Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique
Éditorial rédigé par Miléna Frachebois – Co-rédactrice en chef
Les élections générales ontariennes de 2022 approchent à grands pas. Dans moins de trois mois, nous saurons qui sera le.la Premier.e ministre de l’Ontario. Ce Mois de la francophonie est l’occasion parfaite de faire le bilan du mandat provincial actuel : le gouvernement Ford a-t-il été présent pour nous, les Franco-Ontarien.ne.s ? Les étudiant.e.s ? Voulons-nous encore avoir le Parti conservateur au pouvoir ?
Le 7 juin 2018, le Parti progressiste-conservateur l’emporte à la majorité et désigne Doug Ford comme Premier ministre de l’Ontario. La Rotonde, déjà dubitative à l’époque, écrivait « la gestion du système de santé mentale, les frais de scolarité et la francophonie sont quelques enjeux qui feront couler beaucoup d’encre au cours des prochains mois » ou encore « auparavant dirigée par la député d’Ottawa-Orléans, la libérale Marie-France Lalonde, l’abolition du ministère [des Affaires francophones] jette de l’ombre sur l’importance attendue de la francophonie au sein du gouvernement Ford ».
Boule de cristal ou évidence politique ? Nous ne sommes pas certain.e.s. Ce dont nous sommes sûr.e.s par contre, c’est que ce mandat a été réellement mitigé.
Le temps des coupures…
Le gouvernement Ford est très axé sur le portefeuille. C’est donc non sans surprise (ou presque, car on veut toujours y croire) que celui-ci a décidé d’entreprendre des coupures majeures pour faire face au déficit budgétaire… dans la francophonie. Rappelez-vous ce fameux jeudi noir, qui a d’ailleurs bien annoncé la couleur de l’avenir du fait français sous Ford.
En une journée, le 15 novembre 2018, le gouvernement Ford annonce l’abolition du Commissariat aux services en français, ainsi que l’annulation du projet de création de l’Université en Ontario français (UOF), en discussion depuis le début des années 2010. C’est de la colère, du désarroi, de l’incompréhension, de la frustration, et bien d’autres émotions qui passent par la tête de toute une communauté.
Le.la Commissaire était indispensable pour surveiller les politiques provinciales et assurer la place du français en Ontario. En ce qui concerne l’UOF, officialisée même pas un an plus tôt par le gouvernement de Kathleen Wynne, elle était indispensable pour assurer la vitalité francophone du sud de l’Ontario. Ces coupures sont douteuses, et la justification ne passe pas. Si l’UOF représentait 20 millions de dollars, le Commissariat n’en représentait que trois millions. Dur à comprendre que les deux soient sacrifiés pour un déficit de 15 millions.
La communauté francophone se mobilise, un peu à la saveur du mouvement SOS Montfort. Ayant espoir de contrer les mesures prises par le gouvernement ontarien, les Franco-Ontarien.ne.s luttent et manifestent. À la fin, oui nous nous faisons entendre, mais nous ne devrions pas avoir à lutter pour nos droits en premier lieu. Nous ne devrions pas nous battre pour exister.
… Puis de l’inaction
La deuxième partie du gouvernement Ford se fait dans le contexte de la COVID-19. Deux ans après son entrée en poste, il est mis à l’épreuve : masque, confinement, vaccins… Que des mesures qui divisent. Dans tout ça, il semblerait qu’on ait, encore une fois, oublié la francophonie. Cette fois-ci, on ne fait rien. L’inaction se révèle pourtant problématique.
Après l’UOF et le démantèlement du Commissariat aux services en français, Ford contribue à la crise que connaît l’Université Laurentienne (UL) suite à sa faillite technique. Il a aussi son rôle à jouer à l’origine comme l’indique Michel Bock, professeur d’histoire de l’Université d’Ottawa (U d’O), spécialiste de l’histoire intellectuelle du Québec et du Canada français. Début 2019, la province annonce la baisse des frais de scolarité de 10 %. Pourtant, cette réduction des frais de scolarité ne s’accompagne pas d’une compensation financière du gouvernement provincial. Ford n’a fait qu’envenimer la santé financière d’une des seules institutions bilingues de la province, voire du pays, déjà touchée par les conséquences financières de la COVID-19.
Une fois le mal fait, le gouvernement ontarien aurait pu agir. Il aurait pu, s’il considérait la cause importante, empêcher la faillite technique de l’UL en lui octroyant par exemple un fond d’urgence. Ford n’a pas agi. Il a laissé faire.
Bock explique que pour faire face à cette crise d’exil francophone du Nord de l’Ontario, l’Université de Sudbury (US) s’est déconfessionnalisée et est devenue officiellement francophone. Si, d’après lui, le fédéral est désormais prêt à financer l’Université devenue publique, nous attendons toujours des nouvelles du provincial, qui traîne la patte, malgré que ce financement soit une priorité…
Nous, les étudiant.e.s
Les actions du Premier ministre ne sont pas sans conséquences pour nous la population étudiante. En ce qui concerne l’UL, les coupures dans les programmes en français sont ridicules, poussant beaucoup d’étudiant.e.s à se délocaliser. Même si l’UOF existe, et même si l’US « remplace » le mandat francophone du nord de l’Ontario de l’UL, il est clair que sous ce gouvernement, l’enseignement postsecondaire francophone en Ontario est menacé.
À l’U d’O, la question ne se pose pas, nous avons plutôt la certitude que notre enseignement en français est quasi assuré, malgré le sous-financement. Mais la question se pose pour l’accessibilité aux études en français. Sous ces menaces constantes, du côté de l’US ou de l’UOF, les étudiant.e.s peuvent se sentir forcé.e.s à s’exiler dans les pôles d’enseignement plus sécuritaires. Cela signifie donc qu’un.e étudiant.e franco-ontarien.ne doit quasi systématiquement quitter son chez-soi.
Ford aime toujours prendre des mesures populaires. Alors, il décide aussi en 2019 d’établir l’Initiative de la liberté de choix des étudiant.e.s, aussi connue comme Student Choice Initiative permettant aux étudiant.e.s de payer ou non des frais dits « non-essentiels ». Cela a mis fortement en péril les services francophones dans les universités en Ontario, souvent rayés de la facture de beaucoup d’étudiant.e.s qui n’avaient pas pour intérêt de s’en servir.
Bref, vous avez pu le comprendre, nous ne voulons pas de vous M. Ford.
Nous ne voulons pas d’une personne qui ne veut pas apprendre le français malgré ses promesses, qui ne veut pas s’intéresser à notre culture et notre histoire, qui ne veut pas nous écouter.
Nous ne voulons pas d’un gouvernement conservateur, qui, de manière générale, a souvent menacé la prospérité de notre communauté.
En tant qu’étudiant.e.s maintenant, francophones ou anglophones, nous ne voulons pas de quelqu’un qui coupe constamment le financement du postsecondaire ou les aides financières aux études.
Restez à la maison, M. Ford.