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Le Mois de l’histoire des Noir.e.s : un mois à réviser ?

Nisrine Nail
14 février 2024

Crédit visuel : Jürgen Hoth — Photographe

Article rédigé par Nisrine Nail — Cheffe du pupitre Actualités

Le 8 février dernier, le Groupe d’action contre le racisme anti-noir.e.s (GaCran) de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa (U d’O) a tenu une conférence dont le but était de réfléchir à la raison d’être du Mois de l’histoire des Noir.e.s et ses enjeux. Cet évènement s’est déroulé en personne au Carrefour des apprentissages et en ligne.

Les panélistes du jour ont été les suivants : le vice-provost en équité, diversité et excellence en matière d’inclusion de l’U d’O, Awad Ibrahim, le professeur titulaire en communication et conseiller spécial en antiracisme à l’U d’O, Boulou Ebanda de B’beri, et la professeure titulaire en éducation à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Gina Thésée. Ces dernier.ère.s étaient invité.e.s à répondre aux questions de la professeure en histoire de la Faculté des arts à l’U d’O, Meredith Terretta.

Qu’est-ce qui est célébré ?

Ibrahim a soutenu que ce n’est pas « clair » ce que le Mois de l’histoire des Noir.e.s célèbre. Le vice-provost a poursuivi en définissant chaque mot de l’évènement : « Mois signifie qu’on accorde du temps. Histoire, donc au sens historique. Et les Noir.e.s, donc à la catégorisation noire. » Il a exprimé sa confusion et a affirmé que, pour lui, ce mois célèbre la présence africaine sur Terre.

Selon Thésée, le concept de cette fête est paradoxal. « L’histoire est dans le passé, mais on est dans le présent. Les conséquences du passé sont actuelles », a proféré la professeure en éducation. À son avis, cette célébration glorifie des identités, des citoyennetés et des altérités blessées. Des blessures « intimement imbriquées » avec l’exploitation, la colonisation, la suppression et l’oppression, a énuméré Thésée. Elle a insisté sur le devoir de prendre soin de soi afin de reconstruire le monde. Selon cette dernière, le racisme antinoir « est une religion civile ». Selon Thésée, il faut développer un chantier épistémologique pour détruire les savoirs oppressifs et bâtir des savoirs émancipateurs.

Nouvelle perspective à proposer ?

Thésée a manifesté son accord à maintenir ce mois. Elle a précisé qu’il doit tout de même être recadré. « Le racisme qui imprègne toutes les sociétés du monde et les violences que vivent les communautés noires sont multiples : environnementales, politiques, sociales, économiques », a indiqué la professeure en éducation. Elle a jugé que trois éléments sont nécessaires au changement. Vouloir, agir et devenir, a convenu Thésée. La panéliste a expliqué qu’il faut vouloir par « agentivité », agir par « devoir » et devenir par « éthique ».

Le professeur titulaire en communication et conseiller spécial en antiracisme a reconnu l’importance d’éduquer le public et « de faire trembler le statu quo ». À son avis, l’aspect symbolique de l’histoire des Noir.e.s est respectable, mais il faut être plus original et le « dépasser sinon on reste stagnant ».

Selon Ibrahim, il est nécessaire d’intervenir de manière épistémologique et de repenser l’histoire en elle-même. Il a proposé de décoloniser et de problématiser le concept de Noir.e. « Il existe une diversité de Noirs au niveau de la langue, de la culture, alors il faut complexifier cette identité », a établi le vice-provost. Ibrahim a fait savoir que l’histoire est remplie « d’amour, de joie et de poésie », et pas seulement de misère. Le vice-provost souligne vouloir célébrer l’histoire des Noir.e.s de manière profonde et dans une perspective décoloniale.

Comment envisager une éducation antiraciste ?

Thésée a partagé sa perte d’espoir quant à une éducation antiraciste. « Je ne pense pas que c’est possible. Le racisme est une religion et elle est dans l’esprit. Le racisme cognitif se déploie justement dans les institutions éducatives », a-t-elle observé. Elle a dénoncé la suspicion envers les individus noir.e.s dans les espaces académiques. Thésée a rappelé la déshumanisation intellectuelle qu’ils.elles vivent. La panéliste a identifié l’importance de créer des rapports avec les autres, de résister à la religion antinoire. Il est aussi essentiel pour les personnes noire poursuit Thésée de décoloniser leur esprit et de « renaître » après avoir être aliéné.e par la société.

Le vice-provost a ajouté que : « L’éducation est le miroir de la société. » D’après lui, il est nécessaire de se libérer du racisme au niveau social afin que ce soit le cas au niveau éducatif. « L’antiracisme est un processus et non une destination. La lutte se fait tous les jours », a remarqué Ibrahim. Ebanda de B’beri a estimé qu’il est indéniable que l’éducation raciste existe toujours, cependant il souligne la nécessité de dialoguer et d’intervenir lorsqu’un incident raciste se produit.

Eli Ndala, membre fondateur du GaCran et doctorant à la Faculté d’éducation de l’U d’O, a conclu le panel et a avoué avoir plus d’espoir après ces discussions. Il a avancé que la solidarité envers les enjeux vécus par les personnes noires semble s’être atténuée depuis le meurtre de George Floyd. Il a remercié les participant.e.s et les panélistes pour s’être présenté.e.s à cet évènement.

La Faculté d’éducation de l’U d’O tiendra le 14 février le salon de carrière en éducation, un évènement qui se déroulera virtuellement.

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