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Respondus Lockdown ; le logiciel pour les examens depuis chez soi ?

Rédaction
15 juillet 2020

Crédit visuel : Pixabay

Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste 

L’Université d’Ottawa s’est à nouveau exprimée dans un communiqué concernant l’outil de surveillance Respondus Lockdown, qui sera utilisé aux trimestres de printemps, d’été ainsi qu’à celui d’automne. Nombreux.ses sont les étudiant.e.s à avoir critiqué ouvertement l’utilisation du logiciel. Oliver Benning, étudiant en informatique et mathématiques a créé une pétition, à ce jour signée par plus de 1644 étudiant.e.s. Tim Gulliver, commissaire à la revendication au sein du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), a lui aussi publié une déclaration publique du SÉUO montrant d’importantes réticences à l’utilisation de ce programme. Qu’est-ce que Respondus ? Les étudiant.e.s ont-ils raison de s’inquiéter ?

Le logiciel fonctionne grâce au micro et à la vidéo-caméra des étudiant.e.s, afin de repérer les potentielles tricheries lors d’examens. La vice-provost Jill Scott aborde, dans son communiqué, que ce programme sert à maintenir l’intégrité universitaire et qu’il correspondait au meilleur choix de protection de la vie privée. 

Tour d’horizon de l’application 

Le logiciel, qui enregistre la vidéo et l’audio de l’étudiant.e en tout temps pendant son évaluation, capture aussi le mouvement des yeux,  le délais de réponse pour une question, et photographie la carte étudiante. Respondus n’accède cependant pas aux informations sur le campus virtuel. Seul.e.s les professeur.e.s et assistant.e.s d’enseignements désigné.e.s, les administrateur.rice.s du campus virtuel ainsi que les surveillant.e.s autorisé.e.s y ont accès aux enregistrements, et ce pour une durée d’un an. 

Le logiciel est cependant seulement compatible sur Windows et Mac. Respondus Lockdown permet une lecture de l’écran pour les étudiant.e.s avec besoins spéciaux ; l’application indiquera une « absence d’images » si l’étudiant.e dit avoir besoin d’aller aux toilettes. 

Également, il ne suit pas tous les appareils connectés au Wi-Fi, mais limite l’ouverture de pages internets sur l’appareil où le logiciel est activé. 

Des étudiant.e.s préoccupé.e.s

La déclaration publiée par le SÉUO en date du 4 juillet soulève des préoccupations de 4 ordres : l’impact sur la vie privée, l’impact disproportionné sur les étudiant.e.s marginalisé.e.s et a faible revenu, le manque de transparence de l’administration de l’U d’O et le manque de consultation des étudiant.e.s. 

En tant que commissaire à la revendication, Gulliver se perçoit comme un « porte-parole des étudiant.e.s. » Après avoir saisi l’inquiétude de plusieurs étudiant.e.s,  il était évident pour lui de se prononcer sur la question. 

Vie privée : de la différence entre le semi-privé et le privé

Le fait que Respondus filme les étudiant.e.s dans leur propre maison alarme particulièrement Gulliver et Benning. Tous deux soulignent la différence entre le cadre « semi-privé » d’une salle de classe par exemple, et le cadre « privé » de la maison. Benning affirme être inquiet que cette autorisation créée un précédent où les étudiant.e.s cèdent ce droit à l’Université, droit qui pourrait  ensuite être exploité dans d’autres contextes et à plus grande échelle.

Scott énonce néanmoins dans sa déclaration que ce logiciel « répondait à [leurs] exigences strictes en matière de sécurité de l’information et à celles de [leurs] règlements sur la protection des renseignements personnels. »

Gulliver réplique toutefois que la déclaration de la vice-provost ne répond pas aux questions qui ont été précédemment soulevées dans la première déclaration du SÉUO ; il souligne également qu’il « est très raisonnable pour les étudiant.e.s de vouloir garder leur vies et leur espaces privés à eux seuls. »

Le commissaire encourage l’université à dévoiler l’accord de confidentialité entre Respondus et l’Université d’Ottawa. « Les étudiant.e.s devraient avoir le droit d’avoir toutes les informations nécessaires afin prendre une décision informée. Malheureusement, les étudiant.e.s n’ont pas eu ces informations avant la session d’été. C’est regrettable », affirme-il. 

Les étudiant.e.s marginalisé.e.s : plus à risque 

Aucune application ne fait preuve d’objectivité totale et le racisme systémique ainsi que d’autres formes de discrimination existent belles et bien à uOttawa. 

Benning apporte le point que les algorithmes de reconnaissance faciale ont le potentiel d’être biaisés envers les personnes de couleur. Il s’inquiète aussi de la présence de préjugés raciaux inconscients chez les professeurs, qui devront à leur tour regarder les alertes soulevées par Respondus et choisir lesquelles sont problématiques. Sur la foire aux questions concernant Respondus, l’Université d’Ottawa affirme que le logiciel créé plusieurs fausses alertes de tricherie. 

Gulliver ajoute que l’impact sur les étudiant.e.s à faibles revenus, qui ne voudraient par exemple pas allumer leur caméra par crainte d’être stigmatisé est problématique. « On a aussi entendu parler des étudiant.e.s ayant une incapacité, qui craignent être flaggué plus fréquemment par Respondus pour de la fraude académique potentielle », soulève-il. 

Certaines étudiant.e.s seraient aussi mal à l’aise que leur professeur puisse les regarder elles-mêmes spécifiquement, dans leur maison, et ce pour une longue période de temps ; un contexte bien différent de celui de la salle de classe. 

L’anxiété est aussi une des inquiétudes de Benning. Les alertes automatisées pourraient selon lui en être source, en plus des interruptions qui peuvent arriver dans une maison. Ces dernières risquent de causer des alertes et par le fait même d’augmenter à nouveau l’anxiété.

Le logiciel nécessite aussi un ordinateur des marques Windows ou Apple. L’université a donc encouragé les étudiant.e.s à se procurer ce genre d’ordinateur s’ils n’en possèdent pas un. Or, le prix de ce type d’objets peut parfois s’avérer élevé ; en racheter un n’est donc pas à la portée de tous. 

Benning ajoute aussi que le logiciel pourrait endommager certaines installations de Windows et que cette situation pourrait engendrer des coûts supplémentaires. Il mentionne aussi l’importance de la liberté technologique : « je pense que les gens devraient avoir le droit d’utiliser le système d’exploitation de leur choix, y compris Linux, qui n’a pas d’option avec Respondus », résume-t-il. 

Transparence et consultation des étudiant.e.s

Gulliver se dit aussi inquiet du manque de transparence de l’Université. Dans un article de CBC, uOttawa refuse de confirmer que le logiciel sera utilisé ce semestre ; selon Gulliver, il l’est bel et bien. Le commissaire se demande alors pourquoi l’université ne confesse pas cette information ; consulter les étudiant.e.s avant de prendre la décision d’utiliser ce logiciel est très important.  

La déclaration de la vice-provost rapporte que le consentement sera demandé aux étudiant.e.s avant d’utiliser Respondus. Celles et ceux qui ne veulent pas auront accès à des options alternatives, ces dernières restant toutefois méconnues. 

« Il est impératif que les accommodements alternatifs soient raisonnables et également gratuits », appuie Gulliver. 

Alternatives et suites à la discussion 

Benning semble penser que la solution est de créer de nouveaux types d’examens,  à livres ouverts par exemple, ou de donner des examens maison, ou des projets.

Il demande également à l’université de cesser d’utiliser Respondus Lockdown, ainsi que tout logiciel de surveillance opérant à l’extérieur d’un navigateur web. Il n’est aussi pas à l’aise avec l’utilisation de vidéo et d’audio pour la surveillance et souhaite que l’université communique plus clairement et avec transparence aux étudiant.e.s. 

Gulliver se dit quant à lui prêt à travailler en collaboration avec l’université pour trouver une entente.  « On aimerait que nos suggestions ne soient pas juste écoutées, mais incorporées », précise-il. 

Il a espoir qu’une entente soit possible, afin de trouver une solution qui respecte les demandes des étudiant.e.s, tout en ne leur coûtant pas plus cher. 

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