux anglophones de la province – l’anglais est d’ailleurs maintenant la langue première de plus d’un million de Québécois.e.s – mais n’a pas de réel impact sur la protection de la langue française. C’est dans les chiffres : qu’attend le gouvernement Legault pour reconnaître l’échec de son administration caquiste ? 

 Le ministre québécois de la langue française affirme que le Québec est maintenant à la croisée des chemins concernant le français, mais semble oublier que le mandat du gouvernement dont il fait lui-même partie était justement de le protéger. Le gouvernement Legault excelle dans l’art de s’extraire de toute responsabilité, alors qu’il se veut extrêmement réformateur. 

Franco-Ontarien.ne.s exaspéré.e.s

La situation en Ontario est d’autant plus enrageante. Il est clair que les francophones ne s’épanouissent pas sous le gouvernement de Doug Ford. Le nombre d’habitant.e.s ayant le français comme première langue officielle parlée est passé de 3,8 % en 2016 à 3,4 % en 2021 ; les données démontrent que le français, comme ailleurs au pays, est en grave danger dans la province. D’après le recensement, le nombre de Franco-Ontarien.ne.s est à son plus bas depuis 1996. 

Depuis l’entrée en fonction de Ford en 2018 et sa réélection plus tôt en 2022, les Franco-Ontarien.ne.s ont subi discriminations et coupures, que ce soit au niveau de l’offre inéquitable des services en français ou en éducation. En dépit de tout ça, une grande partie des francophones de la province ont joué un grand rôle dans la réélection de Ford. N’est-ce pas ironique ?  

Encore une fois, l’immigration s’impose comme solution. Mais le gouvernement Ford n’est toujours pas capable d’atteindre sa cible annuelle de 5 % d’immigrant.e.s francophones, objectif qui a été établi il y a près de 10 ans. 

Il n’est pas étonnant de voir que le nombre de francophones dans la province ne cesse de diminuer. Parce que tenter de vivre en Ontario en français, c’est se taper des heures au téléphone pour recevoir des services dans sa langue. C’est prendre des cours en anglais puisque ceux offerts en français sont médiocres. C’est participer à des manifestations simplement pour se faire entendre par un gouvernement qui se fiche carrément de nos droits. C’est inévitable : moins le français est disponible, plus les gens vont vers l’anglais. 

En faisant face à l'(in)action de nos gouvernements, une chose est claire. Au Canada, y compris au Québec et en Ontario, l’anglais est nécessaire. Le français, non. 

 

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